IA générative : les clients de SAP sont attentifs, mais ont d’autres priorités
Lors de son événement Sapphire, SAP a présenté un partenariat avec Microsoft pour intégrer les modèles d’IA générative d’OpenAI dans sa suite HCM SuccessFactors. Un démonstrateur intéressant pour les clients du groupe, mais certains d’entre eux se concentrent davantage sur la mise en qualité de leurs données en vue d’adopter l’analytique prédictive et sur la migration de leur ERP ECC vers S/4HANA Cloud.
Après avoir annoncé un partenariat avec IBM pour infuser Watson dans SAP Start, l’éditeur allemand en a dévoilé un autre avec Microsoft pour intégrer les fonctionnalités d’IA générative du géant du cloud. SAP combinera Microsoft 365 Copilot et Viva Learning avec l’outil HCM SuccessFactors. Il utilisera principalement les capacités d’Azure OpenAI pour propulser son expérience.
Lors du Sapphire à Orlando et son événement satellite à Barcelone, SAP a présenté deux cas d’usage principaux de l’IA générative. Le premier consiste à aider les recruteurs à rédiger des offres d’emploi type ou enrichir des documents qu’ils ont déjà rédigés. Dans ce cas-là, SAP entend utiliser les API d’OpenAI associées à Microsoft 365 pour générer ces contenus à partir des données contenues dans SuccessFactors. Ironiquement, les usagers pourront s’appuyer sur l’assistant Copilot pour détecter et remplacer des mots ou des phrases qui contiendraient des biais de recrutement ou des éléments de vocabulaire qui ne seraient pas assez inclusifs. Après une vérification manuelle effectuée, il sera possible de publier automatiquement les annonces sur SuccessFactors.
SAP veut infuser l’IA générative dans SuccessFactors
Au moment d’organiser les entretiens avec les candidats sélectionnés, depuis Microsoft Teams, les utilisateurs pourront générer des listes de question en fonction du rôle recherché.
Dans le cadre de leur processus d’apprentissage, les jeunes employés pourront utiliser la version de Copilot intégrée dans Viva Learning pour obtenir des recommandations de cours et de parcours de formation référencés dans SucessFactors en langage naturel.
Selon Christian Klein, PDG de SAP, il s’agit de proposer aux entreprises des fonctionnalités « concentrées sur les besoins métiers des entreprises » (Business oriented AI, en VO). Le responsable a tenu à rappeler que l’IA est présente dans une forme ou une autre dans les produits SAP. Lors de Sapphire, l’éditeur a présenté le fonctionnement d’un algorithme de matchmaking infusé dans SAP Ariba Guided Sourcing permettant de comparer les offres de plusieurs fournisseurs suivant leur prix, la qualité des produits, la durée de livraison et un score de durabilité.
Interrogé par LeMagIT, Christian Klein anticipe le fait que l’éditeur intégrera des capacités d’IA générative au sein de SAP Signavio et Build plutôt que d’investir en premier lieu dans la génération de code ABAP. « Nous avons déjà ce que nous appelons des « Large Business Process Models », de grands modèles BPMN qui permettent de comparer des processus et d’obtenir des recommandations pour choisir le plus approprié suivant l’usage recherché et ce que les clients existants ont déjà mis en place », détaille Dee Houschen, Head of Product and Global Marketing pour SAP Signavio. « Sur la feuille de route, nous prévoyons d’intégrer un LLM avec SAP Build pour faciliter le déclenchement des automatisations des flux de travail ».
Un domaine naissant
Il y a tout de même quelques points qui démontrent que SAP compte, pour le moment, faire acte de présence dans ce domaine naissant.
Tout d’abord, l’éditeur n’a pas annoncé de date de disponibilité précise quant à la solution concoctée avec Microsoft. De plus, bien que l’éditeur promet d’utiliser l’intelligence artificielle de manière responsable, il n’a pas détaillé comment les données des employés et des recruteurs sont protégés, même si les porte-paroles du groupe assurent qu’elles ne sont pas partagées avec Microsoft et OpenAI.
Aussi, SAP n’investit pas lui-même dans le développement de modèles d’IA générative. « Il y a beaucoup de solutions disponibles sur le marché. Nous n’avons pas à réinventer la roue », justifie Michael Ameling, Senior Vice President, Chief Product Officer BTP », et Head of Intelligent Enterprise & BTP Foundation chez SAP, lors d’un point presse.
« Nous affinons tout de même l’apprentissage de ces modèles préentrainés selon les cas d’usage », précise Steffen Pietsch, vice-président, responsable de la gestion des produits SAP BTP chez SAP, auprès du MagIT.
Le responsable ajoute que l’éditeur a acquis la startup Askdata et qu’il infuse sa solution d’interrogation des données en langage naturel dans SAP Analytics Cloud.
L’analytique prédictive, un sujet prioritaire pour les clients de SAP
A l’instar ce qu’il a proposé au mois de mars avec DataSphere (la refonte SAP Datawarehouse Cloud), SAP entend multiplier les partenariats dans le domaine de l’IA générative. En sus d’IBM et Microsoft, SAP travaille avec Aleph Alpha, une startup allemande à l’origine des grands modèles de langage (LLM) Luminous.
Les clients rencontrés par LeMagIT lors du volet de Sapphire se déroulant à Barcelone se sont montrés attentifs à la proposition de SAP concernant l’intégration de l’IA générative. Pour autant, dans le domaine de l’intelligence artificielle (et plus particulièrement du machine learning), ils sont davantage intéressés par les capacités d’analytique prédictive que SAP peut leur proposer.
C’est le cas chez Coca-Cola Europacific Partners, un des plus gros embouteilleurs au monde. Il met en place la suite SAP Integrated Business Planning permettant de superviser sa supply chain, de prédire la demande et la production de ses usines d’embouteillage. Il vient d’en terminer le déploiement en Espagne et compte la déployer la semaine prochaine en Allemagne, puis dans le reste du monde d’ici à 2025. Ce projet réclame également de gros efforts d’intégration de données, tandis que le processus de migration apporte son lot de complexités, notamment dans la gestion des modèles de données.
Comme SAP IBP est un système analytique et non transactionnel, cela réclame un changement de méthodologie chez les métiers. « Cet apprentissage peut commencer qu’une fois la nouvelle plateforme déployée », selon Maria Jesús Olvera, Directrice des solutions transactionnelles chez Coca Cola Europacific Partners.
Jon ReedCofondateur, cabinet d’analyse Diginomica
« Les clients ont d'autres priorités, comme l'intégration et la qualité des données, qui sont bien plus urgentes que l'adoption de certaines technologies d'IA », confirme Joshua Greenbaum, directeur d’Enterprise Applications Consulting auprès de SearchSAP, une publication sœur du MagIT au sein du groupe Techtarget. « Il y a un fossé entre l'engouement pour l'IA générative et ce qui est important pour de nombreux clients ».
« La question est de savoir quelle est l'ampleur de ce fossé et comment le combler », déclare de son côté Jon Reed, cofondateur du cabinet d’analyse Diginomica. L’analyste confirme que SAP travaille sur l'IA depuis des années, mais l'expansion rapide de l'IA générative au cours des derniers mois a changé la donne.
« L'IA générative est apparue très rapidement cette année, avec des niveaux d'adoption sans précédent », rappelle l’analyste. « Cela oblige SAP et d'autres éditeurs à faire des annonces sur les scénarios potentiels ».
Lors de l’édition européenne de Sapphire, SAP a tout de même fait la part belle aux retours de ses clients. En résumé, l’éditeur allemand est parfaitement conscient des difficultés rencontrées par les entreprises dans un environnement économique ombragé alors que bon nombre d’entre elles préparent ou effectuent la migration de leur ERP ECC vers S/4HANA Cloud.