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Multicloud : avec Radius, Microsoft s’aventure sur les terres de Red Hat et de VMware
À l’aube de l’ère de l’ingénierie des plateformes, les entreprises recherchent de meilleurs moyens de lier les applications à leur infrastructure multicloud. Mais le propriétaire d’Azure peut-il créer un consensus autour de son projet Radius ?
L’équipe Azure Incubations Team de Microsoft a lancé publiquement Radius le 18 octobre et a fait une démonstration du projet lors du Member Summit de la Fondation Linux le 23 octobre. Ce projet combine des utilitaires open source existants, auxquels Microsoft a contribué, notamment l’orchestrateur de conteneurs Kubernetes, le runtime dédié aux microservices Dapr et le langage déclaratif d’infrastructure as code Bicep. La prise en charge d’outils tiers tels que HashiCorp Terraform et d’ores et déjà prévue sur la feuille de route.
Alors que Radius utilise les annotations Kubernetes dans sa version initiale pour lier les définitions d’application à ce que le projet appelle des recettes d’infrastructure, les responsables souhaitent à terme proposer une compatibilité avec les charges de travail non conteneurisées. Radius supporte plusieurs langages de programmation, prend en charge Azure et AWS et s’étendra à des fournisseurs de cloud tels que Google Cloud Platform (GCP), ainsi qu’Alibaba Cloud, selon la présentation de l’Azure Incubation Team. La documentation indique également que l’intégration avec le portail de développeurs Spotify Backstage est à l’étude, ainsi qu’avec des plateformes d’applications cloud serverless.
« Kubernetes est devenu l’infrastructure de facto pour les applications cloud […] [mais] Kubernetes ne résout qu’une partie du problème [des clients] », a déclaré Mark Russinovich, directeur technique de Microsoft Azure, lors de la présentation du Linux Foundation Member Summit. « Ils doivent se tourner vers tout un ensemble d’outils pour finir de créer une application cloud native…, qui sera connectée avec du fil de fer et du ruban adhésif par des scripts bash et PowerShell ».
Ce n’est pas la première contribution de Microsoft à un projet open source, souligne M. Russinovich. L’entreprise a également créé le projet Kubernetes Event-Driven Autoscaling, confié à la Cloud Native Computing Foundation, qui est désormais gradué. Son projet Dapr est en cours d’incubation au sein de la CNCF. Son projet Copacetic, un CLI écrit en Go permettant de patcher directement des images de conteneurs en fonction des résultats d’un scanner de type Trivy, a rejoint le programme Sandbox de la fondation open source.
Pourtant, l’ambition de créer une plateforme de développement d’applications multicloud sera difficile à réaliser, selon les analystes.
« Radius tente d’aborder l’enjeu posé par un environnement multicloud avec une plateforme ouverte là où Red Hat est déjà un leader avec OpenShift », signale Larry Carvalho, analyste indépendant chez Robust Cloud. « Microsoft étant la seule organisation [fournisseur de cloud] à développer et promouvoir Radius, il est peu probable qu’il gagne en attrait pour les clients d’AWS ou de GCP [qui] conserveront probablement les services éprouvés de leurs fournisseurs respectifs ».
Open source et multicloud, deux arguments intéressants pour certaines entreprises
Le projet Radius n’en est qu’à ses débuts et il y a déjà beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne la prise en charge de l’infrastructure des principaux fournisseurs cloud. Mais il a déjà suscité l’intérêt de DSI qui se sont engagés comme premiers contributeurs, tels que la société de services financiers BlackRock, le câblo-opérateur Comcast et Millennium BCP, une banque portugaise.
Ces entreprises ont commencé à expérimenter avec le projet Radius, car Microsoft s’est dit ouvert à en confier la gouvernance à la CNCF.
« Notre engagement auprès de l’équipe Radius découle de notre plaidoyer en faveur des solutions open source au sein de notre propre plateforme technologique, Aladdin », affirme Ryan Umstead, vice-président et ingénieur principal au sein de l’équipe d’ingénierie des plateformes de BlackRock, qui a présenté les recettes de l’infrastructure Radius au cours de la présentation du sommet. Nous pensons que cette approche a un fort potentiel de résonance auprès de la communauté « cloud-native ».
Un autre professionnel de l’IT qui a testé Radius constate qu’elle semble être plus flexible que les plateformes de développement d’applications existantes, telles que Tanzu de VMware, qui prépackage de nombreux éléments et prédestine des clusters Kubernetes sous-jacents à certaines charges de travail (web, serveur et workers).
« Nous devons [laisser] les développeurs “choisir [leur] propre parcours” en matière d’abstraction », explique Greg Otto, directeur des plateformes d’expérience développeurs chez Comcast, lors d’une interview. « Toutes les équipes de développement et toutes les applications n’en sont pas au même point. Il y a beaucoup de choses à assimiler dans la boîte à outils Tanzu, à la fois pour les équipes d’ingénierie des plateformes et pour les développeurs. [Radius offre] plus de contrôle sur les abstractions et sur ce qu’il convient de choisir ou non ».
Radius contre Tanzu, Acorn, Azure Arc et les autres
La plateforme de développement d’applications naissante de Microsoft a beaucoup de concurrence. Plusieurs fournisseurs et des communautés open source, grandes et petites, conçoivent des améliorations à l’orchestration d’applications cloud-native. Ce sont les « fils de fer et le ruban adhésif » décrits par Mark Russinovich d’Azure.
Les cofondateurs de Rancher, par exemple, ont lancé Acorn Labs, qui utilise ses propres modèles de définition d’application et d’infrastructure et revendique une flexibilité similaire et une portabilité multicloud pour les applications. Red Hat OpenShift et VMware Tanzu sont présentés depuis des années comme des plateformes de développement d’applications agnostiques de l’infrastructure sous-jacente. De nouvelles solutions ont également vu le jour l’année dernière avec WasmCloud de Cosmonic et Waypoint de HashiCorp. Au sein de Microsoft, Azure Arc est vendu comme une expérience de gestion multicloud unifiée, bien qu’uniquement basée sur les outils de gestion Azure plutôt que sur une combinaison d’outils tiers.
La documentation de Radius comprend une section FAQ détaillée qui explique comment il se compare à une liste d’autres projets et produits, dont Tanzu, Waypoint, Crossplane, Azure Arc et Acorn.
Selon Donnie Berkholz, fondateur et analyste en chef de Platify Insights, un cabinet d’analystes IT, l’une des différences les plus notables entre Radius et des projets tels qu’Acorn est la forte séparation des préoccupations des développeurs et des opérations.
« Il y a une certaine similitude dans le fait qu’ils ont tous les deux des façons de définir un déploiement d’application, où Acorn utilise Acornfiles, [mais] Radius [maintient] une distinction entre les définitions de l’application et de l’environnement », remarque-t-il. « Acorn est également un fournisseur cloud, bien entendu ».
Selon M. Berkholz, la principale différenciation de Radius à long terme pourrait provenir de la manière dont le projet configure les applications cloud native pour des opérations à long terme grâce à sa fonction de graphe d’applications.
Les recettes de Radius mettent en corrélation les définitions des applications avec l’infrastructure au fur et à mesure de leur création, selon la démonstration effectuée lors du salon de la Fondation Linux. Ces éléments alimentent ensuite ce fameux graphe. À l’avenir, cela pourrait s’avérer utile au-delà de la plateforme de développement d’applications, envisage-t-il.
« De nombreux fournisseurs suivent la topologie des applications, comme les éditeurs d’outil de monitoring et d’observabilité, ainsi que les spécialistes de l’ITSM [gestion des services informatiques], mais dans la plupart des cas, la topologie est soit saisie manuellement, soit découverte automatiquement », avance Donnie Berkholz. « La première méthode sera toujours obsolète et inexacte, tandis que la seconde ne peut pas comprendre les limites des applications, car elle ne prend en compte que le trafic réseau. Il y a beaucoup de potentiel pour qu’un outil comme Radius serve d’entrée à d’autres outils qui bénéficient de la connaissance de la topologie de l’application », juge-t-il.