Processeurs : AMD relance ses anciens Epyc 7003
Remettre sur le marché cette génération précédente doit servir à proposer des serveurs à peine moins performants pour des tarifs significativement inférieurs. Sauf qu’AMD a déjà lancé les Epyc 8004 dans ce but.
AMD lance des processeurs de génération… précédente. Alors que ses derniers Epyc 9004 à base de cœurs Zen 4 caracolent dans le dernier Top500, AMD annonce l’arrivée de quatre nouveaux processeurs Epyc 7003 basés sur les anciens cœurs Zen 3. Les processeurs Epyc 7003 sont ceux que le fabricant avait lancés en 2021.
« Il y a selon nous un intérêt clair dans ce genre d’options, qui apportent les performances et l’efficacité de pointe d’un processeur EPYC à des applications moins exigeantes sur le plan technique, mais toujours critiques pour l’entreprise », a déclaré Dan McNamara, le directeur de la branche produits serveurs chez AMD, dans un communiqué.
« Les serveurs équipés de processeurs AMD Epyc de 3e génération offrent un rapport prix/performance très intéressant sur des technologies largement déployées », ajoute-t-il, suggérant que les Epyc avec des cœurs de génération précédente correspondraient in fine à la nouvelle famille AMD de puces économiques pour les serveurs.
Dan McNamaraDirecteur de la branche produits serveurs, AMD
Pour mémoire, les cœurs Zen 4 des Epyc 9004 sont censés être 14 % plus rapides que les Zen 3 des 7003 à fréquence égale. Par ailleurs, les Zen 4 sont gravés en 5 nm, contre 7 nm pour les Zen 3. La meilleure finesse de gravure permet d’augmenter la fréquence (les fameux GHz) tout en limitant l’énergie nécessaire pour y parvenir. AMD affirme que si les nouveaux Epyc 7004 n’atteignent toujours pas les performances des 9004, leur rapport puissance/prix sera plus avantageux.
Plus économiques que les Epyc 9004, mais pas beaucoup plus que les Epyc 8004
Pour autant, l’économie n’est pas vraiment là où on le pense. Si les serveurs à base de processeurs Epyc 7004 coûtent moins cher que ceux dotés de tous derniers cœurs, c’est surtout parce qu’ils utiliseront toujours des barrettes mémoires DDR4. À capacités égales, elles coûtent de 30 à 50 % moins cher que les barrettes DDR5, obligatoires pour la dernière génération d’Epyc.
« Oui, nous sommes ravis de pouvoir offrir à la fois des performances imbattables en DDR5 et PCIe 5.0, mais aussi des options efficaces en coût avec du DDR4 et du PCie 4.0 », commente à ce propos Vincent Wang, le directeur commercial du fabricant de cartes mères pour serveurs Gigabyte.
Pour le reste, la bonne affaire des processeurs 7004 ressuscités est à relativiser.
Par exemple, le processeur 7643P pour serveur monosocket, qui arrive aujourd’hui avec 48 cœurs Zen 3 et qui fonctionne entre 2,3 et 3,6 GHz, coûte 2 722 dollars. Son équivalent avec 48 cœurs Zen 4, le 9454, dont la fréquence oscille entre 2,75 et 3,8 GHz, est présenté à 5 225 dollars. Qui plus est, le 7643P coûtera a priori moins cher en électricité puisqu’il consomme entre 225 et 240 W, là où le 9454 consomme entre 240 et 300 W. Bien.
Sauf qu’il existe depuis peu une troisième possibilité : les Epyc 8004. Ainsi, l’Epyc 8434P est lui aussi doté de 48 cœurs Zen 4, avec une fréquence resserrée entre 2,5 et 3,1 GHz. Et, lui, coûte 2 700 dollars, soit exactement le même prix que le 7 643 P. Mieux, sa consommation d’électricité est la plus faible de tous les modèles, puisqu’elle oscille entre 155 et 225 W.
En réalité, la famille Epyc 8004, lancée il y a à peine deux mois, était déjà censée représenter la gamme de processeurs économiques chez AMD. Elle est basée sur une déclinaison des cœurs, la variante Zen 4c qui adresse deux fois moins de cache L3, (ici un total de 128 Mo contre 256 Mo pour les 7 643 P et 9 454).
Sur les autres modèles, la situation n’est guère plus avantageuse pour les 7003. En 16 cœurs, avec 64 Mo de cache, le 7 303 P de 2,4 à 3,4 GHz (de 120 à 150 watts) coûte 594 dollars, tandis que le 8124P de 2,45 à 3 GHz (également de 120 à 150 watts) coûte 639 dollars. À peine 45 dollars plus cher. Le 9124 de 3 à 3,7 GHz (de 200 à 240 watts) coûte, lui, 1 083 dollars.
En 8 cœurs, le 7 203 P de 2,8 à 3,4 GHz et 64 Mo de cache (de 120 à 150W) coûte 338 dollars, tandis que le 8024P de 2,4 à 3 GHz et 32 Mo de cache (de 70 à 100W) coûte 409 dollars. Il n’existe pas de modèle 8 cœurs en 9004.
Le quatrième nouveau modèle de 7 003 est le 7663P. Il présente la particularité d’avoir 56 cœurs. Avec une fréquence qui oscille entre 2 et 3,5 GHz, un cache de 256 Mo, ainsi qu’une consommation comprise entre 225 et 280W, il coûte 3 129 dollars. C’est moins cher que les 4 950 dollars d’un 8534P et les 8 803 dollars d’un 9534, tous deux dotés de 64 cœurs.
Tous les processeurs cités, mis à part ceux de la série 9004, sont conçus pour des serveurs monosocket. AMD propose deux nouveaux modèles supplémentaires, les 7303 et 7 203 tout court, qui serviront aux serveurs à double socket. Ils sont un peu plus chers : respectivement 604 et 348 dollars.
L’enjeu de rivaliser avec Intel en cassant les prix
Derrière la publicité qu’AMD fait à propos d’une nouvelle gamme de processeurs économiques sur la base d’un design précédent, il est probable qu’il y ait un récit industriel plus complexe. AMD a réussi son retour sur les serveurs dans les années 2018 et 2019 en proposant des Epyc deux fois moins chers que les Xeon d’Intel – à la fois à l’achat et en consommation d’énergie.
Puis, AMD a dû endurer la pandémie de Covid19 – qui a généré un certain embouteillage dans les usines taiwanaises de TSMC où il fait fabriquer ses puces – et le retour de Pat Gelsinger à la tête d’Intel – qui s’efforce de rattraper son retard industriel.
Au bout du compte, la comparaison entre les Epyc et les derniers Xeon « Scalable », de quatrième génération, n’est plus aussi saillante. Par exemple, Intel propose un Xeon 8468 à 48 cœurs, qui, pour des performances similaires au 9454, ne coûte plus que 38 % plus cher à l’achat (7 214 $) et consomme seulement 16 % d’énergie en plus. Son Xeon 3408U à 8 cœurs, bien que limité à 1,9 GHz et à 22,5 Mo de cache, coûte presque autant que le 8024P (415 dollars) et consomme seulement 25 % d’énergie en plus (125W), pour une puissance de calcul environ 47 % plus faible.
Si la dernière génération d’Epyc parvient malgré tout à conserver le meilleur rapport nombre de VMs exécutées/prix, il reste, pour AMD, à résoudre une autre situation. Il s’agit d’une problématique qui minerait les ventes de ses processeurs pour serveurs depuis le départ : il ne fabriquerait pas assez de puces pour répondre à la demande. C’est du moins ce que disent, sous couvert d’anonymat, les différents constructeurs de serveurs interrogés par LeMagIT.
Le problème que cela pose est qu’une entreprise est dès lors susceptible d’éprouver des difficultés à bâtir des clusters constitués d’un certain nombre de serveurs Epyc. Elle opterait de fait pour des configurations Xeon qui, elles, lui garantissent de pouvoir grimper en taille au fur et à mesure que son activité évolue. Et elle le ferait d’autant plus volontiers que les configurations Xeon ne coûtent plus aussi cher qu’auparavant. On pense en particulier aux ESN qui se transforment actuellement toutes en « fournisseurs de cloud de proximité ».
Sans avoir pu trouver d’expert qui puisse abonder en ce sens dans ses colonnes, LeMagIT émet l’hypothèse qu’AMD aurait désormais besoin de renouer avec des prix significativement inférieurs à ceux d’Intel. Mais comme il n’est pas certain qu’il puisse produire des 8004 en quantité suffisante, relancer la production de 7004 sur des chaînes en 7 nm à présent délaissées pourrait lui permettre de mettre suffisamment de puces sur le marché pour répondre à la demande.