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Workday veut doubler de taille en France

L’éditeur américain d’ERP financier et de SIRH a fait de la France un pays prioritaire dans son « expansion internationale sélective ». Malgré le contexte incertain, Wokday table sur une croissance de 30 % par an de sa filiale sur 3 ans.

Workday, l’éditeur de SIRH et d’outils de gestion comptable (Core Finance, planification dynamique, analytique, etc.) a fait de la France un des quatre pays clefs de son expansion internationale sélective au côté du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Australie.

« Ce n’est pas tous les jours que la France fait partie des investissements prioritaires d’un éditeur américain. Cela mérite d’être souligné », se félicite Hubert Cotté, DG de la filiale qui aura la responsabilité de concrétiser les ambitions de l’éditeur dans le pays. « Nous avons bien sûr des ambitions de croissance très forte, plus forte que la croissance globale de Workday », partage-t-il. « C’est la contrepartie quand on est un pays prioritaire ».

L’ERP moderne pour passer les crises

La tâche ne sera pas forcément aisée. Le contexte économique incertain et les situations géopolitiques tendues (guerre en Ukraine, début de campagne électorale aux États-Unis, resserrement des taux de la FED et de la BCE, vues de la Chine sur Taiwan et risque de conflits en APAC, bisbilles franco-allemandes à Bruxelles, inflations, etc.) pourraient rendre les clients frileux et par ricochet contracter les budgets IT.

« L’impact grandissant de l’IA et “la GPTisation du SI” vont accélérer la réflexion des entreprises. »
Hubert CottéWorkday France

Ce n’est pas ce que constatent Hubert Cotté et Pierre Gousset (VP Presales EMEA) qui, tout comme leur confrère Olivier Nollent chez SAP, soulignent au contraire l’opportunité que représente ce monde instable pour l’« ERP moderne ». L’incertitude pousserait, plus que jamais, les entreprises à faire leurs transformations numériques.

« Les RH et la finance sont au cœur des crises successives que les entreprises ont dû traverser, avec un mouvement de convergence où les deux doivent travailler main dans la main », estime Pierre Gousset. « Et nous, cela nous va très bien », sourit-il.

« Nous n’avons pas de signaux objectifs de ralentissement des projets. Nous n’avons pas d’indicateurs qui nous inciteraient au pessimisme », ajoute Hubert Cotté qui constate néanmoins que « les clients sont beaucoup plus regardants sur la construction des “business cases”. […] Je ne parlerais donc pas de frilosité : je dirais plutôt qu’ils portent une attention particulière aux investissements de transformation ».

Pierre Gousset ne voit pas non plus de coupes drastiques sur les budgets IT. « En revanche, nous voyons une attention accrue à l’optimisation des coûts », confirme-t-il.

Mieux, « l’impact grandissant de l’IA [dans l’ERP], et “la GPTisation du SI” vont accélérer la réflexion des entreprises », prédit Hubert Cotté. Pourquoi ? « Parce que les clients vont réaliser que l’impact de ces technologies sera beaucoup plus fort sur des plateformes modernes et unifiées », vante-t-il.

Le DG d’origine Normande reste néanmoins mesuré. « Nous restons attentifs. Prudents et humbles… Mais optimistes ».

La Finance, nouveau fer de lance de Workday

En 2022, Workday a dépassé la barre symbolique des 2 000 clients européens (il en compte 10 000 en tout). Si sa progression reste tirée par le SIRH – dont le Talent Management – la partie finance est également devenue un moteur stratégique.

Dans le monde, Workday revendique aujourd’hui 1 550 clients sur ses offres comptables (dont 70 % sont en production). Ce chiffre a triplé depuis 2018. Et il a doublé en deux ans et demi en Europe. Signe que sa stratégie de diversification avec ce nouveau fer de lance, dans la continuité de la planification dynamique, semble fonctionner.

« Les grandes DSI se posent de plus en plus la question d’une approche “best of breed”, avec un Core Finance plus agile, quitte à compléter de manière plus diversifiée pour la supply chain, la production, etc. »
Hubert CottéWorkday France

L’éditeur ne ventile pas ses revenus par pays. Mais ses porte-parole partagent quelques chiffres. La France a ainsi augmenté ses effectifs de 30 % sur l’année, et si l’éditeur s’appuie sur une forte base installée dans les ETI (un fait lié à la structure même du tissu économique local), il est désormais présent chez 30 % du CAC 40 (essentiellement sur la brique RH), confie Hubert Cotté.

Côté Finance, Workday France a signé de « nouveaux logos ». Les perspectives seraient également prometteuses. « Depuis que je suis chez Workday, notre pipeline Finance à 18 mois n’a jamais été à un niveau aussi haut », assure le DG. « Les réflexions s’accélèrent sur le “futur of ERP” ».

Les DAF s’intéresseraient aussi beaucoup plus à la performance extra financière, en passe de devenir un élément à part entière de la valorisation des entreprises. Ils rechercheraient donc un outillage qui permette de l’évaluer et de l’auditer plus objectivement.

Reste que, pour l’instant, si Workday est leader du SIRH, il est encore un challenger dans la Finance, en particulier dans les grands groupes. « La pénétration dans le CAC 40 passera certainement par des phases intermédiaires, comme l’équipement de filiales », entrevoit Hubert Cotté. « Les grandes DSI se demandent comment elles vont gérer leurs back offices de manière générale. De plus en plus se posent la question d’une approche “best of breed”, avec un Core Finance plus agile, quitte à compléter de manière plus diversifiée pour la supply chain, la production, etc. ».

Trois inflexions stratégiques chez Workday

Plus largement, Workday a initié trois « inflexions stratégiques ».

La première est l’ouverture au cloud public. Historiquement, l’éditeur gérait ses propres data centers. Désormais, il s’appuie sur AWS et GCP. « C’est un virage important. C’est maintenant une approche par défaut », souligne Pierre Gousset. Ce virage serait une réponse aux demandes de clients qui veulent « un choix plus flexible pour des besoins soit de souveraineté de données soit de logique de zéro downtime ».

« [Extend] donne une autre dimension à Workday au sein des SI des entreprises. »
Pierre GoussetWorkday

Deuxième inflexion : « l’extensibilité ». Lancé il y a 18 mois, ce PaaS – baptisé Workday Extend – aurait permis de développer un millier de « petites applications en s’appuyant sur Workday pour satisfaire des besoins spécifiques », synthétise Pierre Gousset. « C’est quelque chose que l’on voit beaucoup et qui donne une autre dimension à Workday au sein des SI des entreprises ».

En France en particulier, Hubert Cotté aurait beaucoup de discussions sur Extend. « Oui, ça prend », assure-t-il au MagIT. « Nous avons notre place dans cette logique de PaaS », insiste-t-il. « Extend nourrit des use cases intéressants. C’est très prometteur ».

Troisième évolution : la verticalisation et l’interconnectivité avec des « Industry Accelerators ». Pierre Gousset les résume comme étant « une approche partenariale avec notre écosystème pour fournir des connecteurs avec des offres tierces de façon à offrir des solutions de bout en bout à nos clients ».

Ces trois évolutions devraient aider les deux décideurs à tenir les objectifs fixés à la filiale par la maison mère et son nouveau PDG, Carl Eschenbach. À savoir : étendre la présence de Workday chez ses clients, s’imposer dans la finance et, surtout, « croître à [un rythme de] 30 % par an sur les trois années qui viennent. A minima », confie Hubert Cotté. Autrement dit, doubler ses revenus en France.

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