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IaaS : « sortir du cloud nous fera économiser 7 millions de dollars » (37signals)
L’éditeur d’environnements collaboratifs en SaaS claque la porte d’AWS et GCP. Les hyperscalers lui auraient facturé en un an 2,3 millions de dollars, pour une infrastructure qui coûterait 840 000 dollars sur site.
« Il est temps de conclure : louer des ordinateurs est (globalement) une mauvaise affaire pour les entreprises de taille moyenne qui ont une croissance stable. Les économies promises concernant la réduction de la complexité ne se sont jamais matérialisées (…) Nous visons à présent une sortie totale du cloud d’ici à cet été. Selon nos calculs, cela devrait nous faire économiser environ 7 millions de dollars de dépenses en serveurs sur cinq ans. » Ces phrases sont tirées de billets de blogs écrits, en octobre et cette semaine, par David Heinemeir Hansson, le directeur technique de 37signals, l’éditeur des plateformes collaboratives Basecamp et Hey.
La sortie du cloud est débattue par les cabinets d’analystes depuis à peu près aussi longtemps qu’ils conseillent les entreprises à propos du cloud hybride, soit environ depuis la fin 2019. Si la crise pandémique, ses confinements et la nécessité d’outils en ligne pour les télétravailleurs ont mis sous le tapis le sujet, force est de constater qu’il s’invite à nouveau dans les stratégies IT.
« Le problème est que, plus les traitements que vous mettez en cloud croissent en taille et en complexité, plus vous avez besoin de support technique. Et cela fait rapidement doubler, voire tripler vos coûts », analyse ainsi Hyoun Park, le PDG du cabinet de conseil Amalgam Insights, lors d’une entrevue avec nos confrères de TechTarget USA, à l’occasion d’un dossier consacré au sujet.
Dans le même article, le cabinet Forrester indique que les raisons de mettre son infrastructure en cloud comprennent une meilleure résilience de l’activité, une meilleure sécurité ou encore l’accès à des services innovants. La conclusion à laquelle serait arrivé 37signals est que, pour une entreprise de taille moyenne, le coût de la mise en place de tels avantages serait contre-productif.
Près d’un tiers des entreprises rapatrient plus de la moitié de leurs traitements
Étude 451 Research
Selon une étude récemment menée par le cabinet 451 Research, 54 % des entreprises interrogées auraient extirpé des traitements et/ou des données du cloud public, au cours de l’année 2022. Parmi ces entreprises, 4 % seraient totalement sorties du cloud public et un quart d’entre elles auraient rapatrié sur site plus de la moitié des actifs qu’elles avaient mis en ligne. Les entreprises qui ont décommissionné moins de 10 % de leurs ressources en cloud public représentent 18 % des répondants.
« Dans la plupart des cas, la raison évoquée est le risque de cybersécurité. Viennent ensuite des préoccupations de localisation et de souveraineté. Le coût direct arrive en quatrième », explique Pedro Schweizer, l’analyste expert en infrastructure chez 451 Research. « Concernant le sujet des coûts, 25 % des entreprises qui en parlent ont observé des dépenses supérieures à 30 % de ce qu’elles avaient prévu et 42 % évoquent des dépenses qui avaient dépassé de 10 à 30 % leurs prévisions. »
D’après 451 Research, les entreprises attribuent les surcoûts dont elles ont souffert à l’absence d’outils d’optimisation, à l’absence de transparence sur les tarifs de la part des hyperscalers et à des pics d’activité impossibles à anticiper.
Sortir du cloud pour économiser 1,5 million de dollars par an
« En ce qui nous concerne, nous avons dépensé 3,2 millions de dollars dans le cloud en 2022, dont près d’un million pour stocker 8 Po de données sur S3, avec une réplication sur plusieurs régions », reprend David Heinemeir Hansson. « Cela signifie que nous avons payé 2,3 millions de dollars pour des serveurs applicatifs, pour des serveurs de cache, pour des serveurs de base de données, pour des serveurs de requêtes. C’est cette dépense cloud là que nous allons ramener à zéro en 2023. Nous verrons pour les 8 Po de données en 2024. »
À la place des ressources IaaS, qui étaient manifestement souscrites chez AWS et GCP, 37signals compte acheter auprès de Dell pour près de 600 000 dollars de serveurs avec processeur Epyc et SSD NVMe dernier cri. « Qu’importe les configurations que nous allons choisir, c’est le prix que nous estimons pour déployer les 2 000 vCPU dont nous aurons besoin dans chacun de nos deux datacenters », dit l’intéressé. Et de préciser qu’un amortissement sur cinq ans reviendrait à un coût de 120 000 dollars par an, tout en sachant que 37signals fait plutôt durer ses équipements sept ans.
Le calcul ne s’arrête pas là. David Heinemeir Hansson prend aussi en compte le coût de l’énergie, de la location de surface au sol et du réseau entre ses deux datacenters, soit 720 000 dollars supplémentaires par an, ce qui porte la facture annuelle globale à 840 000 dollars.
David Heinemeir HanssonDirecteur technique, 37signals
« Comparez cette somme aux 2,3 millions de dollars que nous avons dépensés pour des serveurs en cloud en 2022. Prenez en compte que notre configuration va nous apporter plus de cœurs et de stockage qu’en cloud. Disons que nous allons économiser 1,5 million de dollars par an. Soit 7 millions de dollars sur cinq ans », s’exclame-t-il en majuscules dans son billet de blog.
Dans un autre billet, David Heinemeir Hansson approfondit les motivations qui incitent aujourd’hui 37signals à claquer la porte d’AWS. Il évoque notamment le sentiment latent d’être pris au piège dans le cloud d’Amazon, à savoir être contraint de payer au prix fort pour le moindre test d’une fonction expérimentale, ou encore devoir louer occasionnellement des infrastructures haut de gamme pour le même prix que des équipements physiques qu’il aurait pu acheter. Il donne en exemple l’utilisation de SSD NVMe de grande taille.
Il parle aussi de trahison : rien ne justifierait in fine qu’un éditeur de solutions SaaS mette son infrastructure dans le cloud, contrairement à ce que les hyperscalers martèlent.
« Les coûts ne sont pas qu’une question de résultat ; ils sont aussi une mesure de l’efficacité. Et, en ce qui me concerne, j’ai une aversion nette pour le gaspillage », conclut-il.