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EasyVista accélère hors de l’ITSM, mais en restant « loyal à l’IT »
EasyVista vise une nouvelle poussée de croissance avec des acquisitions et la diversification de son offre. Mais l’éditeur français refuse d’être dans l’imitation de certains concurrents et de se « dénaturer ». L’IT reste donc son premier interlocuteur.
En 2020, la société d’investissement Eurazeo prenait 67 % du capital de l’éditeur français EasyVista, acteur historique de l’ITSM. Cette étape a amorcé de profonds changements particulièrement tangibles depuis 2022.
« 2022 est la première année de la transformation d’EasyVista », confirme Patrice Barbedette qui a pris les rênes de la société en mai 2022. L’ambition a changé, souligne-t-il. Auparavant, l’éditeur pouvait revendiquer le statut de « belle société française » à la trajectoire « stable et linéaire. » Ses nouveaux actionnaires et ses dirigeants ont décidé d’accélérer.
Plusieurs millions d’euros pour de nouveaux rachats
« L’objectif est de doubler notre chiffre d’affaires à l’horizon 2025/2026 et d’atteindre plus de 20 % d’EBITDA », détaille le CEO et président. Pour y parvenir, EasyVista actionne deux leviers principaux : la croissance externe et l’accélération de la croissance organique « via de la transformation et par le biais d’acquisitions. »
En 2022, l’éditeur a ainsi concrétisé trois rachats, avec à la clé un « fort élargissement de la capacité fonctionnelle. » Historique de l’ITSM, EasyVista déborde à présent largement hors de ce périmètre. Et en 2023, il est bien décidé à poursuivre sur cette lancée, avec de nouvelles opérations, mais aussi des développements internes accélérés grâce à des « investissements produit assez importants. »
L’éditeur fonctionnait jusqu’à présent sur des mises à jour annuelles. Il a basculé sur des livraisons trimestrielles pour revendiquer « plus de vélocité dans l’innovation. » Sur le volet croissance externe, « nous allons sans doute réaliser de nouvelles acquisitions », promet le dirigeant. Pour en déterminer les caractéristiques, EasyVista s’appuiera sur son expérience et ses objectifs prioritaires.
Avec un rachat aux États-Unis, le Français visait un renforcement de « son empreinte aux US », lui permettant de réaliser à présent un peu plus de 30 % de son CA sur ce marché. Quels seront les critères des futures transactions ? « Nos trois premières opérations nous ont permis d’apprendre sur la taille cible », commente Patrice Barbedette. « Nous allons plutôt désormais être sur des acquisitions d’une taille raisonnable […] Pas le même niveau de chiffre d’affaires que nous [Ndlr : plus de 50 M€], mais de l’ordre de plusieurs millions d’euros », précise-t-il.
Le PDG concède cependant que dans le domaine des acquisitions, des dérogations aux règles définies ne sont jamais exclues « si une opportunité est belle. »
EasyVista parie sur le Green IT
« Make, partner or buy » [Ndlr : faire, conclure un accord ou racheter], EasyVista a choisi de manier les trois. Et plusieurs domaines logiciels intéressent aujourd’hui l’acteur français en raison de leur dynamique. Patrice Barbedette en identifie deux « très forts ».
Le premier, c’est « tout ce que le cloud et le volume de données nécessitent » au niveau des infrastructures. « On a de plus en plus besoin de maintenance prédictive ». Pour livrer des offres dans ce domaine, EasyVista s’appuie sur son Lab IA, en charge du développement de modèles orientés sur la supervision des postes (utilisateurs finaux et d’infrastructure) pour garantir disponibilité et performance.
L’expérience utilisateur constitue un autre centre d’intérêt. « Tous les aspects de XLA, l’experience level agreement » sont dans le viseur de l’éditeur. L’objectif ici : « donner des solutions aux directions IT en leur permettant de prédire la perception d’un utilisateur sur ses usages et ses outils avant même qu’il ne soit confronté à un évènement. »
Le CEO a un troisième thème à cœur et dont il observe le développement : le Green IT. « C’est un pari que nous faisons, mais je suis certain que c’est un pari gagnant », juge-t-il en justifiant son analyse par les demandes croissantes adressées à la DSI concernant le contrôle de l’empreinte carbone de l’IT.
« Aujourd’hui, les directions informatiques ont beaucoup de données, mais elles ne savent pas les exploiter », tranche-t-il. EasyVista travaille donc sur le sujet. « Nous avons apporté de premières réponses et d’autres arrivent en 2023, notamment pour aider l’IT à gérer ses flottes en les optimisant plutôt qu’en renouvelant indifféremment. »
Le terminal sera la priorité, il représente en effet le premier poste d’émissions. « Sur le Green IT, nous cherchons à aider les directions informatiques à gérer ces assets et les collaborateurs dans leur utilisation de la data » détaille le CEO. Suivi des performances et recommandations sont donc au programme.
De l’IA embarquée à différents niveaux
L’éditeur entend aussi mobiliser l’IA, décrite comme une « couche transverse » permettant de couvrir un large spectre allant de l’infrastructure jusqu’à l’utilisateur final. L’intelligence artificielle doit par exemple participer à l’auto-dépannage, notamment via un bot.
« Beaucoup de nos clients utilisent nos chatbots et nombre de tickets, 60 à 70 %, vont être gérés par l’utilisateur lui-même. » Ces mécanismes de suggestion (ou self-healing), EasyVista prévoit de les appliquer à d’autres cas d’usage, y compris sur le Green.
L’éditeur français a en tout cas étoffé ses moyens dans le domaine de l’IA. Chacune de ses acquisitions disposait de ce type de ressources. « L’une des transformations que nous avons faites en 2022 a été de rassembler ces différents pôles IA en un seul pour mutualiser les éléments de recherche. » Ces compétences alimenteront les solutions actuelles et elles pourront aboutir à de nouvelles offres.
EasyVista a par ailleurs déjà largement débordé du seul champ de l’ITSM pour aller vers l’Enterprise Service Management. « L’idée est de couvrir tous les cas d’usage métiers : RH, finance, marketing. Un de nos clients opérateur télécom utilise notre solution pour gérer tous les nouveaux abonnements. Notre portail intervient ainsi pour l’émission des cartes SIM et notamment e-SIM », illustre Patrice Barbedette.
Cette stratégie peut-elle amener EasyVista jusqu’à un segment comme le Field Service Management (FSM) ? « C’est la direction dans laquelle nous allons. Il faut cependant rester pertinent. Aujourd’hui, nous n’avons pas la capacité d’aider un client à définir sa tournée. C’est de la planification sous contraintes, que nous ne maîtrisons pas. »
« En revanche, nous pourrions imaginer de construire un portail pour les agents et qui se connecterait à une véritable solution FSM. On offrirait ainsi à l’agent un portail unique l’aidant dans sa tournée, tout en mettant à sa disposition un ensemble de services dont il pourrait avoir besoin. »
EasyVista ne veut pas imiter ses concurrents et perdre son ADN
EasyVista n’est donc plus rivé à l’IT, mais il se veut toujours et résolument au service exclusif des départements informatiques. Pas question, par exemple, exclut son PDG, de démarcher en direct les métiers.
« Notre conviction, notre ADN, c’est de travailler avec les directions informatiques et de les aider à répondre aux directions métiers. Nous n’allons pas les contourner. Notre accès aux entreprises continue de se faire par leur intermédiaire », insiste-t-il.
Certains rivaux, nés dans l’ITSM eux aussi, ont pourtant déjà quitté le sillon de la DSI. « À l’inverse de certains de nos concurrents, nous n’allons pas nous dénaturer. Je crois à l’ADN et le nôtre est celui de la direction informatique. Nous le conservons. »
Néanmoins, sa marque de fabrique ne l’empêche pas de répondre, via la DSI donc, à des besoins très métiers. Au contraire. La pandémie, juge le PDG, aurait largement bénéficié aux directions IT en la « replaçant au centre du jeu. » Sur le télétravail, par exemple, le sujet n’est plus seulement celui des RH.
« Notre métier, c’est d’aider la direction informatique à opérer cette transformation et à en gérer la complexité (…) Nous n’allons pas imiter nos concurrents (…) Loyauté à l’IT », martèle Patrice Barbedette.
Dans l’IT justement, une acquisition a ouvert les portes de la gestion des infrastructures et du datacenter à EasyVista qui peut désormais s’adresser la population des « patrons de la production. »
Roadmap « ambitieuse » et écosystème partenaires
Grâce à cette transformation en cours, EasyVista vise en 2023 une croissance de son chiffre d’affaires comprise entre 20 et 25 %. Aujourd’hui, les revenus de ses abonnements se répartissent entre SaaS (60 %) et on-premise. Le SaaS représente toutefois l’essentiel des nouveaux contrats (90 %) signés.
En matière de cloud, l’entreprise revendique une approche souveraine via la qualification SecNumCloud et un partenariat avec Outscale sur l’hébergement.
Outre la hausse des revenus, 2023 sera consacrée à la poursuite du déploiement de la stratégie customer-centric, en particulier via l’amélioration de l’expérience client – au travers d’un module de mesure de celle-ci ou l’évolution de l’UX des logiciels.
EasyVista revendique également une feuille de route « très ambitieuse ». Ces développements seraient « nécessaires pour permettre à la société de continuer à progresser. »
En 2023, l’éditeur mettra en outre l’accent sur l’écosystème de partenaires. Il dispose déjà « d’un beau réseau », qu’il entend faire encore croître, notamment pour former aux nouvelles solutions de son portefeuille applicatif.
L’ambition est de « mettre les partenaires en premiers fournisseurs du déploiement de nos solutions de façon à ce que nos consultants internes se consacrent plus à de l’expertise de niveau 2 et 3 », résume le PDG. « En 2022, nous avons travaillé sur l’interne [N.D.L.R. : avec l’installation d’un customer office notamment]. En 2023, nous complétons avec l’écosystème de partenaires qui apportera de la compétence supplémentaire ».