IA : avec MIA, Digitalent veut faire entrer les métiers dans la danse
Le cabinet de conseils français Digitalent assume depuis peu une double casquette. Il commercialise une plateforme no-code pour déployer en production des cas d’usage aux mains des métiers qui exploitent des modèles de machine learning et de deep learning.
Fondée en 2015, Digitalent s’est d’abord illustrée par son activité de consulting. Ses clients ? De grandes banques, des assurances, des fournisseurs d’énergie et d’eau ou des spécialistes de l’e-commerce français. L’entreprise développe une double activité : elle endosse également le costume d’éditeur.
Depuis 2017, en collaboration avec le laboratoire de l’X Polytechnique, la société installée à Paris développe la plateforme MIA, pour Moteur d’Intelligence Artificielle. Cette suite no-code, commercialisée depuis la fin de l’année 2022, vise en premier lieu les métiers. Depuis YouTube, l’éditeur présente trois usages aux périmètres clairs : la détection d’objets à partir d’une vidéo, la mesure de l’attrition dans une banque et la prédiction d’achats auprès de fournisseurs.
« Nous ciblons aussi les data scientists et les DSI qui souhaiteraient accélérer le déploiement des projets d’IA », ajoute Pascal Corrotti, directeur général adjoint chez Digitalent.
Conceptuellement, MIA se rapproche des plateformes d’Alteryx, de DataRobot ou de Dataiku, mais insiste sur la simplicité d’accès. À l’instar de Semarchy, Digitalent a choisi les composants Material Design développés par Google pour proposer une expérience utilisateur familière. Des boutons et des curseurs représentent les paramètres modifiables d’un algorithme de machine learning ou de deep learning.
Pour autant, MIA n’a rien d’une jolie coquille vide : la plateforme accueille une soixantaine d’algorithmes préentraînés pour classer (segmenter) ou prédire des données. « Nous utilisons des modèles disponibles en open source que nous adaptons à nos besoins et nous en développons d’autres en partenariat avec l’École polytechnique Paris », relate Pascal Corrotti. « Nous sommes en train de déposer un brevet pour des cas de multiprédiction ».
Traiter des cas d’usage métier de bout en bout
Les usagers peuvent par ailleurs importer leurs propres modèles.
Avant d’en arriver là, la plateforme propose un outil de nettoyage automatique de données qui permet de normaliser les data sets ou encore d’effectuer des jointures. « MIA permet de télécharger des jeux de données ou de se connecter directement à une base de données ou des applicatifs via API », précise Pascal Corrotti. « Puis, il s’agit d’améliorer la qualité des données en supprimant les valeurs aberrantes, en créant des données synthétiques ou en utilisant des moyennes ou des médianes s’il manque certaines informations ».
De surcroît, MIA dispose d’une bibliothèque de données open source externes pour enrichir les data sets des usagers. « Nous détectons automatiquement le type de données (tabulaires, textes, images, vidéo) au chargement des données », informe Pascal Corrotti.
Un module statistique permet d’explorer visuellement les données afin de déterminer quel modèle est le plus approprié selon l’analyse à réaliser. Un module similaire peut être utilisé dans le but de motoriser les aspects décisionnels. « Certains prospects souhaitent utiliser notre plateforme pour de la mise en qualité des données et de la BI, sans forcément se lancer immédiatement dans des projets d’IA », renseigne le directeur général adjoint.
Pour ceux qui veulent exploiter les modèles d’IA proposés par Digitalent, une fonction d’autoML sélectionne « le meilleur algorithme en fonction des données en entrée », selon Pascal Corrotti. Par exemple, l’éditeur propose une quinzaine d’algorithmes pour exploiter les données tabulaires. Les traitements ne sont pas figés dans le marbre. Au cours du cycle de vie d’un projet, le module d’AutoML peut déterminer qu’un algorithme doit être remplacé afin d’obtenir de meilleures prédictions. La même chose est vraie pour les données textuelles (traitées à l’aide de modèles NLP) et les images/vidéo (MIA inclut plusieurs modèles de type VGG).
Pour la gestion opérationnelle des modèles, Digitalent s’appuie sur le projet open source Mlflow. Pour respecter le RGPD et en anticipation de l’application de l’AI Act, les applications dans MIA peuvent être soumises à des règles métier. « Cela permet d’appliquer des garde-fous conformes aux exigences des entreprises », considère Pascal Corrotti.
Plus tard, l’éditeur compte mettre l’accent sur l’explicabilité des données en direction des métiers. « Nous voudrions proposer un rapport complet pour tracer l’ensemble des transformations appliquées à travers MIA », envisage le responsable.
MIA et son back-end versatile
Sous le capot, MIA dépend d’une architecture de microservices conteneurisés (via Docker) à déployer sur site ou dans le cloud.
Les données à traiter sont enregistrées dans une base de données relationnelle et dans un service de stockage objet. Digitalent utilise une couche de cache in-memory pour gérer les événements.
Digitalent a découpé son architecture par module suivant les types de données à traiter et les algorithmes à exécuter. Ces conteneurs Docker sont associés à différentes instances de calcul. « Nous pouvons même déporter des microservices en local, si la station de travail cible est suffisamment puissante », indique Pascal Corrotti.
Dans le cloud, Digitalent propose un déploiement mono tenant ou multitenant sur Azure ou AWS, mais ses clients préfèrent garder la maîtrise de leurs données et du logiciel.
Pascal CorrottiDirecteur général adjoint, Digitalent
« Nous vendons notre plateforme à la souscription ou à travers une licence perpétuelle. Pour le moment, les clients choisissent massivement la deuxième option sur site ou en cloud privé ».
Reste à convaincre le marché
Pour le moment, Digitalent a choisi de vendre une solution combinant une licence ou une souscription de production et une offre de conseils pour déployer le premier cas d’usage. « Les clients prennent petit à petit leur autonomie », assure le directeur général adjoint.
Du fait de son architecture distribuée, la plateforme intéresse d’autres cabinets de conseil qui ont parfois du mal à déployer des modèles à l’échelle chez leurs clients, poursuit-il.
Cette activité d’édition demeure récente pour Digitalent. Le consultant présente le projet d’un seul client. Une grande banque internationale a choisi d’adopter MIA pour prédire la réserve d’argent liquide disponible dans ses 300 agences implantées en France, afin d’optimiser les tournées des convoyeurs de fonds. « Nos data scientists ont coconstruit le projet avec les métiers du client. Ensuite, nous avons aidé à la mise en place des règles métier qui ont permis de classer les billets par coupure », relate Pascal Corrotti. Cerise sur le gâteau, « cela a permis de réduire de moitié le nombre de tournées des convoyeurs ».
Détection de fraudes, gestion de déchets, prédictions de pannes d’équipements industriels, prédiction de temps de stockage des conteneurs dans un port, détection de gestes dangereux dans des environnements… Digitalent répond en ce moment même à une grande variété d’appels d’offres.
L’éditeur se vante par ailleurs d’avoir convaincu le Berkely Fisher Center for Business Analytics de l’Université de Berkeley, en Californie, d’adopter sa solution pour former les étudiants à l’usage de l’IA. « Les intervenants participent à notre feuille de route pour simplifier l’apprentissage et l’aligner sur leurs besoins pédagogiques », évoque le directeur général adjoint chez Digitalent.