Processeurs : Intel va se séparer de ses FPGA et de ses IPU
Pat Gelsinger a annoncé la scission de la division PSG. Une décision qui peut sembler cohérente pour les FPGA, dont le marché est très différent des processeurs x86, mais qui surprend concernant les IPU.
Intel va se séparer de sa division PSG consacrée aux puces périphériques. Lors d’une conférence donnée cette semaine, le PDG Pat Gelsinger a estimé qu’Intel « n’avait pas aussi bien géré cette division qu’il aurait pu le faire », arguant que donner son autonomie à PSG lui permettra de « travailler plus efficacement sur le segment des puces d’entrée de gamme où les marges sont faibles. »
La scission devrait avoir lieu au tout début de l’année prochaine. La nouvelle entreprise née de PSG sera dirigée par Sandra Rivera (en photo), l’actuelle patronne des processeurs Xeon pour serveurs. Officiellement, Intel devrait détenir une partie du capital de PSG. Il se dit que cette opération serait avant tout financière, Intel souhaitant préparer son entrée en bourse d’ici à 2026. Dans le même ordre d’idée, le fondeur s’était séparé il y a un an de sa division MobilEye, qui planchait sur un système pour véhicules autonomes.
Parmi les productions de PSG, Intel a surtout communiqué sur l’intérêt d’avoir une activité commerciale séparée pour les FPGA.
Les FPGA, des puces accélératrices à petite échelle
Pour mémoire, les FPGA sont des puces reprogrammables, une capacité qui leur permet d’exécuter directement des fonctions depuis leur circuit électronique. Cette approche est bien plus performante qu’exécuter un logiciel sur un processeur classique. La vocation des FPGA est d’être embarqués sur divers équipements où ils font office d’accélérateur. On les trouve ainsi dans certains produits du marché sous la forme de puces dédiées à l’accélération du réseau, du stockage, de la compression, ou encore dans certaines fonctions d’IA.
En théorie, les FPGA servent plutôt de maquette pour la fabrication en usine de puces ASIC, dont le circuit n’est plus reprogrammable, mais dont le coût à grande échelle est moindre que celui des FPGA. De fait, on trouve surtout des FPGA sur les cartes accélératrices ou les équipements dédiés qui sont produits à petite échelle, typiquement par des startups. Bref, le modèle économique est totalement différent de celui des processeurs x86 dont Intel est le principal fabricant. Et, dans ce contexte, la scission n’est guère surprenante.
Chez Intel, l’activité FPGA actuelle remonte à 2015 avec le rachat, pour 16,7 milliards de dollars, du spécialiste Altera. Les derniers modèles en date sont les Agilex, qui se déclinent dans les séries 3B et 3C (beaucoup d’entrées-sorties), 5D et 5E (meilleur ratio performances/watt), 7F, 7I et 7M (plus de mémoire supportée), ou encore 9 (support des réseaux radio). Ils sont livrés sous forme de SOCs, c’est-à-dire accompagnés dans la même puce de circuits déjà fonctionnels comme des contrôleurs PCIe et mémoire, des DSP, voire des petits cœurs de processeurs ARM Cortex-A53.
Selon les analystes, ces cœurs ARM pourraient finir par poser un problème de cohérence dans la communication d’Intel, qui s’attache à favoriser le développement de processeurs Open source concurrents, les Risc-V. Les Risc-V présentent pour Intel l’opportunité, à terme, de faire tourner ses usines sur des projets de puces commandés par des tiers. Cela lui permettrait de faire bondir sa capacité industrielle, avec l’objectif de rattraper son concurrent TSMC, dont les usines servent justement à fabriquer des processeurs ARM.
Enfin, les FPGA se programment et se pilotent sous Linux depuis la suite logicielle Open FPGA Stack (OFS). Elle est développée par Intel et mise en Open source dans l’espoir de devenir un standard.
Le devenir des IPU pose question
Cela dit, la division PSG ne s’occupe pas seulement des FPGA. Son activité couvre également la mise au point et la vente des puces IPU (Infrastructure Processing Unit). Or, le bénéfice de se séparer de cette activité est moins évident au regard des ambitions d’Intel. Initialement, Pat Gelsinger laissait entendre qu’il pourrait vendre autant d’IPU aux hyperscalers qu’il leur vend de processeurs Xeon.
Les IPU sont les ASIC d’Intel dédiés à l’accélération des communications en réseau ou vers les baies de stockage. On les trouve typiquement sur les cartes Ethernet d’Intel. Leurs équivalents chez d’autres fabricants – par exemple les BlueField chez Nvidia ou encore les Pensando chez AMD – sont appelés des DPU (Data Processing Unit).
Intel se flatte jusqu’ici d’être plus rapide que la concurrence, notamment grâce au modèle MountEvans qui permet de fabriquer des contrôleurs réseau supportant un débit de 200 Gbit/s. MountEvans est une puce SOC. Outre le circuit dédié au décodage des paquets Ethernet et NVMe, elle contient 16 cœurs ARM Neoverse N1 pour exécuter des fonctions de compression et de chiffrement à la volée. MountEvans doit être remplacé l’année prochaine par le modèle Mount Morgan qui atteindra 400 Gbit/s. Un modèle en 800 Gbit/s sera proposé d’ici à 2026.
Selon les analystes, il faut croire que les perspectives commerciales des IPU ont été revues à la baisse. Et pour cause. AWS et Azure, les deux plus importants hyperscalers, déploient à l’heure actuelle leurs propres DPU ; le premier a lui-même fabriqué sa puce Nitro et le second a racheté le fabricant Fungible. Reste GCP, qui a officiellement annoncé son intérêt pour les IPU d’Intel. Mais les analystes se demandent s’il ne plancherait pas lui aussi sur un développement maison, calqué sur son ASIC TPU (Tensor Processing Unit), qu’il avait précédemment mis au point pour accélérer ses offres d’IA.
Pire : il faut croire que le succès actuel de Nvidia chez les hyperscalers – chacun s’arrachant sa production de GPU H100 pour proposer des services de Machine learning – inciterait les fournisseurs de cloud de second plan à plutôt s’équiper de DPU BlueField que d’aller chercher des IPU chez Intel. Les DPU BlueField présentent en effet l’intérêt de faciliter la mise en réseau de cartes GPU Nvidia.