Terraform : la Linux Foundation accueille OpenTF sous le nom… OpenTofu
OpenTF, le projet de fork de Terraform a obtenu gain de cause auprès de la Fondation Linux qui l’accueillera sous son ombrelle. Pour l’occasion, le projet est renommé OpenTofu afin d’éviter les foudres des avocats d’HashiCorp.
Voilà le moment attendu du grand feuilleton « open source » de cet été. Mais d’abord, un petit résumé. Le 10 août dernier, HashiCorp, contributeur principal de l’outil d’Infrastructure as code Terraform et d’autres projets dont Vagrant et Consul a décidé d’adopter la licence BSL pour l’ensemble de ses produits.
Non seulement l’éditeur californien applique cette licence propriétaire tolérante, mais il s’est également arrogé le droit de juger si oui ou non une solution commerciale qui utiliserait une version core de ses produits entre en compétition avec les siennes.
Rapidement, certains éditeurs et startups qui s’appuient sur la version MPL v2.0 (open source donc) de Terraform se sont rassemblés autour d’un manifeste nommé OpenTF, particulièrement populaire sur GitHub (plus de 35 000 étoiles aujourd’hui). Les signataires menaçaient de créer un fork si HashiCorp ne faisait pas marche arrière. Le 25 août, OpenTF a mis sa menace à exécution et a proposé un fork de Terraform et a obtenu la promesse de la contribution d’une vingtaine d’ingénieurs à temps plein. « Nous avons déjà 19 ingénieurs impliqués dans ce projet », peut-on lire dans la FAQ dans le projet.
OpenTF avait par ailleurs réclamé un soutien de la part des fondations open source. Dont acte. La Linux Foundation a annoncé ce 20 septembre le support officiel du projet sous le nom OpenTofu. Une petite blague concernant « un aliment malléable et fade qui peut s’adapter à tous les plats », comme Terraform peut aider à automatiser de multiples infrastructures.
OpenTofu reçoit le soutien de grands groupes
« La Linux Foundation ne choisit pas les noms des projets », signale Gabriele Columbro, directeur de la LF Europe auprès du MagIT. « Nous conseillons les responsables des projets concernant le droit des marques déposées. Le nom OpenTF aurait pu créer des problèmes ».
OpenTofu est d’abord porté par des startups de l’écosystème IaC, dont Gruntwork, Spacelift, Harness, Env0 et Scalr.
« Je ne suis pas le seul intéressé par le projet, les entreprises le sont aussi », affirme Sebastian Stadil, fondateur de Scalr et l’un des acteurs clés du projet OpenTofu.
David Béjar, Head of Software Engineering chez Allianz Indonésie, est monté sur scène pour approuver le projet OpenTofu. Le responsable affirme que l’assureur compte l’exploiter dans le cadre de la gestion de sa vaste infrastructure déployée dans cette région.
« L’infrastructure as code nous offre la résilience et l’agilité nécessaires. C’est particulièrement utile dans la zone sismique de la ceinture de feu », avance David Béjar.
« Nous avons investi des millions d’euros dans le développement de code Terraform. Avec le changement de licence, nous nous demandions comment nous allions sécuriser les opérations de nos clients, mais maintenant qu’OpenTofu est disponible, nous sommes heureux de rejoindre le projet », assure-t-il.
Un ingénieur d’ExpressVPN est également venu saluer le projet qu’il considère comme « un game changer ».
Au total, plus de 140 entreprises supportent le projet.
La prochaine étape consistera en une release officielle d’une version sous licence MPL 2.0 qui devrait assurer une continuité immédiate et un remplaçant pour les versions 1.5.x et 1,6 de Terraform. OpenTofu entend présenter en détail la gouvernance du projet.
OpenTofu appliquera le cadre de gouvernance de la Linux Foundation, finira de mettre en place le comité de direction technique et renforcera la sécurité et son comité légal. Il faudra par exemple finir de renommer le projet au sein du dépôt GitHub.
L’objectif affiché est de faciliter la migration « douce » de Terraform vers OpenTofu.
Un point de plus pour le principe de gouvernance ouverte, selon Jim Zemlin
De manière générale, Jim Zemlin, directeur général de la Linux Foundation, considère que c’est une bonne nouvelle pour l’écosystème open source.
« Je pense que nous apprenons une bonne leçon concernant le fait d’un projet open source mieux placé sous une gouvernance ouverte », déclare-t-il. « Les développeurs ont besoin de mieux s’informer sur le risque d’un changement de licence d’un projet piloté par une seule entreprise qui peut, si elle le souhaite, modifier la nature de son projet », ajoute-t-il.
Tout comme Sacha Labourey, Chief Strategy Officer et cofondateur de Cloudbees, Jim Zemlin rappelle que les quelques entreprises qui ont récemment changé de licence (Redis, Elastic, Confluent, Couchbase, Airbyte, etc.) pour des licences propriétaires l’ont fait pour rassurer leurs investisseurs. « Ces entreprises ont pu croître à l’aide d’un modèle open source et réaliser des dizaines de millions de dollars de chiffre d’affaires », note Jim Zemlin.
« Elles ont peut-être envisagé de s’enregistrer en bourse et ont commencé à examiner si elles souhaitaient continuer de proposer leurs logiciels en open source ou non », imagine-t-il.
« La beauté de l’open source, c’est que l’on peut toujours établir des forks », complète Gabriele Columbro.
OpenTofu rejoindra-t-il la CNCF ?
OpenTofu aurait pu être accueilli par la Cloud Native Computing Foundation (CNCF), mais « c’est au comité technique de la CNCF d’en décider », rappelle Gabriele Columbro. « Nous n’avons pas d’autorité sur les projets autorisés ou non par la CNCF ». Rappelons qu’HashiCorp a rejoint la CNCF en 2020 et demeure aujourd’hui un membre de la filiale indépendante de la LF.
Pour autant, Chris Aniszczyk, CTO de la CNCF, s’était déjà montré personnellement enthousiaste quant à la création d’OpenTofu. « Nous nous attendons également à ce qu’ils [les contributeurs d’OpenTofu] collaborent avec la communauté de la CNCF », confirme-t-il officiellement, dans un communiqué de presse.
Reste à voir comment réagira HashiCorp. L’éditeur californien profitera probablement de sa conférence prévue le 10 et 12 octobre prochain à San Francisco pour se positionner.
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