MuleSoft expose sa feuille de route aux clients français
Lors de son événement parisien, MuleSoft Innovation Days, Salesforce a présenté la feuille de route consacrée à sa plateforme API. Renforcement du lien avec les briques Salesforce, gouvernance accrue et infusion de l’IA sont au programme. Est-ce suffisant pour convaincre les organisations ?
Salesforce, qui a acquis le spécialiste de l’iPaaS en 2018, ne change pas de braquet. Premièrement, il continue de rapprocher sa plateforme CRM de ses outils API.
Depuis le mois d’octobre, il est possible d’appeler les API et les robots RPA MuleSoft depuis Flow Orchestration, l’outil low-code/no-code intégré dans la plateforme cœur de Salesforce. Ces actifs sont dits réutilisables, c’est-à-dire qu’il est possible d’utiliser une même API ou un même bot dans plusieurs flux d’automatisation. Ces assets peuvent être existants.
« Quand vous avez besoin de connecter plusieurs systèmes, il est fort probable que le département IT ait déjà développé une interface », déclare Özgür Karahan, ingénieur solution chez MuleSoft. « Vous pouvez interconnecter votre MuleSoft Anypoint avec votre Org Salesforce. Par exemple, un asset peut servir à mettre à jour automatiquement des commandes dans un ERP ».
Une vie en dehors de Salesforce
Historiquement, cette réutilisation des API est un défi de taille. Outre les outils, il faut d’abord avoir mis en place une méthode et une architecture de référence pour rendre cela possible, selon MuleSoft.
« C’est une préoccupation de nos clients. Chez les grands comptes, l’on a pu évaluer un gain moyen compris entre 7 000 à 8 000 dollars par réutilisation et par API », déclare Frédéric Pozzi, président de la région France chez MuleSoft auprès du MagIT.
Cela ne concerne pas uniquement le monde Salesforce, auquel MuleSoft semble de plus en plus intégré. Le président de la région France considère que les « projets de transformation autour de leurs migrations SAP » sont une aubaine pour le spécialiste de l’intégration. « Il y a beaucoup de clients qui envisagent de remplacer des briques auparavant rattachées à l’environnement SAP, notamment leur CRM et leur HCM, par des solutions tierces [typiquement SAP CRM par Salesforce et SAP HCM par Workday N.D.L.R] », observe Frédéric Pozzi. « Il faudra bien interconnecter ces briques et l’ERP, idéalement avec des connecteurs réutilisables ».
L’IA générative pour les citizen développés, le machine learning pour les développeurs
Deuxièmement, l’éditeur entend infuser les fonctions d’IA dans sa plateforme, que ce soit pour développer et gérer des API ou pour prendre en charge certains flux spécifiques.
Tout comme Appian, PegaSystems et Snowflake, MuleSoft présente une solution d’Intelligent Document Processing, une sorte d’OCR augmentée à l’IA. Ce produit est disponible dans une version pilote depuis ce mois de novembre. « Cela permet de récupérer un document non structuré, par exemple un PDF, et d’extraire les informations importantes. Une fois cela fait, cela peut être intégré dans un flux d’automatisation », explique Özgür Karahan. Cela peut également servir à classifier ces mêmes documents.
Dans cette idée d’automatiser les processus CRM, Einstein pour Flow (disponible en mode pilote) doit faciliter la création des flux et des tests Apex à partir de prompts en langage naturel.
La même chose est disponible en pilote avec Einstein pour Anypoint Code Builder, qui est en quelque sorte la version MuleSoft d’Einstein pour Flow.
Pour les développeurs, l’IDE Anypoint Code Builder, en disponibilité générale, est désormais propulsé par VS Code, et non plus par les IDE Eclipse. Ici, point d’IA générative, mais des recommandations de design en fonction du contexte et de la spécification de l’API (OpenAPI, RAML, GraphQL). En clair, l’outil effectue des suggestions de code suivant des patterns préétablis. ACB (pour les intimes) génère automatiquement la documentation des API. Ces API peuvent être publiées sur MuleSoft Exchange, puis converties en flux « no-code ». À l’inverse, il est possible de consulter la spécification et le code liés aux API développés avec Einstein pour Anypoint Code Builder.
Selon Frédéric Pozzi, les utilisateurs n’ont pas adopté massivement les outils low-code/no-code comme Flow Orchestrator. « Ce sont davantage les administrateurs Salesforce qui exploitent ce type d’outils pour l’instant. Les développeurs souhaitent des environnements plus adaptés à leurs besoins », affirme-t-il.
Une gouvernance des API (enfin) unifiée
Troisièmement, MuleSoft renforce la gouvernance de sa plateforme. La filiale de Salesforce assure désormais permettre une « gouvernance de bout en bout », tout au long du cycle de vie des API. C’est le rôle de la fonction Anypoint API Governance, accessible depuis avril 2022. Cette gestion « end-to-end » s’applique désormais à toutes les versions d’une API.
Le service met déjà en avant les bonnes pratiques de mise en sécurité (à l’aide des recommandations OWASP), de gestion des accès et de fonctionnement. Ces règles sont personnalisables en fonction des obligations ou des exigences de l’entreprise, mais aussi des organisations au sein de groupes. Il est également possible d’automatiser les validations en intégrant les pipelines CI/CD.
En sus, Anypoint Governance et API Manager fournissent des vues unifiées des spécifications, des instances, des marques de conformité et des rapports de gouvernance.
Cette gouvernance peut s’appliquer théoriquement à l’ensemble des API d’une entreprise, y compris celles qui n’ont pas été développées avec le framework et la méthode MuleSoft (elles seront vraisemblablement signalées comme non conformes dans un premier temps).
Comme son concurrent Axway, l’éditeur a fait le constat que ses clients exploitent plusieurs outils d’intégration de données, entre cinq et sept solutions en moyenne, selon Frédéric Pozzi. Bien évidemment, l’objectif de MuleSoft est de les convaincre de consolider ces intégrations sur une seule plateforme, de préférence la sienne.
Anypoint Flex Gateway : Envoy a la peau dure
En attendant, la filiale de Salesforce embarque les capacités décrites ci-dessus dans l’offre chapeau Universal API management (UAPIM), qui inclut – entre autres – API Governance, Anypoint Catalog, un service de découverte et de catalogage d’API et Anypoint Flex Gateway.
Anypoint Flex Gateway est une passerelle « légère » API basée sur Envoy, le même proxy utilisé dans l’architecture standard du service mesh Istio (avec side-cars, contrairement à Ambient Mesh), et sur Fluentbit, un outil de collecte de logs (compatible avec New Relic, Sumo Logic et Splunk). Disponible depuis juillet 2022, celle-ci peut être déployée sur site ou dans le cloud (Linux, Docker, Kubernetes). Il ne faut pas confondre Flex Gateway avec Anypoint Service Mesh, l’implémentation d’Istio de l’éditeur.
Néanmoins, comme Istio, Flex Gateway dépend de la relation entre un runtime et un control plane, ici la plateforme cloud managée par MuleSoft. Le tout sert à suivre le trafic et à appliquer des règles de sécurité sur les API. Comme annoncé lors de Dreamforce 2023, Anypoint Flex Gateway fera partie, dès 2024, du dispositif « Einstein Trust Layer », une représentation de l’ensemble des garde-fous mis en place par Salesforce pour empêcher les hallucinations des modèles d’IA générative d’atteindre les utilisateurs finaux.
Cette fonction sera annexe du « Policy Development Kit », dont la disponibilité générale est prévue en janvier 2024. Ce kit de développement ne sera pas spécifique aux API qui interagissent avec les grands modèles de langages. Celui-ci est censé simplifier la création de règles personnalisées pour gérer les accès, le trafic et l’exécution des interfaces de programmation.
Ces « règles customs » peuvent être écrites à l’aide d’un SDK Rust qui implémente la spécification ABI (WebAssembly for Proxies) pour gérer les couches L4 et L7 du trafic. Dans ce but, MuleSoft implémente le framework Cargo generate, qui permet d’exécuter un projet Rust en s’appuyant sur un dépôt Git préexistant.
Si le tutoriel actuellement disponible semble plutôt simple d’accès – in fine les filtres WASM sont définis à l’aide d’un fichier JSON et testés à l’aide d’un fichier YAML –, tous les développeurs ne sont pas familiers avec Rust et WebAssembly.
Un kit existe déjà pour les gateways Mule 4 et Mule 3. Celui-ci s’appuie sur un environnement Maven à configurer à l’aide de fichiers XML, YAML et JSON.
MuleSoft réceptif, mais peu innovant, selon Gartner
Rapport GartnerMagic Quadrant consacré à la gestion d’API, octobre 2023
La feuille de route présentée par l’éditeur entend concorder avec les principaux défis qu’auraient rencontrés les entreprises dans le cadre de leur projet de transformation numérique. En 2021, MuleSoft a mené une étude avec l’aide de Deloitte Digital et Vanson Bourne auprès de 1 050 décideurs IT occupant un poste au sein d’une organisation de plus de 1 000 employés. Pour eux, les trois principaux obstacles majeurs à égalité sont l’intégration d’applications et l’existence de données en silos (36 %), le manque de compétences et d’expérience au sein de l’équipe IT (36 %) ainsi que la gestion des risques, de la conformité ou des incidents juridiques (36 %, 45 % des 100 décideurs interrogés en France).
« Bien que MuleSoft soit réceptif en fournissant des capacités pour soutenir les pratiques contemporaines de la gestion d’API, ses fonctionnalités sont largement réactives – pas innovantes », signale pour sa part Gartner, dans son Magic Quadrant consacré à la gestion d’API publié au mois d’octobre 2023.
Outre une lente adoption d’un modèle tarifaire plus avantageux que celui existant chez MuleSoft, Gartner remarque que la filiale a adopté les pratiques habituelles de sa maison mère, consistant à renommer ou modifier des offres qui semblent parfois contenir la même chose. « Ces changements peuvent être source de confusion pour les clients potentiels qui cherchent à identifier la bonne composition de composants pour répondre à leurs besoins, ainsi que pour les clients existants qui cherchent à renouveler leurs accords », conclut Gartner. MuleSoft n’est toutefois pas le seul concerné par ces remarques.