Au salon de l’agriculture, Copernicus a fait des émules
Lors du salon de l’agriculture, plusieurs startups françaises ont montré leur plateforme analytique adressée à la filière agricole. Elles exploitent les données géospatiales et les images satellites en provenance du programme Copernicus.
L’association la ferme digitale est installée en plein cœur du salon de l’agriculture depuis 2017. Cette année, son emplacement était divisé en deux zones : l’une était consacrée aux biotechnologies, l’autre aux équipements IoT et aux logiciels. Outre la présence de Salesforce, et le fait que le géant du CRM arrive à convaincre les coopératives, il faut surtout noter la présence grandissante des spécialistes de l’analyse d’images satellites.
L’engouement pour le traitement des données satellites n’est pas récent, loin de là, mais il prend un nouvel essor depuis la disponibilité des jeux de données en provenance du programme de l’Union européenne Copernicus.
Auparavant nommé GMES (Global Monitoring for Environnement and Security), Copernicus s’appuie sur les ressources de la Commission européenne et de l’Agence Spatiale Européenne pour collecter des données terrestres issues de huit satellites lancés à travers six missions Sentinel entre 2014 et 2020.
Sentinel 2 : un atout de taille pour la recherche agronomique… et les startups
Justement, les responsables du projet étaient présents pour la première fois au salon de l’agriculture. Si l’objectif était avant tout d’expliquer les tenants et les aboutissants du programme aux nombreux visiteurs du salon, ils en ont profité pour présenter dans le détail le portfolio de données destiné aux agriculteurs, aux coopératives, aux grands groupes, aux administrations ou aux startups.
Les responsables du programme Copernicus rappellent que les données ainsi collectées peuvent servir dans « la gestion des exploitations, l’irrigation, la cartographie saisonnière des rendements et des cultures, ou le contrôle des subventions ».
Plus précisément, c’est la constellation Sentinel 2 qui intéresse le secteur agroalimentaire. Les satellites qui la composent sont équipés de capteurs à haute résolution spatiale comprise entre 10 et 60 mètres. Ainsi, une image prise par un de ces satellites s’étale sur une largeur de 290 kilomètres. Les 13 bandes spectrales (4 bandes à 10 mètres, 6 à 20 mètres et 3 à 60 mètres) servent, elles, à décliner les images suivant différents spectres de la lumière visible et proche infrarouge, ainsi qu’à apporter des corrections en fonction de la couverture nuageuse.
Cela permet, entre autres, de calculer l’indice de végétation par différence normalisée, nécessaire à l’analyse de la quantité de la végétation et de sa santé. Selon le programme Copernicus, il s’agit, par exemple, d’estimer la concentration et l’état de l’azote dans le sol. Une culture dont une portion apparaît en rouge sur une image satellite ainsi traitée indique un manque d’azote. L’exploitant peut alors décider – dans le cadre d’une agriculture conventionnelle – d’apporter des intrants dans la zone indiquée pour s’assurer la croissance de la plante.
Les données issues des bandes spectrales peuvent aussi alerter d’un manque d’irrigation ou d’une surexploitation des sols. En outre, les informations extraites des prises d’images de Sentinel 2 peuvent être combinées avec des données GPS en provenance de Galileo, entre autres.
Surtout, le flux d’images est très régulier : Sentinel 2 envoie ses photos en moyenne tous les cinq jours.
L’accès à ces données est gratuit et ouvert. C’est ce qui explique largement l’émergence de plusieurs startups présentes lors du salon de l’agriculture.
LeMagIT a déjà présenté Kermap et sa plateforme Nimbo capable de surveiller en « quasi-temps réel » l’évolution des surfaces agricoles pour le compte des géants de l’agroalimentaire et de l’administration dans 20 pays différents. Ceux-là veulent s’assurer que les exploitants agricoles respectent leurs engagements environnementaux et vérifier l’entretien et la pousse d’une trentaine de classes de cultures. L’entreprise est déjà sollicitée par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Nestlé et McCain via la fondation Earthworm, Eau de Paris, Kynetec ou encore MyEasyFarm.
De son côté, Geowatch Labs, incubée à station F, est une startup qui collecte et transforme les données d’observation de la terre (images satellites, données météo, pratiques agricoles, géospatiales, etc.) afin de créer des produits de données. Ceux-là permettent d’avoir des visions macro, par exemple l’état des cultures rizières dans un pays spécifique, mais aussi détecter les (grandes) cultures, leurs émergences – à savoir le moment où les images satellites permettent d’identifier la sortie d’une semence de terre – ou encore de prévoir des rendements parcellaires. Les analyses de Geowatch Labs couvrent 1 million de km² dans 14 pays sur tous les continents. Ses clients sont principalement les autorités publiques et quelques entreprises.
Kermap et Geowatch Labs s’intéressent aussi au sujet plus vaste de l’observation de la terre. Dans ce cadre, leur rôle est d’analyser les risques climatiques ou de distinguer des zones, agraires ou non, où une adaptation des cultures et des environnements influencés par l’activité humaine semble nécessaire.
Le cas Hyperplan
Cette année, la ferme digitale accueillait également Hyperplan. Cette startup s’est montée il y a un an et demi et a convaincu cinq grands clients, des coopératives, des semenciers ou des institutions financières actives sur les bourses céréalières. Sur le même principe, l’exploitation des données en provenance de Copernicus, plus particulièrement des données de Sentinel 1 et Sentinel 2, Hyperplan surveille la production autour des coopératives. « Nous avons déterminé que nos clients reçoivent les récoltes en provenance de 85 à 90 % des terres proches de leurs silos », explique Rémi Banquet, directeur du développement commercial chez Hyperplan.
Hyperplan ne se présente pas comme un fournisseur de données ou un spécialiste de l’analyse de données géospatiales, mais l’éditeur d’une plateforme opérationnelle de suivi des cultures pour les coopératives et les semenciers. À l’aide d’images satellites, de données GPS et d’informations météorologiques, Hyperplan essaye d’identifier les cultures (aujourd’hui 20 classes, et bientôt 70), permet aux coopératives d’y associer un exploitant, et tente de prédire quand un champ sera prêt à être récolté.
Outre un moyen de suivi des parcelles clairement identifiées, la plateforme permet d’identifier des champs – et donc des agriculteurs – qui ne seraient pas associés à une coopérative. De leur côté, les semenciers s’intéressent à la plateforme pour tenter des exploitants qui ne sont pas encore clients, afin d’adapter leurs offres suivant les cultures. « Nous avons eu des discussions avec des géants de l’agroalimentaire qui n’ont pas de présence dans certains départements et qui souhaiteraient se fournir auprès des coopératives locales », relate Rémi Banquet.
L’outil doit permettre de prévenir quand une culture est à risque, une fonction qui intéresse particulièrement les actionnaires des bourses céréalières. Il permet surtout, comme l’outil de Kermap, de surveiller l’assolement et le rendement des cultures.
L’effervescence autour des données géospatiales
Contrairement à Kermap, sollicité régulièrement par les administrations et les ministères français, Hyperplan, héberge ses données et sa plateforme sur AWS. Hyperplan s’intéresse également aux données en provenance d’une deuxième constellation de satellites, cette fois-ci privée. « Cette troisième source de données de haute résolution spectrale nous permettrait d’obtenir des informations plus fines concernant la santé des plantes, de savoir si les exploitants doivent traiter ou ajouter des intrants dans certaines zones d’un champ, d’affiner nos prévisions, etc. », avance Rémi Banquet.
Pour rappel, les startups ne sont pas les seules à s’intéresser aux données géospatiales. Outre OVHcloud qui a annoncé son intention d’héberger ce type d’informations très volumineuses, AWS a présenté, lors de son événement ReInvent, des fonctionnalités supplémentaires pour traiter ce type de données dans AWS SageMaker. IBM collabore avec la NASA pour exploiter les images satellites et les informations météorologiques à l’aide de modèles de fondation, tandis que MariaDB a racheté en août 2022 CubeWerx pour se positionner sur ce secteur.