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Les éditeurs français de plus en plus SaaS et agnostiques
Pour la première fois, les éditeurs français de logiciels ont réalisé plus de revenus dans le cloud qu’avec des licences « classiques ». Un mouvement qui va continuer, estime Numeum, notamment pour conquérir l’international. Cette évolution a par ailleurs des conséquences sur la stratégie et les choix technologiques pour ne pas créer de dépendances aux fournisseurs de IaaS et de PaaS.
Les éditeurs français de logiciels sont de plus en plus cloud. En 2022, ils ont été pour la première fois plus « cloud » que « sur site ». Ce qui n’est pas sans conséquence sur leurs choix d’architectures techniques.
Plus exactement, selon le Top 250 annuel 2023 sur 2022 de Numeum (ex-Syntec numérique et Tech in France), les éditeurs français ont réalisé plus de la moitié (56 %) de leurs revenus liés au logiciel – licence et supports compris – dans le SaaS. Cette barre symbolique avait été approchée en 2021 (à 49 %) sans être passée.
Autre chiffre significatif, la cloudification est une priorité stratégique pour 80 % des éditeurs français. Et elle est même la première de ces priorités pour 54 % d’entre eux.
La maturité vers l’indépendance
Reste que qui dit « SaaS » dit également qu’il faut s’appuyer sur un IaaS et sur un PaaS. Les siens ou ceux des autres. Et donc qu’il faut appréhender de nouvelles contraintes pouvant peser sur l’indépendance et la croissance.
Jean-Philippe CouturierMembre du board de Numeum et CEO de Whoz
Trop lié à un prestataire (et victime du vendor lock-in), un éditeur pourrait par exemple voir ses coûts de fonctionnement augmenter drastiquement avec l’inflation des prix des services clouds qu’il consomme pour produire ses propres offres.
Alors que ce n’était pas forcément la norme par le passé, ces contraintes seraient aujourd’hui parfaitement intégrées par les éditeurs français.
« Nous sommes arrivés à une certaine maturité du marché », assure Jean-Philippe Couturier au MagIT. Le fondateur de Whoz (une solution SaaS de gestion de talent et de plannings) et membre du board de Numeum le constate : « de plus en plus d’éditeurs sont “dockérisés”. […] Ce n’était pas forcément le cas il y a cinq ou six ans. […] C’est un mouvement de fond ».
Le constat est confirmé par Benjamin Fabre, co-fondateur de Datadome (une solution pour repérer et filtrer les bots sur internet et lutter contre les fraudes), dont la société est la lauréate du Prix de la croissance SaaS 2023 de Numeum. « Chez nous, tout est redondé (N.D.R. : dans une approche multicloud). Nous avons une architecture agnostique et nous n’avons pas de dépendance », explique-t-il au MagIT.
11 % des éditeurs français gèrent même leurs infrastructures
Cette stratégie technique, agnostique, serait donc celle choisie aujourd’hui par les éditeurs qui ont atteint une certaine taille critique (elle est en effet plus coûteuse, et logiquement moins accessible aux startups).
Numeum n’a pas étudié dans le détail les infrastructures sous-jacentes des acteurs locaux du SaaS pour les chiffrer. Mais l’organisation professionnelle de l’écosystème numérique en France dresse toutefois un portrait à gros traits qui donne quelques indices.
Selon son Top 250, 38 % des éditeurs géraient ainsi en 2022 leurs infras avec un partenaire (un cloud privé infogéré par Atos ou Capgemini par exemple).
Une petite moitié (46 %) s’appuie directement sur des fournisseurs clouds (qu’ils soient des hyperscalers comme AWS, Azure, GCP et OCI, ou des locaux comme OVH, Outscale et Scaleway). Sans précision sur la manière de le faire (avec ou sans des options comme Terraform ou des containeurs comme Docker, avec ou sans exploitation de certains services PaaS spécifiques à un cloudiste comme des services de ML avancés, etc.)
Dans les 16 % restants, 5 % déploient chez le client (déclinaison des options sur site). Et 11 % gèrent leurs propres infrastructures, comme Oodrive – dont le co-fondateur, Stanislas de Rémur, est le président du Collège Éditeurs et Plateformes de Numeum.
Le SaaS, un tremplin vers l’international
S’appuyer sur ses fournisseurs sans en être dépendant est une des lois fondamentales de la stratégie d’entreprise. Ce qui explique certainement pourquoi être agnostique semble être devenue une priorité pour des éditeurs qui misent de plus en plus sur le SaaS.
D’une part pour « s’assurer une source de revenus stable et récurrente » (seuls 2 % des éditeurs français proposent des abonnements à moins d’un an et 58 % facturent à l’année – contre 27 % au mois).
D’autre part pour conquérir des marchés à l’international. « Un défi toujours aussi difficile », résume Numeum. Le pourcentage de CA réalisé à l’étranger par les éditeurs français stagne en effet depuis plusieurs années (autour de 60 %, mais une proportion faussée par les surperformances de Dassault Systèmes, de Criteo et d’Ubisoft). Et les structures de moins de 50 millions d’euros de CA restent très franco-françaises (moins de 30 % de revenus à l’étranger). Ces entreprises ont moins de ressources pour être présentes sur des marchés pour déployer et intégrer leurs solutions à des SI existants.
Pour elles, encore plus que pour les « gros éditeurs », le SaaS est donc un marchepied prometteur.