À 50 ans, SAP face au défi de sa transformation
Les cinquante premières années de SAP ont été celles de l’ERP, dont le but est de gérer les opérations internes. Mais pour rester leader, les analystes estiment que SAP devra se concentrer sur l’extension de ces fonctionnalités en dehors de l’entreprise.
SAP a fêté ses 50 ans en 2022, célébrant ainsi une belle longévité dans le monde du logiciel. Mais les observateurs notent que pour continuer à connaître le succès au cours des 50 prochaines années, il lui faudra relever plusieurs défis.
En effet, les forces qui ont stimulé la croissance de SAP au cours des décennies précédentes n’existent plus, ou sont devenues moins pertinentes. SAP s’est imposé comme un fournisseur de stacks applicatives de bout en bout, avec des technologies capables d’intégrer l’ensemble des processus d’une l’entreprise. Mais dans les années à venir, SAP devra aller au-delà – en plus de gérer la transition de sa base clients d’ECC vers S/4HANA –, ce qui reste une tâche considérable malgré une bonne dynamique.
SAP à la croisée des chemins
Pour Jon Reed, cofondateur de Diginomica, un cabinet d’analystes IT, SAP est à la croisée des chemins. L’une des routes consiste à devenir un fournisseur incontournable pour les entreprises qui souhaitent transformer leurs processus opérationnels, l’autre consiste à se cantonner progressivement aux applications back-office.
Pour que SAP prospère, il doit choisir la première, prédit Jon Reed, et s’efforcer d’être un acteur incontournable dans les projets des entreprises pour s’interconnecter et intégrer plus d’intelligence dans leurs processus de gestion, avance-t-il.
Le premier pas que SAP fait sur ce chemin est d’essayer de faire migrer ses clients sur S/4. Mais « le simple fait qu’ils soient sur S/4 ne garantit rien », déclare Jon Reed. « SAP doit faire en sorte qu’ils adoptent pleinement le cloud et les autres technologies qui viendront ».
De plus, SAP pourrait être rassuré par les nombreux clients qui sont en train de passer à S/4. Mais il en reste un nombre important qui ne le fera pas tant qu’ils n’auront pas une vision claire de la valeur que peut leur apporter cette migration, rappelle Jon Reed.
Le Business Network : un composant clef du futur de SAP
Pour l’analyste, le Business Network devrait être la colonne vertébrale du futur SAP, en lui permettant d’évoluer vers les opérations inter-entreprises.
Les problématiques de résilience des chaînes d’approvisionnement et de durabilité vont devenir une préoccupation dominante pour les multinationales. Or ces sujets imposent de collaborer entre organisations. « SAP peut jouer sa carte Business Network pour faire la différence dans ce domaine », estime Jon Reed. « Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais cela peut changer la façon dont les gens voient SAP, pour ne plus le considérer uniquement comme leur grand livre (GL) ou leur outil pour traiter les factures ou les dépenses. »
Joshua Greenbaum, directeur chez Enterprise Applications Consulting, partage cet avis. Il pense que ce « réseau de réseaux », comme l’appelle SAP, peut redéfinir les échanges B2B comme l’ERP a redéfini le commerce il y a 50 ans.
Cependant, le succès du Business Network est loin d’être acquis. SAP a encore beaucoup à faire pour qu’il soit efficace, et il existe un nombre croissant de réseaux concurrents.
« L’arrivée d’AWS et d’Azure dans la chaîne d’approvisionnement [en novembre] est la première salve dans la bataille entre ceux qui veulent gérer ces réseaux d’entreprises », constate Joshua Greenbaum. Une autre vague de concurrents est verticalement intégrée. « Il va être très compliqué pour SAP de mener toutes ces batailles. Mais le Business Network, c’est ce qu’ils doivent faire ».
Aujourd’hui, des problèmes comme les ruptures de chaîne d’approvisionnement ou chiffrer l’empreinte carbone totale d’un produit obligent les entreprises à partager des données avec leurs clients, leurs fournisseurs, voire leurs concurrents, renchérit Vinnie Mirchandani, fondateur de Deal Architect, un blog consacré aux applications d’entreprise.
L’un des exemples de ce nouveau type d’environnement est le réseau Catena-X, un consortium automobile allemand fondé en 2021 qui regroupe SAP, des constructeurs comme BMW et Mercedes-Benz et d’autres entreprises liées au secteur.
L’un des buts de Catena-X est de fournir un moyen de partager des données et de mettre en œuvre des normes et des processus. « Les gens se rendent compte que se concentrer uniquement sur leur entreprise les expose à de nombreuses inconnues, car ils n’ont pas accès à l’ensemble du réseau », souligne Vinnie Mirchandani. « Les consortiums comme Catena-X sont la prochaine évolution, et SAP s’y prépare ».
La valeur fondamentale de l’ERP – de plus en plus S/4 chez SAP – ne va pas disparaître, continue-t-il. Mais il sera plus modulaire et complété par des extensions dans le cloud pour des secteurs spécifiques. Des extensions dont la conception est désormais facilitée par l’environnement de développement centralisé SAP Business Technology Platform.
Penser écosystème et durable
SAP est le leader mondial de l’ERP, c’est lui qui a le plus à perdre, estime Liz Herbert, vice-présidente et analyste principale chez Forrester Research.
SAP sera encore là dans les années à venir. Il va perdurer. Mais pour prospérer, l’éditeur doit continuer à aller vers le cloud, ce qui jusqu’ici n’a pas été simple. Il doit aussi changer de philosophie. Le temps du « SAP du sol au plafond » est révolu. SAP doit plus penser en termes d’écosystème, résume-t-elle.
L’éditeur allemand devra également convaincre ses clients que sa culture, son approche et ses logiciels répondent aux exigences modernes et qu’ils méritent leurs prix élevés, ajoute-t-elle.
Liz Herbert estime par ailleurs que les offres autour de la durabilité sont un atout majeur pour SAP.
« L’importance de plus en plus grande accordée à la durabilité est de bon augure pour SAP, car ils ont déjà des applications, une culture et un message clair sur le sujet », explique-t-elle. « Leur histoire européenne les aide sur ce sujet face aux grands éditeurs américains d’ERP : l’Europe est en avance sur le développement durable. »