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Data Management : les éditeurs ciblent eux aussi les opérateurs télécoms
Lors du Mobile World Congress 2023, les équipementiers et les spécialistes de l’infrastructure n’étaient pas les seuls à cibler les opérateurs télécoms. Google Cloud, Snowflake et Salesforce ont tous trois profité de la grand-messe de Barcelone pour présenter des solutions censées répondre aux besoins de ces acteurs.
Google Cloud opère une double stratégie. Il a annoncé la disponibilité d’une préversion privée de Telecom Network Automation, qui « automatise le déploiement et la gestion de l’infrastructure en cloud et des fonctions de réseau de la 5G ».
Il s’agit d’une version managée de Nephio, un projet lancé au sein de la Fondation Linux en avril 2022.
Supporté par un grand nombre d’acteurs dont TIM, Orange, Virgin Media O2, Casa-Systems, Nokia, Intel, VMware ou encore Ericsson, Nephio est une couche fondée sur les intentions et déclarative d’orchestration de gestion de fonctions réseau, d’application edge, et de l’infrastructure sous-jacente établie sur Kubernetes, les KRM (Kubernetes Resource Models) et les CRD (Custom Resource Definitions).
Le cas d’usage le plus probant semble être l’automatisation de la configuration de clusters Kubernetes et le déploiement de charges de travail conteneurisées en Edge, indépendamment de la déclinaison de Kubernetes ou de l’infrastructure sous-jacente.
Quoi qu’en dise Google Cloud, le projet demeure particulièrement jeune et n’est réellement porté publiquement que par cinq contributeurs qui agissent sur le code dans les dépôts GitHub. D’autant que la disponibilité de la première version de Nephio n’est planifiée que pour le premier semestre 2023.
Telecom Data Fabric : Google veut unifier les données des réseaux et des clients
En revanche, la préversion de Telecom Data Fabric, qui pourra intégrer les données en provenance de Telecom Network Automation, semble beaucoup plus tangible. Il s’agit concrètement d’une déclinaison de l’offre combinant BigQuery, Omni, les services d’IA Vertex et la couche de gouvernance et sémantique Dataplex.
L’idée de Google avec Telecom Data Fabric est d’apporter des moyens d’ingérer, de normaliser, de corréler et d’unifier des données en provenance de multiples sources (réseaux, CRM) de manière automatique, à l’aide d’un modèle multidomaine. Google entend proposer ce qu’il nomme des adaptateurs et des modèles de données spécifiques au monde des telcos, sans forcément en préciser la nature. En substance, il s’agit de faire de la plateforme analytique de Google le control plane des data planes déployés sur site (via Anthos ou en cloud privé) et sur Google Cloud.
Quant aux cas d’usage, GCP les a définis suivant les retours de ses clients existants, dont BT, Deutsche Telekom, Elisa, ou encore Vodafone.
GCP prétend que Telecom Data Fabric permettra « la mise en œuvre d’un grand nombre d’applications tierces, telles que l’analyse prédictive, l’exploitation de réseaux, la planification de réseaux optimisés en fonction des données, la gestion améliorée de l’expérience client, les économies d’énergie, etc. ».
Mais Google Cloud est loin d’être le seul sur le créneau. Il devra faire face à un coopétiteur de plus en plus présent dans son champ d’action : Snowflake.
Snowflake met en avant sa plateforme d’échange de données
Une semaine avant le MWC, le spécialiste du data warehousing a présenté son cinquième vertical nommé Telecom Data Cloud.
Sur le papier, la solution est très proche de celle de GCP. L’offre propose des outils pour unifier les données, des moyens de rapprocher les différentes équipes, ou encore des capacités d’analyses augmentées, en sus de la compatibilité avec les solutions d’analyse de différents partenaires. Comme à son habitude, Snowflake entend se différencier avec sa place de marché d’échange et de vente de données.
« Les solutions sectorielles existent depuis des décennies dans le monde de la gestion de données et de la data science, mais la place de marché et d’échange de données en cloud de Snowflake constitue un facteur de différenciation par rapport à de nombreux fournisseurs », note Doug Henschen, analyste chez Constellation Research, auprès de nos confrères de Techtarget [propriétaire du MagIT]. « C’est quelque chose qui plaît dans tous les secteurs ».
D’ailleurs, Snowflake compte favoriser ces échanges de données intersecteurs.
« Au fur et à mesure que nous développons des offres verticalisées, nous essayons de créer des complémentarités », avance Phil Kippen, Global head of Telecommunications chez Snowflake. « Nous constatons qu’un certain nombre d’industries fonctionnent bien ensemble. Nous allons cibler d’autres secteurs, mais pas dans le seul but de lancer une nouvelle offre. Nous le faisons, car nous pensons qu’il y a de la valeur lorsque les membres de ces différents secteurs commencent à collaborer ».
Selon Doug Henschen, Snowflake met davantage en avant cet atout ainsi que ses partenaires du domaine analytique, puisque l’éditeur conserve un certain retard sur ses concurrents. Attendu de longue date, le support de Python n’est entré en préversion publique qu’en juin 2022, via la bibliothèque d’API Snowpark.
« Snowpark demeure relativement jeune, et Snowflake s’appuie principalement sur des partenaires pour les traitements analytiques les plus avancés », signale Doug Henschen. « Qui plus est, Snowflake peut être une plateforme coûteuse au moment de gérer l’ingénierie des données à grande échelle », ajoute-t-il.
Cela ne freinerait pas les opérateurs télécoms, selon Phil Kippen, qui perçoit un intérêt pour l’offre Telecom Data Cloud aux États-Unis et en Europe.
« Nous constatons un intérêt croissant de la part des clients européens pour le Telecom Data Cloud de Snowflake, et nous travaillons avec nos GSI pour créer de nouvelles opportunités dans la région EMEA », assure-t-il auprès du MagIT. « Au total, nous avons plus de 50 clients opérateurs télécoms, tels que AT&T, Telenet et Three UK ».
Des processus commerciaux à optimiser
Pour autant, malgré la volonté de convaincre les opérateurs de se tourner vers leurs solutions pour couvrir de nouveaux usages et traiter les données techniques relatives à la 5G, les opérateurs cherchent avant tout à mieux gérer les données clients, à accélérer le traitement des données financières ainsi qu’à moderniser les processus de détection de fraudes et l’expérience client.
C’est le cas de l’opérateur singapourien M1 et du Britannique Giffgaff. Ces deux clients de Snowflake ont choisi cette plateforme pour accélérer la livraison des rapports BI et améliorer le suivi des dossiers. Orange France utilise BigQuery et Vertex couplés à Dataiku pour optimiser la détection de la fraude ou encore prévoir le volume d’appels que recevront ses centres de contact externalisés.
C’est sur cette vision opérationnelle que se concentre Salesforce. Le géant du CRM a présenté Contact Center for Communication, une suite de fonctionnalités complémentaires à son offre de centre de contacts. Outre une interface améliorée, la solution permet d’afficher les interactions avec les clients et les données associées sur « timeline », de manière chronologique. Action Launcher, lui, doit permettre aux administrateurs de proposer des flux de travail à lancer en un clic, par exemple pour modifier une adresse ou confirmer un changement de forfait mobile. En outre, la solution dispose d’un mécanisme de vérification d’identité ainsi que des flux de travail prébâtis pour modifier les données personnelles des clients. À cela, Salesforce ajoute des workflows pour vérifier la disponibilité d’une offre et l’éligibilité d’un client suivant son contrat, sa localité et ses équipements.
Concernant le suivi de commande, à travers CRM Analytics (Tableau), Salesforce propose un modèle préentraîné de prévision, pour recommander des dates d’intervention. Un autre modèle détecte les facteurs qui pourraient ralentir la livraison d’une commande ou le bon déroulement d’une installation et effectue des recommandations aux conseillers en fonction des informations disponibles.
En outre, l’extension payante Einstein Conversation Insights doit permettre aux centres de contacts d’identifier les sujets d’un appel et les problèmes rencontrés par les clients à l’aide d’un modèle NLP. Enfin, Salesforce annonce un partenariat stratégique avec WhatsApp afin de simplifier l’intégration de la suite CRM avec la messagerie instantanée.
Reste à savoir si les opérateurs télécoms sont prêts à payer pour les fonctionnalités supplémentaires proposées par ces éditeurs et si elles répondent réellement à leurs besoins spécifiques, quand ils ne les ont pas développés eux-mêmes.