Métavers industriel : PTC mise sur l’informatique spatiale
Lors du LiveWorx 2023, PTC a présenté sa vision du métavers industriel en présentant une solution qui combine informatique spatiale, gestion de données et réalité augmentée. S’il évoque le sujet de longue date, l’éditeur se veut prudent quant à la promotion de ce produit en cours de développement.
Alors qu’il avait une place médiatique démesurée, le métavers s’est fait engloutir par le raz de marée ChatGPT. Pour autant, une sous-catégorie trouve son intérêt auprès des éditeurs : le métavers industriel.
Il y a quelques mois, c’était Microsoft qui présentait son approche de ce concept, quitte à recycler un bon nombre de cas d’usage associés auparavant à la réalité augmentée (et mixte) et son casque HoloLens 2.
PTC tente de se différencier. Il a présenté les avancées du projet Mercury, les fondations d’un métavers industriel. Lui aussi rappelle que le métavers grand public, celui que Meta (Facebook) rêvait de mettre sur pied, est différent de son cousin industriel.
« Pop Out Metaverse », des salles virtuelles créées en quelques heures
Pour autant, la réalité augmentée (AR) n’est qu’un ingrédient du mix imaginé par PTC. L’éditeur bostonien mise, lui, sur le spatial computing (informatique spatiale), la vision par ordinateur, une application collaborative et l’analytique en temps réel.
En servant du moteur AR de la plateforme Vuforia et de smartphones et tablettes équipés d’un Lidar (principalement les iPhone et iPad disponibles à la vente depuis 2020), PTC propose de réaliser ce qu’il appelle des « Pop Out Metaverse ». Dans l’idée, un agent peut scanner une pièce ou des machines qu’il souhaite surveiller à l’aide du capteur photo/vidéo d’un iPhone 12 Pro, par exemple. Cela permet de représenter un environnement physique à partir de nuage de points en trois minutes. Par-dessus, cette représentation du monde physique, l’opérateur peut, à travers une application, ajouter de la documentation ou dessiner des consignes qu’un autre utilisateur pourra consulter en direct ou après-coup. Ces environnements persistants servent alors d’espace de partage du savoir, pour les nouveaux employés ou pour rafraîchir la mémoire de certains.
Techniquement, il s’agit d’une application JavaScript bâtie par-dessus le moteur AR Vuforia.
PTC travaille déjà sur ce cas d’usage avec plusieurs de ses clients. Par exemple, Burckhardt Compression, spécialiste suisse des systèmes de compression du gaz naturel et de l’hydrogène, a pu le tester sur un méthanier équipé de ses compresseurs. « Quand un méthanier est en mer, cela coûte très cher d’intervenir », explique Helmut Draxer, CDIO chez Burckhardt Compression. « Avec un smartphone ou une tablette, vous pouvez scanner un environnement, le charger dans le cloud via le WiFi, la 4G ou une connexion satellite. Depuis l’application, vous pouvez éditer cette modélisation 3D en quelques heures ».
Selon le fabricant, l’application permet ensuite aux ingénieurs d’assister à distance les techniciens sur place en temps réel et faire de l’environnement scanné un lieu de documentation. Un Pop Out Metaverse serait alors un espace virtuel de transfert du savoir.
« Et les fondations de cette technologie ont été importantes lors de la crise sanitaire », rappelle Helmut Draxer. Avant de développer le prototype présenté lors de l’événement LiveWorx, Burckhardt Compression s’est appuyé sur Vuforia pour développer UP Solutions, une gamme de services d’assistance à distance permettant à des ingénieurs du fabricant de guider les techniciens de leurs clients. C’est cette offre qui a été mise à contribution au cours de la pandémie.
De son côté, le fabricant automobile Mercedes s’appuie sur la même plateforme pour développer une étude sur l’ergonomie des postes de travail et de la posture de ses opérateurs. Ici, une combinaison de la vision par ordinateur et des données d’un Lidar permettent de détecter la position de l’individu, dont le squelette est représenté en fil de fer, et déterminer s’il prend oui ou non la bonne posture lors d’une opération de montage ou de maintenance.
Le système peut aussi détecter si plusieurs individus devant effectuer des tâches dans un même environnement ne se gênent pas. Ce sujet n’est pas anodin dans le secteur automobile. Par exemple, dans l’usine de Flins-sur-Seine (78) de Renault, un véhicule sort de la chaîne d’assemblage toutes les minutes. Quelques seconds passés à éviter un coéquipier représentent déjà une perte d’efficacité.
Selon PTC, ce ne sont là que deux exemples possibles. Il serait également possible de combiner un jumeau numérique, un système de collaboration en temps réel spatialisé, l’accès à un « digital thread », à savoir le rapprochement des données ERP, PDM, PLM, IIoT et documentaires à cette même interface accessible depuis un appareil mobile.
Le métavers, un concept clivant
Techniquement, l’éditeur aurait pu présenter le projet Mercury comme une évolution de Vuforia Chalk. Cette application existante permet d’éditer à l’aide d’une surcouche de réalité augmentée des photos, des vidéos ou des flux média en temps réel à des fins d’assistance. L’apport de l’informatique spatiale et la possibilité de persister les salles virtuelles justifient l’emploi du terme métavers industriel.
« Si vous pensez à la structure d’un métavers, vous avez besoin d’un espace en 3D dans lequel des personnes pouvant interagir sont à la fois physiquement présentes et à distance. C’est une définition minimale, le reste n’est qu’un bonus », affirme Steve Dertien, CTO chez PTC, lors d’un point presse.
« Nous avons d’abord travaillé sur un dispositif permettant de retranscrire le point de vue d’une seule personne », ajoute Valentin Heun, Innovation Engineering chez PTC. « Puis, nous avons travaillé sur l’informatique spatiale, ce qui nous a permis, en combinaison de la modernisation des appareils mobiles et du réseau, de proposer un environnement de collaboration virtuelle persistant. Pour le marché, le nom de cette avancée n’est autre que le métavers ».
Toutefois, l’éditeur n’a pas encore choisi le nom de la solution en cours de développement. De fait, le terme métavers est particulièrement connoté. Il est souvent associé au projet décrié de Meta.
« Certains groupes et éditeurs appellent cela des salles virtuelles », propose Helmut Draxer. « Ne l’appelez pas métavers s’il vous plaît », plaisante-t-il en réaction aux questions des journalistes.
Cette capacité à scanner et documenter une ligne de production en quelques minutes serait l’avantage principal de cette solution abordable, quand les concurrents de PTC font généralement aux instruments de Matterport pour obtenir un résultat similaire (bien que de meilleure qualité). Cette solution vise à déployer rapidement des cas d’usage dans des usines de grandes entreprises. Mais les porte-parole de PTC imaginent également que certaines entreprises préfèreront utiliser la photogrammétrie pour obtenir une modélisation plus précise d’un environnement, d’une usine ou d’une de ses salles.
L’éditeur imagine par ailleurs la possibilité de rapprocher cette solution de son offre de field service. Pour rappel, l’entreprise a acquis ServiceMax pour 1,5 milliard de dollars en janvier dernier. Jim Heppelman, le PDG de PTC, a profité du keynote principal pour rappeler les enjeux de sa stratégie SaaS et la complémentarité de ses offres CAO (Creo), PLM (Windchill), IIoT (ThingWorx et Kepware) et Service Lifecycle Management (ServiceMax).
PTC explore les usages de l’IA générative
Dans le reste de l’industrie logicielle, l’IA générative envahit les feuilles de route. Bien que cela semble moins évident au vu de son activité, PTC n’oublie pas d’en explorer les usages. « Nous travaillons activement pour ajouter des fonctions liées à un agent conversationnel dans ServiceMax, Codebeamer ou encore. Windchill », évoque Steve Dertien. Une application de type ChatGPT pourrait jouer le rôle d’interface d’une base de connaissances. Il s’agit pour les dirigeants de PTC de favoriser l’adoption de ses outils et de faciliter la recherche dans sa documentation foisonnante.
Steve Dertien prévient toutefois qu’il y a peu de chance que l’IA générative serve à créer des modèles de pièces en quelques lignes de texte. « Il est peu probable que les ingénieurs génèrent des modèles 3D en langage naturel. La création de modèles CAO avec Creo repose sur des paramètres spécifiques », explique le CTO. « Quant aux outils de génération d’images, ils peuvent tout au plus produire des formes simples ».
« Il faut aussi distinguer l’IA générative du design génératif », ajoute-t-il. En effet, le second concept pris en charge par l’offre CAO de PTC permet d’assister la création de pièces à l’aide d’algorithmes dont le rôle est de trouver la meilleure forme suivant des contraintes et des paramètres imposés.