Dell World 2023 : NativeEdge se dévoile pour orchestrer l’informatique de terrain
L’offre Edge de Dell propose des machines classiques pour collecter et traiter les données d’appareils industriels ou embarqués. Sa sophistication réside en revanche dans des capacités inédites de sécurisation et de configuration.
Seconde annonce d’importance du Dell Technologies World 2023 qui se tient à Las Vegas cette semaine, le constructeur Dell a officialisé la commercialisation d’un portefeuille Edge computing baptisé NativeEdge d’ici à la rentrée. Si elle comprend des passerelles de communication, des serveurs et des PC installables sur le terrain, l’offre NativeEdge a surtout pour vocation de vendre la plateforme d’orchestration qui configure et monitore ces appareils.
Celle-ci a deux avantages. D’abord, elle se base sur un dispositif d’Intel (que manifestement pas grand monde n’avait utilisé auparavant), le Secure Device Onboarding. Ce dispositif attribue un numéro de série crypté unique à chaque appareil Edge, de sorte qu’il n’est administrable à distance que par la console qui possède sa clé de déchiffrement.
Ensuite, elle repose sur des « blueprints », des piles applicatives qui comprennent aussi bien les logiciels de collecte et de traitements à installer sur les appareils en edge, que leurs interfaces de pilotage à déployer au siège d’une entreprise, ou encore que des services décisionnels à activer en cloud.
Pour concevoir ces blueprints, l’entreprise n’a qu’à sélectionner à la souris les logiciels qu’elle souhaite, depuis le catalogue que Dell présente dans la console NativeEdge. Ensuite, la plateforme s’occupe toute seule de déployer les bons logiciels aux bons endroits.
Ghil ShneorsonResponsable solutions Edge, Dell Technologies
« La difficulté du Edge est qu’il est très compliqué de gérer de très grandes flottes d’appareils déployés en dehors du datacenter, qui plus est par des équipes qui ont encore trop peu de maturité sur la manière de sécuriser et de configurer de tels déploiements », explique Ghil Shneorson, le responsable des solutions Edge chez Dell Technology.
« Notre différence par rapport aux autres acteurs qui se lancent sur le marché du Edge est que la fourniture de plateformes de gestion est dans notre ADN. Avec NativeEdge, nous voulons porter l’expérience data center de Dell sur le terrain », insiste-t-il.
Cocher dans un catalogue et avoir des solutions opérationnelles sur le terrain
Et d’illustrer le concept par son cas d’usage : « grâce au Secure Device Onboarding, à chaque appareil Edge correspond une clé que nous envoyons à nos clients. Cette clé leur permet de préconfigurer l’appareil avec des applications, des protocoles, avant même qu’il sorte de nos entrepôts. »
« Tout ce qu’ils ont à faire, c’est, à la réception de l’appareil, le connecter à un réseau pour qu’il se configure tout seul. C’est très commode quand vous êtes une entreprise qui configure ses appareils depuis le siège, mais doit les faire fonctionner dans chacune de ses succursales. », continue Ghil Shneorson.
Depuis la console SaaS NativeEdge, il sera possible de définir quels logiciels doivent s’installer sur tous les équipements, lesquels ne doivent s’installer que sur certains appareils et qui doit communiquer quoi avec qui.
« C’est l’objectif des blueprints. Pour autant, il ne s’agit pas de demander systématiquement aux entreprises de tout configurer elles-mêmes. Notre vocation est de proposer des blueprints prêts à l’emploi. Évidemment, nous n’allons pas écrire les blueprints de toutes les applications imaginables en Edge. Avant la fin de l’année, nous fournirons aux éditeurs d’applications Edge des outils pour qu’ils conçoivent leur blueprint », dit le responsable de Dell.
Il précise que le format de ces BluePrint est le TOSCA (Topology and Orchestration Specification for Cloud Applications), un standard mis au point par le consortium OASIS (Organization for the Advancement of Structured Information Standards). Consortium qui compte parmi ses membres des noms comme Dell, IBM, Microsoft, Oracle, Red Hat ou encore la fondation derrière LibreOffice.
« Rendez-vous compte : jusque-là, les éditeurs de solutions edge ne donnaient aux entreprises que des recommandations d’infrastructures pour exécuter leurs applications. Avec NativeEdge, il suffit de cocher à la souris dans un catalogue pour avoir sur le terrain des solutions prêtes à l’emploi, sécurisées et administrables », argumente encore notre interlocuteur.
Un Linux « maison » dans les machines
Ghil Shneorson accepte de dévoiler ce qui se trouve à l’intérieur des machines Edge que Dell livrera : un Linux maison, qui exécute les applicatifs et qui sera le seul élément administrable à distance par la console NativeEdge.
« À partir du moment où un appareil fonctionne avec notre Linux, nous pouvons verrouiller des ports de communication réseau, nous pouvons mettre en place notre propre protocole de communication sécurisé, nous pouvons signer les modules applicatifs, nous pouvons détecter si le système a été corrompu et, si c’est le cas, le décommissionner. Nous pouvons même remplacer intégralement le système. », décrit-il.
Ce Linux n’exécute pas de clusters Kubernetes, mais peut tout de même exécuter ses fonctions applicatives sous la forme de containers. « Pour autant, il est toujours possible d’y installer un cluster Kubernetes via un blueprint si l’éditeur de l’application Edge le nécessite. Mais notre console ne servira pas à piloter ce Kubernetes, ce sera la console de l’éditeur tiers qui le fera. »
Cette approche laisse perplexe l’analyste Roy Illsley, du cabinet d’études Omdia : « il est étonnant que Dell cherche à maintenir son propre Linux plutôt que de confier cette partie à un partenaire comme Red Hat ou Canonical dont c’est le métier. La réponse de Dell est que ces éditeurs veulent mettre du Kubernetes à la base des équipements Edge, alors que Kubernetes serait dans ce domaine une technologie niche. Néanmoins, avec 10 000 visiteurs lors du dernier salon KubeCON, venus notamment s’informer sur les configurations possibles en Edge, Kubernetes ne me paraît plus du tout être une solution de niche ! »
Manifestement, le devenir de ce Linux est une question qui n’a pas fini d’être débattue. « Il faut comprendre que NativeEdge est en réalité la seconde offre Edge au catalogue de Dell. Le constructeur fournit d’autres configurations Edge pour les telcos, cette fois-ci avec des systèmes décidés par les telcos et qui servent à exécuter des RAN au pied des antennes. »
« Or, si l’on part du principe que les telcos seront aussi les plus gros revendeurs de solutions NativeEdge aux entreprises, parce qu’ils seront les mieux placés pour raccrocher les projets Edge aux réseaux filaires ou mobiles, les deux offres vont devoir converger à un moment ou l’autre », estime l’analyste.
Des équipements assez classiques
Un autre point qui n’aura pas manqué d’interroger les visiteurs du salon Dell Technologies World 2023 est l’offre assez classique d’équipements Edge que propose Dell.
« Pour cette offre, nous avons choisi dans notre catalogue existant une première série d’appareils selon leur polyvalence et leur prix », justifie Ghil Shneorson à propos des machines x86 dotées de ports Ethernet que n’importe quel autre fabricant informatique propose aussi à son catalogue.
Ghil ShneorsonResponsable solutions Edge, Dell Technologies
« Ce sont des passerelles qui supportent tous les protocoles de communication, des PC OptiPlex qui sont très avantageux quand vous avez juste besoin de déployer un très grand nombre de kiosques interactifs sur vos points de vente, ou encore des serveurs d’appoint qu’on peut n’installer qu’en un ou deux exemplaires pour faire de la collecte et du traitement local de données », détaille-t-il.
Nulle trace de micromachines, avec deux cœurs et 2 Go de RAM, comme celles que Nvidia, Red Hat et autres Canonical rêvaient de fournir aux fabricants de caméras, de véhicules ou de robots intelligents lors du dernier salon KubeCON.
Sur ce point, l’analyste Roy Illsley est néanmoins plus enthousiaste. « L’approche de Dell, qui consiste à attaquer le segment des équipements Edge par la seule gestion de leurs communications est assez réaliste. Dans le sens où il entre sur un marché, où, soit vous avez des équipements industriels déjà suffisamment matures qu’il ne pourra jamais remplacer, soit vous avez des applications embarquées pour la grande distribution ou les hôpitaux avec tellement de possibilités, qu’il ne pourra jamais toutes les intégrer. »
« Notre objectif n’est pas de vendre des produits Edge à la place des acteurs qui conçoivent déjà ces produits. Notre objectif est de leur fournir le support informatique qui va rendre leurs ventes possibles », intervient Ghil Shneorson.
« Il ne s’agit même pas de remplacer des systèmes qui sont en place depuis des décennies. Certains de nos clients pilotent leurs chaînes de montage avec des machines sous Windows 3.11 qui exécutent des processus listés dans des feuilles Excel. Nous n’allons pas leur expliquer qu’il faut remplacer ce qui fait tourner leurs usines depuis des décennies. En revanche, nous allons leur proposer l’équipement NativeEdge qui permet de piloter ces solutions à distance », conclut-il.