Getty Images/iStockphoto
Le calcul quantique au service du médicament
Spin-off de plusieurs universités, Qubit Pharmaceuticals travaille à prédire de manière exacte la manière dont vont interagir les molécules pharmaceutiques. À la clé, l’ambition de développer des molécules candidates qui pourront ensuite être proposées sous licence à l’industrie du médicament.
Qubit Pharmaceuticals (ou Qubit Pharma) est un spin-off de plusieurs universités : deux universités aux États-Unis, Sorbonne Université en France. La technologie qui a permis la création de Qubit Pharma est un moteur de simulation de molécules, qui sert à prédire de manière exacte comment des molécules vont interagir et donc comment les chimistes, lors de la conception de leur médicament, vont valider, optimiser des candidats, tester toutes leurs hypothèses de la même manière qu’un Catia ou un SolidWorks permet à des ingénieurs de concevoir des ponts ou des avions sans devoir passer par des maquettes ou des souffleries.
Des applications anciennes qui manquaient de puissance
Ces applications ne sont pas nouvelles, la société Schrodinger fournit depuis les années 90 des logiciels pour la découverte de médicaments pour l’industrie biopharmaceutique. Ces sociétés disposent de modèles physiques qu’elles ont dû simplifier pour être compatibles avec les puissances de calcul de l’époque.
La conséquence pour les logiciels est qu’il a fallu les adapter et les enrichir de données expérimentales issues de modèles physiques afin de travailler sur certains types de cibles. Ultiliser aujourd’hui ces logiciels pour des cibles telles que certaines protéases ou des enzymes simples, cela fonctionne plutôt bien… Avec un bémol : il est nécessaire de leur donner beaucoup de données expérimentales.
Par contre, sur un brin d’ARN dysfonctionnel et cause d’une maladie, ces logiciels retournent des données fausses parce qu’ils ne disposent pas de suffisamment de données physiques pour simuler le comportement de ces molécules : « c’est ce que permet notre moteur, à savoir pouvoir travailler sur n’importe quel type de molécule, de la plus simple à la plus complexe, et donc d’ouvrir le champ de l’application à la découverte de médicaments assistée par ordinateur à ces nouvelles cibles qui sont responsables de maladies comme différents cancers », explique Robert Marino, CEO de Qubit Pharma.
Pas de rupture brutale
Ce sont les années 2010 qui ont permis une accélération massive de ces calculs. Grâce à elle, ce qui se faisait en deux ans dans les années 90 est réalisé en quelques heures désormais avec des émulateurs classiques à base de GPU.
La prochaine étape est de continuer à améliorer les performances en utilisant les ordinateurs quantiques quand ils seront prêts. Mais il ne s’agira pas d’une rupture brutale du jour au lendemain, où l’on passerait du calcul classique à 100 % à du calcul quantique à 100 %.
L’ordinateur quantique ne sera pas meilleur sur la plupart des phases du traitement de données que l’ordinateur classique.
Pendant les 20 prochaines années, les simulateurs spécifiques nécessaires ne seront pas disponibles, par conséquent il faudra plusieurs machines quantiques pour faire différents types de calculs. La question, aujourd’hui, consiste à identifier la meilleure plateforme pour résoudre un problème donné qui est imparfaitement traité par les émulateurs actuels.
Mais il faut faire tellement de calcul que c’est trop cher ou un désastre d’un point de vue écologique. Par contre, ces calculs sont massivement parallélisés et un ordinateur quantique est intrinsèquement parallèle.
Qubit Pharmaceuticals laisse les fabricants développer leurs simulateurs et, en attendant, développe le logiciel pour être prêt dès que les machines seront mises en production : « nous développons notre propre calculateur classique à base de GPU et de CPU. Il comporte 200 GPU Nvidia (DGXA100 et cartes A30, toutes interconnectées). Nous collaborons en partenariat avec les sociétés qui développent le hardware pour être au plus proche de la machine. Sur ce point, Atos a un très bon simulateur », précise Robert Marino.
Émuler des ordinateurs quantiques sur des supercalculateurs classiques – ce que fait Qubit Pharma, notamment grâce au partenariat avec Nvidia – permet de tester, voire même de produire certains calculs avec un très grand nombre de qubits, sans avoir besoin d’accès au hardware (qui est extrêmement difficile à maîtriser). Or le calcul quantique ne fonctionnera que s’il existe un langage simple, ce qu’ont d’ailleurs compris AWS et Google.
Des protocoles de correction d’erreurs propres aux simulateurs
Au niveau du bruit, hantise des physiciens quantiques, chaque ordinateur quantique va développer ses codes de correction d’erreurs. En fonction des résultats, de la vitesse, du nombre de qubits, Qubit Pharma choisira le hardware le plus adapté.
« Notre modèle économique n’est pas de vendre du logiciel ou du service autour de l’informatique quantique. Notre business model est de développer des candidats médicaments et de les proposer aux entreprises pharmaceutiques sous licence, pour qu’ils puissent entreprendre les phases de test précliniques et cliniques », dévoile Robert Marino. Actuellement, la startup mène un projet pour développer certains algorithmes avec Pasqual qui fonctionneraient avec leur machine.