Cloud souverain : la stratégie d’Outscale passe en version 2.0
Hébergement des services de Dassault Systèmes, défrichage de nouveaux secteurs d’activité avec les Business Process et les RegTech : Outscale adopte une nouvelle stratégie pour accélérer sa croissance tout en restant fidèle à son approche souveraine.
Outscale ouvre la deuxième page de son histoire. Laurent Senor, fondateur du service de cloud français, a laissé sa place à Philippe Miltin, un ex- Bull/Atos. Le changement de CEO s’accompagne d’une nouvelle stratégie de développement.
Outscale est désormais une filiale à part entière de l’éditeur Dassault Systèmes (et plus un spin-off) qui va désormais confier l’hébergement de ses logiciels à Outscale.
En outre, Outscale intègre de nouvelles entités à l’image d’Iterop (anciennement Interopsys), éditeur SaaS spécialisé dans le Business Process Management acquis par Dassault Systèmes en 2021.
Dassault Dystèmes confie (toutes) ses plateformes à Outscale
Philippe Miltin structure sa feuille de route en 3 points : « Nous allons opérer les plateformes de Dassault Systèmes, renforcer notre position de partenaire stratégique souverain et transformer les organisations avec ce que nous appelons la Business Expérience. », lance-t-il lors des Cloud Days 2023 (l’évènement annuel du cloudiste).
Jusqu’ici, seule la plateforme 3DExperience était opérée par la filiale. Désormais, c’est l’ensemble des plateformes de Dassault Systèmes, dont Medidata (spécialiste de la gestion des données de tests de médicaments) qui le sera.
Medidata héberge de l’ordre de 30 000 essais cliniques, soit les données de 9 millions de patients. « Medidata va arriver sur Outscale, ce qui fait qu’Outscale va doubler de taille dans les 2 années à venir. Cela va représenter un très gros travail à mener en interne. », entrevoit Philippe Miltin.
En parallèle, deux autres plateformes vont débarquer dans les datacenters d’Outscale : CentricPLM et 3 Dvia, pour le B2C. « Toutes ces plateformes vont arriver chez Outscale, ce qui nous donne un avantage compétitif, car le dénominateur commun de tous les hyperscalers est d’avoir démarré avec leur maison mère comme premier client. Google, Amazon, Microsoft en ont bénéficié. Nous allons aussi en bénéficier, puisque Dassault Systèmes a une croissance très forte dans le cloud. Accueillir l’ensemble de ces plateformes nous donne une visibilité en termes d’investissements sur 3 à 4 années. », se réjouit le nouveau CEO.
Pour porter cette croissance, soixante collaborateurs Dassault Systèmes ont rejoint Outscale, portant ainsi les équipes techniques à 250 personnes.
Pour le second pilier de la stratégie d’Outscale, la partie souveraine, Philippe Miltin mise en particulier sur le succès de la joint-venture Numspot (avec Docapost, Bouygues Telecom, la Caisse des dépôts et Dassault Systèmes). « C’est un élément fondateur de notre stratégie, car il va permettre aux domaines du secteur public, de la santé, de la Banque finance et aux OIV de disposer d’une solution souveraine de bout en bout. », vante-t-il.
Outscale apporte ses services IaaS à Numspot. Charge à ce dernier de proposer des services PaaS et SaaS qui devront répondre aux attentes de ces marchés. « Nous accompagnons Numspot pour leur fournir un socle souverain. Nous avons une liste de services que nous devrons leur livrer, avec une feuille de route sur 2023, 2024 et 2025. »
Une diversification via les Business Process
Le troisième volet de la stratégie Outscale porte sur ce que le CEO appelle la « Business Expérience ».
« Dassault Systèmes est leader mondial dans les jumeaux virtuels de produits et du corps humain (N.D.R. : Digital Twins). Nous opérons dans les domaines scientifiques, techniques et engineering, mais il y a des marchés où nous n’opérons pas. C’est le cas du secteur public, de la banque/finance, de la santé hormis le volet développement des molécules et des essais cliniques. Aujourd’hui, il y a tout un pan d’activité qui n’est pas adressé par les solutions Dassault Systèmes. Avec la Business Experience, nous voulons créer le jumeau virtuel de l’organisation. »
Concrètement, Dassault Systèmes/Outscale veut offrir des solutions métiers axées sur la gestion des processus, la Data Science et « l’intelligence collective », et la collaboration.
L’éditeur va aujourd’hui se positionner sur le marché de la santé dans la dématérialisation des parcours patients, dans le secteur finance via les « RegTech », c’est-à-dire la conformité, et enfin dans le secteur public, notamment dans la gestion des eaux.
La prise de contrôle d’Iterop par Dassault Systèmes il y a deux ans illustre bien cette volonté. Ce BPM as a Service a désormais rejoint les rangs d’Outscale et devient le bras armé du fournisseur cloud pour défricher de nouveaux secteurs d’activité.
Pour la banque/assurance, Outscale pousse une autre solution afin de se faire une place sur ce marché : Innova, (racheté en août 2021 par Dassault Systèmes). Ce logiciel de RegTech (Regulatory Technology) se destine au secteur financier et plus particulièrement aux banques dépositaires.
« Nous avons noué un accord stratégique avec la BNP qui est la première banque dépositaire européenne », confie Philippe Miltin. « C’est un accord stratégique de long terme pour les accompagner dans le développement de cette solution. [..] Avec le savoir-faire de Dassault Systèmes, nous allons fournir une solution industrialisée à la BNP et à nos autres clients […] Il s’agit de l’acte fondateur dans la fourniture de solutions de Business Experience. »
La solution exploite l’Intelligence artificielle afin d’analyser les prospectus remis par les fonds, et d’en extraire l’ensemble des contraintes pour leur associer des objets informatiques et donc s’assurer que chaque investissement du gestionnaire reste en conformité avec ses engagements. La solution vise les 10 000 fonds présents dans l’espace européen.
Les équipes d’Innova viennent de rejoindre celles d’Outscale.
Outscale reste fidèle à Tina OS et à son modèle d’architecture
Si la stratégie d’Outscale évolue, le cloudiste reste en revanche fidèle à son modèle technique en trois couches, sa solution Tina OS fournissant une couche d’abstraction entre l’infrastructure matérielle et la couche IaaS.
Pour Arnaud Bertrand, le CTO d’Outscale, cette approche permet à l’ensemble des développeurs de Dassault Systèmes de créer des services sans avoir à se soucier de l’infrastructure sous-jacente.
« Cette couche d’abstraction nous permet aussi d’utiliser les couches d’infrastructure d’autres hyperscalers. Nous avons donc une stratégie multicloud avec nos propres infrastructures, mais aussi celles d’autres acteurs. Il s’agit d’une stratégie du “et” avec Outscale pour les infrastructures sensibles et les hyperscalers sur les zones où nous ne sommes pas présents. »
Outscale propose ses services sur un modèle international, avec des services cloud publics certifiés ISO 26000/27001, HDS et TISAX, des services délivrés en mode souverain, certifiés SecNumCloud pour l’Europe et ITAR pour les États-Unis, et enfin un mode dédié sur des infrastructures séparées.
Dans ce dernier cas, les équipements peuvent être installés au sein du data center du client et opérés par un personnel habilité au niveau souhaité de confidentialité. Une capacité qui intéressera notamment les militaires et les ministères.
Un gros travail sur l’interface d’administration et l’IAM
Parmi les nouveautés attendues sur la période 2023/2024, Outscale cite la refonte de sa marketplace d’applications souveraines avec la capacité de faire du BYOL (Bring Your Own Licence) et l’enrichissement de l’offre de connexion aux datacenters DirecLink.
En septembre, Outscale implémentera la notion de « groupe de VM » : un même modèle de configuration pourra être appliqué à plusieurs VM, ce qui simplifiera les mises à jour d’infrastructures virtuelles.
En parallèle, le cloudiste français travaille sur la version 2 de Cockpit, son interface d’administration. À cette occasion, une nouvelle couche de gestion des identités et des accès (IAM) sera mise en production. Outscale va recourir à OpenID Connect comme couche d’authentification, avec à la clé l’authentification multifacteur, notamment par OTP pour les interfaces d’administration ainsi que pour les API. La compatibilité avec AWS sera maintenue pour les mécanismes d’authentification.
Côté chiffrement, pour les entreprises qui souhaitent aller plus loin dans la maîtrise de leurs clés, le Bring your Own HSM devrait arriver, mais il faudra attendre début 2024 pour une première bêta.
Outscale travaille par ailleurs sur le SSI (Self-sovereign Identity) et souhaite rendre son système de gestion des identités compatible avec ce schéma qui fait partie des travaux de Gaia-X. Les fournisseurs pourront alors exploiter les identités de leurs clients chez leurs confrères, ce qui devrait théoriquement faciliter les approches multicloud.
Enfin, côté hardware, de nouveaux processeurs de génération 7 arriveront en septembre, de même que des GPU Nvidia Ampere A10 et A100. Arnaud Bertrand n’a en revanche pas pris d’engagement sur la disponibilité de l’Autoscaling et sur l’arrivée de processeurs à basse consommation ARM.