Dell lance des serveurs 16G qu’il vendra… fin 2024
Le constructeur s’aligne sur la commercialisation récente des derniers processeurs d’Intel et d’AMD. Mais les datacenters des entreprises ne sont pas encore équipés pour les refroidir suffisamment.
Dell vient de dévoiler la déclinaison Intel de sa nouvelle génération de serveurs PowerEdge, la 16e. Composée de treize modèles équipés des Xeon lancés la semaine dernière, l’offre comprend des machines Rx60 de 1U à 4U pour les entreprises, avec des variantes « xa » plus performantes et « xs » plus économiques, deux inédits HS65x0 destinés aux hébergeurs, ou encore trois XE bardés de GPUs pour l’IA et le supercalcul.
Les PowerEdge de 16e génération équipés des derniers processeurs AMD Epyc étaient déjà arrivés en fin d’année dernière. Qu’importe que ceux en Intel sortent avec un petit décalage : Dell estime qu’il ne vendra pas ces serveurs de 16e génération avant… fin 2024 !
« Cela ne nous est jamais arrivé. Nous lançons une nouvelle génération de serveurs, alors que la précédente, la 15e, a moins d’un an. Et d’ailleurs, nous continuerons même à commercialiser les PowerEdge de 14e génération jusqu’à l’été prochain. Quant à la 16e… nous la lançons maintenant, puisque Intel et AMD en commercialisent déjà les processeurs. Mais nos clients ne voudront pas de ces processeurs avant une bonne année et demie », lance Sébastien Verger, le directeur technique de Dell Technologies pour la France !
Des serveurs qui consomment trop pour les datacenters actuels
Rappelons le contexte : les fabricants de processeurs Intel et AMD se font la course. AMD, parce qu’il peut accéder aux usines les plus modernes de TSMC pour fabriquer ses processeurs ; cela lui donne un élan inédit pour conquérir des parts de marché qu’Intel détenait depuis des décennies. Intel, parce que sa direction a été reprise par Pat Gelsinger, lequel a décidé d’accélérer la production tous azimuts pour freiner l’élan de son rival et sauver ses parts de marché. Sauf que, manifestement, le monde de l’entreprise n’est pas prêt pour absorber des nouveautés qui s’enchaînent aussi rapidement.
Sébastien VergerDirecteur technique de Dell Technologies, France
« Les serveurs de 16e génération apportent une meilleure densité de calculs. Mais, condenser plus de puissance revient à consommer plus d’électricité au mètre carré. La 16e génération va au-delà de ce que les étagères rack actuelles supportent », précise Sébastien Verger.
« En clair, soit vous installez deux fois moins de serveurs et il n’y aucun bénéfice à le faire, soit vous repensez entièrement la conception physique de votre data center pour remplir à nouveau vos étagères rack. Et c’est ce travail qui prendra jusqu’à la fin de l’année prochaine. »
À l’heure où nous écrivons ces lignes, Dell n’a pas encore communiqué sur la consommation électrique de ses nouveaux serveurs. En revanche, on connaît celle des nouveaux processeurs : malgré des designs optimisés, malgré une gravure plus fine, leurs watts ne baissent pas d’un iota, voire ils augmentent sur les modèles avec le plus grand nombre de cœurs.
Chez Intel, un Xeon peut grimper à 350W, soit le double dans les machines milieu de gamme qui comptent deux processeurs. Chez AMD, alors que la gamme précédente d’Epyc ne dépassait pas 280W, certains des nouveaux modèles atteignent 360W. Bref, ni les Xeon, ni les Epyc ne compensent l’énergie supplémentaire qu’il faut à présent fournir dans un serveur pour alimenter leurs plus grandes capacités mémoire et transporter leurs plus grands débits réseau.
L’enjeu de généraliser le refroidissement liquide
« En définitive, l’élément différenciateur dans un data center, ce n’est plus d’avoir des serveurs de 14e, 15e ou 16e génération, c’est la faculté de pouvoir les héberger sans que cela coûte cher en refroidissement. Traditionnellement, les racks de serveurs sont refroidis par air. Ça ne fonctionne plus. Désormais, il faut les refroidir par liquide », dit Sébastien Verger.
Il précise que Dell, via des partenaires, propose déjà à ses clients des étagères racks dotées de toute l’installation nécessaire au refroidissement liquide. On y trouve un échangeur thermique au bas de la tour, relié à des tuyaux de plomberie qui pénètrent dans chaque serveur et passent par des plaques métalliques collées sur chaque CPU et GPU.
« Mais cette installation est taillée pour quelques gros serveurs de calculs, bardés de GPUs, dans une seule étagère. À partir du moment où ce sont tous vos serveurs qui nécessitent du refroidissement liquide, vous devez mettre l’échangeur thermique en tête de chaque allée. C’est-à-dire refaire toutes les allées de votre datacenter. Et, ça, l’essentiel de nos clients ne va pas y parvenir avant le second semestre 2024. »
« Cela dit, je pense que toutes les entreprises qui ont un datacenter vont finir par s’équiper d’infrastructures pour le refroidissement par liquide, car c’est la clé pour réduire la taxe carbone de l’informatique », ajoute-t-il.
Néanmoins, les tuyauteries de refroidissement liquides pourraient bien à leur tour être remplacées d’ici à quatre ans par un système encore plus efficace : l’immersion totale des serveurs dans un liquide. « Nous avons déjà des déploiements en test, chez une banque française. Mais c’est un design où tout reste à faire. Pour l’heure, les serveurs ne sont pas prévus pour fonctionner en immersion », assure le directeur technique de Dell France.
Il se refuse à citer le nom de cette banque. LeMagIT a connaissance d’un projet de serveurs immergés en test au Crédit Agricole.
En haut de gamme, les tout derniers GPUs
Dans la nomenclature des serveurs Dell PowerEdge, le premier chiffre indique le niveau de gamme, le second la génération (soit « 6 » pour 16e génération) et le dernier est soit « 0 » quand il s’agit d’une machine à base de deux ou quatre Xeon, soit « 15 », soit « 25 » quand le serveur est équipé d’un ou deux Epyc.
En très haut de gamme, pour le supercalcul – qui inclut aussi les algorithmes de Machine learning désormais – on trouve les nouvelles machines XE9680, XE9640 et XE8640. La première intègre huit cartes GPU Nvidia H100 et la dernière quatre de ces cartes. Le GPU GH100 qui équipe ces cartes serait six fois plus rapide sur les calculs traditionnels que le GA100 dont sont dotées les cartes A100 actuelles. Les A100 figuraient jusqu’ici le haut de gamme de Nvidia.
Surtout, le GH100 dispose de nouveaux circuits Transformation Engine qui accélèrent matériellement les algorithmes d’IA faisant de la reconnaissance d’empreintes textuelles, sonores ou visuelles. Selon Nvidia, il s’agit de faire passer les traitements en réseaux de neurones de plusieurs jours à quelques heures.
Entre les deux, le modèle XE9640 intègre quatre GPUs Intel Ponte Vecchio. Ce sont de toutes nouvelles puces conçues comme les Xeon haut de gamme, avec 64 Go de mémoire RAM de type HBM directement embarquée. Toutes ces machines disposent de deux Xeon.
R760 et R660, les principaux modèles
Pour l’entreprise, les modèles « mainstream » – ceux censés être les plus demandés – sont les R760 et R660, des machines bisocket, respectivement en 2U et 1U. Ces machines ont seize slots de mémoire DDR5 et cinq slots PCIe 5.0. La différence est que la version 2U permet de loger plus de disques en façade : jusqu’à 12 unités 3,5 pouces sur le R760, contre 4 sur le R660, ou jusqu’à 24 unités 2,5 pouces sur le R760, contre 10 sur le R660. En plus de ces unités, les PowerEdge ont aussi deux SSD 2,5 pouces à l’arrière du boîtier pour démarrer le système.
Selon les résumés qu’en font les documentations de Dell, ces serveurs pourraient accueillir 20 % d’utilisateurs VDI en plus et 50 % d’utilisateurs SAP en plus par rapport aux R750 et R650. Rappelons-le, ces derniers sont les machines que Dell entend le plus vendre tout au long de l’année 2023 et jusqu’à l’été 2024.
Les R76x et R66x sont pour l’heure les deux seules machines chez Dell qui se déclinent dans leur 16e génération en versions AMD Epyc. Il s’agit respectivement des PowerEdge R7625 et R6625 (bisockets), ou R7615 et R6615 pour la version monosocket.
« Aujourd’hui, AMD est meilleur qu’Intel sur le nombre de cœurs par processeur. C’est-à-dire que l’on peut avoir une machine Epyc monosocket qui apporte la même puissance de calcul et le même nombre de machines virtuelles qu’une machine Xeon bisocket », commente Sébastien Verger, en précisant que certaines entreprises choisissent tout de même des modèles Xeon quand ils utilisent des applications qui n’ont pas été validées sur Epyc.
En haut de gamme, les R960 et R860 sont les machines quadrisocket, qui doublent les caractéristiques des machines R760 et R660. Ces machines sont exclusivement pourvues de Xeon puisqu’il n’existe pas d’architecture Epyc avec plus de deux processeurs.
Des formats en châssis, en tour et durcis
Outre les serveurs directement en racks, on trouve le nouveau châssis C6620 2U qui embarque quatre serveurs dont la référence est censée commencer par « MX » (MX760, etc.). Cette configuration constitue la brique de base des infrastructures hyperconvergées, notamment les offres vSAN prêtes à l’emploi chez Dell.
Sont également prévues des machines durcies conçues pour être déployées sur les lieux de production (« edge »), dont le nom commence par « XR » et des boîtiers tour qui tiennent sur un bureau (nom commençant par « T »).
Dell n’a pas encore communiqué les caractéristiques des machines avec un format non-rack, ni même précisé si des déclinaisons en Epyc seront disponibles. Peu d’informations ont également filtré sur les nouveaux HS5610 (1U) et HS5620 (2U) réservés aux hébergeurs. On sait juste qu’ils seront conçus pour fonctionner avec un firmware OpenBMC de la Linux Foundation.
« Nous avons le temps pour communiquer ces détails. Les modèles de la nouvelle génération seront d’abord achetés par les entreprises qui ont besoin de plus de puissance de calcul pour leurs applications » dit Sébastien Verger, en sous-entendant qu’il s’agira des modèles R76x et R66x, vraisemblablement ceux basés sur des processeurs Epyc et dont on connaît tous les détails. En attendant, le catalogue en ligne des serveurs Dell fait la part belle aux machines de la 15e génération.