L’Europe et ses clubs utilisateurs, éléments stratégiques pour Workday
Pour la présidente EMEA de Workday, les « communautés » locales d’utilisateurs sont clefs pour le développement de l’éditeur dans la région. Preuve de la place particulière de la France, le premier « Innovation Center » européen ouvre à Paris.
Angelique de Vries-Schipperijn a rejoint Workday en 2022 après 3 ans chez Salesforce et 25 ans chez SAP. Elle est aujourd’hui présidente de Workday pour la région EMEA. Dans un échange exclusif avec LeMagIT, elle réitère l’importance de l’Europe – et la place particulière de la France – dans la stratégie mondiale de l’éditeur de SIRH et d’outils de gestion financière. Elle évoque également les sujets chauds que lui remontent les entreprises européennes (dont l’IA). Et elle explique l’importance de la « communauté » et des clubs utilisateurs (notamment le club français) pour l’évolution de Workday.
LeMagIT : Comment se porte la région EMEA, et l’Europe en particulier ? Quelle est la place de notre région dans les projets Workday ?
Angelique de Vries : Comme l’a dit notre co-PDG, 75 % de notre activité provient de l’Amérique du Nord et 25 % du reste du monde, principalement de la région EMEA qui est, bien sûr, l’une des régions les plus prometteuses (rire).
Nous avons plus de 10 000 clients dans le monde, et environ 2 025 en Europe. Nous avons vraiment une bonne dynamique dans la région. Par exemple, au quatrième trimestre, Mercedes-Benz, l’une des marques les plus emblématiques au monde, a choisi Workday. Au premier trimestre, Equinor a fait de même [N.D.R. : une des plus grandes sociétés d’énergie en Norvège].
D’un point de vue des effectifs, nous avons 17 800 employés dans le monde. En Europe, nous sommes 3 900. Nous disposons également – et c’est très important pour nous – d’un centre de développement à Dublin qui est très bénéfique pour nos clients.
LeMagIT : Et la France ? Le pays a des objectifs très élevés (+30 % par an). Quelle est la performance actuelle de notre marché ?
Angelique de Vries : Je suis très contente de la France. Nous avons une équipe solide et expérimentée. Nous avons démarré en 2013 dans le pays. Aujourd’hui, un millier d’entreprises françaises utilisent nos solutions. Nous disposons également d’un solide réseau de partenaires [N.D.R. : 17 partenaires de déploiement en Europe].
Angelique de VriesWorkday
Il y a une très forte dynamique et nous sommes en train de le capter. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle notre co-PDG [N.D.R. : Carl Eschenbach a pris les rênes de Workday en décembre 2022] et moi-même sommes ici [N.D.R. : les deux dirigeants étaient à Paris les 5 et 6 juin]. Cela en dit long sur l’importance de la France. C’est l’une des zones stratégiques de croissance mondiale de notre entreprise, avec le Royaume-Uni et l’Irlande et l’Allemagne en Europe [N.D.R. : et l’Australie dans la région APAC].
Pour Carl, l’activité internationale est un pilier stratégique de son agenda et il est un grand soutien sur ce sujet.
LeMagIT : Vous avez donc des objectifs élevés pour la région EMEA. Sont-ils alignés sur ceux de la France ?
Angelique de Vries : Tout ce que je peux vous dire, c’est que nous avons des objectifs de croissance à deux chiffres. Je pense qu’il y a un potentiel dans la région EMEA pour y parvenir. Nous prévoyons de poursuivre notre trajectoire de croissance. Pour la région, l’immobilisme n’est en tout cas pas une option (rire). Nous sommes une région de croissance.
Le défi du Core finance, encore
LeMagIT : Un des grands défis de Workday est le Core Finance (puisque vous venez des RH). Quels sont vos résultats aujourd’hui en Europe face aux éditeurs établis comme Oracle et SAP ?
Angelique de Vries : Si vous prenez les chiffres officiels de notre année fiscale passée, nous avons réalisé un CA de 6,2 milliards €. Un peu plus d’un milliard provient de la finance. Nous voyons une réelle tendance à la hausse, d’une année sur l’autre, au niveau mondial, mais également en EMEA, qui témoigne d’un grand intérêt [pour cette offre]. On le voit très bien.
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Je dois dire, pour être totalement honnête avec vous, que l’Amérique du Nord est en avance dans ce cycle par rapport à notre région. Mais nous constatons tout de même une dynamique très intéressante [en Europe]. Nous avons un bon pipeline.
Dans le domaine des RH, nous sommes le leader. En finance, nous sommes le challenger. Mais un challenger en très bonne forme (sourire). Nous voyons un fort intérêt de la part des secteurs où les problématiques de personnes et de finance se rejoignent. Par exemple, les services professionnels ou l’assurance.
LeMagIT : Dans votre stratégie finance, vous ne ciblez effectivement pas tous les verticaux. Quels sont les secteurs sur lesquels vous vous concentrez ?
Angelique de Vries : Oui, et c’est une différence essentielle. Si vous prenez les choses d’un point de vue du « produit », notre SIRH et notre offre Finances sont un seul et unique système, nativement cloud. C’est la force de notre solution. Cela signifie aussi que toutes les industries très axées sur les personnes sont celles pour lesquelles nous avons la proposition de valeur la plus forte pour la finance : les services professionnels, l’assurance, les industries axées projets comme la construction, les fintechs, etc.
Dans tous ces secteurs « fortement humains », nous constatons une bonne dynamique.
LeMagIT : Donc vous devez être de plus en plus souvent en « short list » pour les migrations de projets financiers ?
Angelique de Vries : Oui. Sur les marchés que je viens de mentionner, nous sommes de plus en plus reconnus. Et nous avons de plus en plus de potentiel pour augmenter notre présence. Cela nous aide vraiment quand des entreprises comme Mercedes-Benz prennent la décision de changer pour Workday.
L’IA, sujet chaud pour les clients européens de Workday
LeMagIT : Quels sont les sujets « chauds » pour vos clients EMEA ? L’IA en fait-elle partie ?
Angelique de Vries : Oui. L’IA et le ML sont des sujets importants pour nos clients. Et c’est une opportunité pour nous.
Nous avons 60 millions d’utilisateurs, tous sur la même version [de la plateforme], qui génèrent 60 milliards de données par an. C’est une énorme quantité d’information. Et tout cela dans une architecture propre.
Avec toutes ces données, nous travaillons sur l’IA et le ML depuis déjà une décennie ; nous avons des fonctionnalités natives et « infusées à l’IA » dans notre plateforme depuis des années. C’est donc un sujet d’actualité – notamment avec ChatGPT – mais ce n’est pas un sujet nouveau pour nous. Nous sommes prêts.
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D’autre part, tous nos clients veulent comprendre ce que nous faisons exactement avec l’IA. C’est pourquoi nous avons lancé un blog pour expliquer notre vision, notre stratégie et notre position. Un point très important est que nous pensons que la technologie doit être utilisée pour aider les gens, nous avons une approche centrée sur l’humain.
LeMagIT : Y a-t-il d’autres « sujets chauds » dont les entreprises européennes vous parlent ?
Angelique de Vries : La confidentialité des données, la résidence et la localisation des données, la réglementation – comme la loi européenne sur l’IA – sont également des gros sujets pour les clients européens.
Du point de vue de Workday, nous sommes favorables à tout ce qui peut rendre l’IA et le ML plus sûrs et plus sécurisés et à tout ce qui s’assure que ces technologies sont utilisées dans une perspective éthique. Nous étions d’ailleurs l’un des partenaires et nous avons travaillé avec l’UE sur cette législation.
Et si je devais citer un troisième sujet « chaud », je dirais « la gestion des compétences », parce qu’aujourd’hui, toutes les entreprises veulent s’assurer que leur turnover reste le plus bas possible. Dans un monde en constante évolution (économiques, politique, etc.), il est plus important que jamais de mettre l’accent sur son capital humain.
Clubs utilisateurs et la communauté Workday en Europe
LeMagIT : Comment entretenez-vous votre « communauté » en Europe ? Quelles relations entretenez-vous avec les organisations structurées de clients locaux ?
Angelique de Vries : Nous interagissons avec eux de différentes manières.
Comme vous le savez, nous organisons des événements. Le 27 juin a eu lieu à Paris, le dernier « Elevate » d’une longue série en Europe (Espagne, Allemagne, Royaume-Uni, etc.).
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Nous organisons aussi régulièrement des « comités » (RH, finances, DSI) à Dublin. Au cours de ces comités (NDR : Council en anglais), notre équipe de développement a des conversations poussées avec nos clients sur les attentes qu’ils ont pour leurs utilisateurs et sur ce sur quoi nous travaillons pour l’avenir.
Au niveau de chaque pays, il y a également des groupes d’utilisateurs [N.D.R. : Regional User Group ou RUG]. Le groupe français est très actif. Mais c’est chaque groupe d’utilisateurs local qui définit la manière dont il souhaite échanger avec nous et se connecter avec les autres groupes. Parfois, ils veulent rester fermés, parfois ils veulent être ouverts.
Mais dans tous les cas, il existe une communauté extrêmement active autour de Workday. Nous pensons que c’est très important par la puissance qu’elle représente.
Par exemple, au Royaume-Uni, nous avons organisé un événement sur deux jours. Le premier jour (NDR : Workday Life) était consacré à la question suivante : « Comment utilisez-vous notre système ? Que pouvons-nous apprendre les uns des autres ? » Plus de 700 personnes y ont participé !
Je pense que c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles notre taux de satisfaction est si élevé (plus de 95 % pendant sept années consécutives). Ce dialogue ouvert nous aide à travailler sur les sujets qui comptent réellement pour eux. La communauté est donc au cœur de notre action. Mais la manière dont nous nous parlons dépend de la façon dont les entreprises veulent interagir avec nous.
Premier Innovation Center européen en France
LeMagIT : Nous n’avons pas parlé d’Extend dans les « sujets chauds » ? Est-ce parce que les Européens « ne font que » regarder votre nouvelle offre de développement ?
Angelique de Vries : Non. Ils font bien plus que regarder. Plusieurs clients européens utilisent déjà notre low code/no code. Par exemple, pendant Elevate en Allemagne, une entreprise a expliqué qu’elle avait développé une application de comité d’entreprise en s’appuyant sur Extend.
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Par ailleurs, nous avons annoncé un partenariat avec AWS. Nous en avions déjà un (nous utilisons leur centre de données en Allemagne). Mais désormais, il sera possible de connecter Workday Extend aux capacités et aux services d’AWS. Cela devrait aussi contribuer à stimuler la croissance d’Extend.
Et ici, à Paris, nous avons ouvert un Innovation Center. Workday Extend y occupe une place importante. Avec ce centre, l’ambition et l’idée, c’est de travailler avec nos clients sur les méthodologies de design thinking, sur la façon de tirer parti de la technologie et sur la façon de construire des cas d’usage.
C’est le premier en Europe. Avec son Innovation Center, la France montre la voie en EMEA.
Propos recueillis le 6 juin 2023 à Paris, relus et validés sans modification par Angelique de Vries.