J and S Photography - Fotolia
Distribution : la multinationale familiale Sonepar branche ses données pour mieux se transformer
Le géant de la distribution B2B d’équipements électriques, Sonepar, a annoncé un investissement d’un milliard d’euros pour poursuivre la numérisation de ses activités. Le chantier avait été amorcé il y a cinq ans. En 2020, un pilier du projet avait été mis en place avec un Data Lake cloud.
Sonepar n’est pas l’entreprise française la plus connue. Avec son positionnement exclusivement B2B sur un marché de la distribution de matériel électrique, difficile de rivaliser avec des marques ou des distributeurs plus grand public.
Sonepar a pourtant une envergure internationale. Il est aussi le premier acteur de son marché avec 44 000 collaborateurs dans 40 pays et un chiffre d’affaires d’un peu plus de 32 milliards d’euros. Si elle était cotée en bourse, la multinationale se classerait parmi les huit plus grandes sociétés du CAC 40, aime à comparer Philippe Azoulay, son Vice-Président Data & Analytics.
Le groupe, qui est aussi resté une entreprise familiale, s’est lancé dans une transformation numérique de grande ampleur. Car comme ceux du B2C, les acteurs de la distribution d’équipements électriques ont développé leurs services en ligne. Et ils sont eux aussi confrontés à des problématiques stratégiques autour du référentiel client unique, de la donnée produit et de l’omnicanalité. Pas question en tout cas pour Sonepar de se laisser disjoncter par une concurrence en cours de digitalisation.
D’où son projet de transformation, que Sonepar a accepté de partager.
Spark de Sonepar : une plateforme omnicanal conçue par la digital factory
Dans le digital, Sonepar ne part pas d’une feuille blanche. Ses ventes en ligne génèrent d’ores et déjà 10 milliards d’euros de recettes. Cette seule activité suffirait à la classer à la cinquième position parmi les distributeurs du secteur, souligne son représentant, invité à prendre la parole lors du Hub Data & AI for Business.
En avril, le groupe officialisait un plan d’investissement d’un milliard d’euros sur 5 ans dédiés au numérique, et plus particulièrement à la relation client. Objectif annoncé : développer une expérience personnalisée et omnicanal – bout-en-bout, c’est-à-dire « de la commande à la livraison. ».
Pour la concevoir, Sonepar s’appuie sur des partenariats technologiques avec Microsoft, Publicis Sapient et Hitachi Solution. Le premier lui fournit ses services Azure et Dynamics 365 – briques clés de sa plateforme « omnicanal synchronisée » baptisée « Spark ».
En production en France et en Italie, elle a été développée au sein de la Digital Factory interne – co-gérée avec Publicis Sapient, un cabinet de conseil en transformation du groupe Publicis. L’usine de développement revendique 250 ETPs, à la fois des internes et des externes.
Spark est aussi une nouvelle source de données pour le Data Lake du groupe français. Ce lac de données est en production depuis 2021, indique Philippe Azoulay. Il est surtout central dans la transformation initiée depuis quelques années, et dans sa relation autant avec ses fournisseurs qu’avec ses clients (dont 62 % sont des installateurs).
Une transformation culturelle avant d’être technologique
Historiquement tourné vers ses fournisseurs, Sonepar a entamé un virage afin « de s’intéresser à l’expérience et au parcours de nos clients. » Tout l’enjeu consiste à créer une complémentarité entre le réseau de 2 400 agences et « l’expérience omnicanal, digitale et mobile. »
Philippe AzoulayVice-Président Data & Analytics de Sonepar
« Une stratégie omnicanal sans une supply chain automatisée n’a aucun sens. C’est l’autre très grande transformation que nous menons. Et tout cela doit être piloté avec les données », détaille le VP Data & Analytic de l’entreprise. La réponse n’est toutefois pas seulement technologique. Elle le serait même très peu, ajoute-t-il.
La transformation serait en fait surtout culturelle. Elle consiste à considérer les données comme un actif stratégique. « Le chemin critique de cette transformation n’était pas la technologie. Nous avons d’ailleurs passé très peu de temps à faire des études d’architecture technique. Le défi était plus de créer une culture de la donnée dans l’entreprise », insiste Philippe Azoulay.
Le projet Data Lake a été lancé en 2020. Il s’est échelonné sur huit mois, en partenariat avec le cabinet Epam et Microsoft (avec les services Azure et la solution analytique et de dataviz PowerBI).
« Nous nous sommes beaucoup appuyés sur les technologies de Microsoft de façon à construire une plateforme cohérente technologiquement. Ce qui nous permet aujourd’hui de pouvoir adapter, et d’imaginer l’intégration de nouvelles technologies, comme GPT », commente Sébastien Benoit-Latour, Global Account Executive pour Epam.
La plateforme de données couvre désormais 95 % de l’activité de Sonepar et compte 850 utilisateurs. Pour sa conception, Sonepar a mobilisé des responsables métiers et une communauté de 60 experts des données. « Nous partions de zéro […] Cette communauté commence à se structurer. »
La plateforme définie via les cas d’usage sur la performance commerciale
Mais pour le VP Data & Analytic, le véritable point de départ, ce n’est ni la compétence ni l’architecture technique. Ce sont les cas d’usage.
« Nous avons pour obsession la valeur et les cas d’usage », confirme-t-il. « Tout ce qui se fait derrière au niveau du data management en découle. On ne met pas la gouvernance de données en premier. Elle est au service des usages », martèle-t-il.
Philippe AzoulayVice-Président Data & Analytics de Sonepar
Pour définir les contours de la plateforme, Sonepar a démarré par les utilisations de la donnée au service de la performance commerciale. « Nous étions relativement myopes à ce niveau lorsque nous avons commencé », concède le dirigeant. « Les données et leur traitement sont venus enrichir la connaissance client et le suivi des tendances commerciales ».
Cette connaissance profite aussi aux partenaires fournisseurs. « Être tourné vers nos clients, cela veut dire être capable de piloter beaucoup mieux nos fournisseurs, que ce soit pour les campagnes marketing, la supply chain ou le contenu produit. » Grâce aux données collectées, Sonepar peut éclairer ses fournisseurs sur les catégories de produits porteuses et les géographies les plus dynamiques.
Le distributeur a ensuite ajouté d’autres cas d’usage sur le marketing, la logistique, ou pour créer un nouveau service, la « Green Offer » – un benchmark des produits en fonction de leur empreinte carbone. « C’est le Data Lake qui, grâce à ses algorithmes et en partenariat avec nos fournisseurs, nous permet de calculer ces empreintes. »
Combinée à de l’intelligence artificielle, la donnée permet aussi à Sonepar d’envisager de compléter sa gamme de services à destination des installateurs. « L’IA ne remplace pas l’expertise, mais elle peut l’assister, en particulier en ce qui concerne la productivité », souligne l’expert. Cela vaut pour les collaborateurs en agence comme pour la réponse aux besoins des clients.
La qualité des données devenue le sujet de tous
« L’enjeu numéro un pour des installateurs et des artisans, ce sont les gains de productivité. Les nouveaux services digitaux qui s’appuient sur la data visent à constituer un élément majeur dans leur productivité. »
Enfin, la plateforme sert également des usages autour de la donnée produit, qualifiée « d’avantage compétitif », et du contenu – dont les fiches produit. « Les données ne nous appartiennent pas, mais grâce à l’IA, nous les enrichissons beaucoup pour proposer de nouveaux services à nos clients. »
Le groupe a également fait évoluer radicalement sa manière de travailler. Pourquoi ? « Notre vitesse a changé », répond le VP Data. « Nos interactions avec nos fournisseurs sur les analyses de marché étaient au mieux trimestrielles, avec beaucoup de retards dans la constitution de ces données. Elles sont devenues quasi quotidiennes avec des données désormais détaillées, quand elles étaient agrégées auparavant. Cela nous permet de faire des analyses assez fines », se réjouit-il.
Mais pour rendre ces usages possibles, Sonepar a aussi dû en parallèle impliquer les consommateurs de données autour de la problématique de leur qualité. « La qualité de données était un gros mot. Aujourd’hui tout le monde en comprend l’importance », se félicite Philippe Azoulay. « Cela prend du temps. Ce n’est pas naturel. Vous n’aurez une concentration des acteurs sur la qualité de donnée que s’ils ont un intérêt à utiliser le produit », insiste-t-il.
La qualité de la donnée ne se traite d’ailleurs pas seulement dans le Data Lake. Elle se gère en amont, conseille l’expert, au niveau des sources comme le CRM et l’ERP. Et il s’agit en outre d’un processus permanent. Conséquence directe de l’application de ces conseils, Sonepar a « des plans d’amélioration continue de cette donnée ».