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Le changement de rôle du DAF pousse au changement d’ERP financier
Selon une étude de CCH Tagetik, 58 % des DAF auraient prévu de changer leur outil de consolidation. Le besoin de gérer les indicateurs extra-financiers et l’élargissement de la fonction vers le pilotage opérationnel seraient moteurs dans ce mouvement, confirme Workday.
Le groupe hollandais Wolters Kluwer, maison mère en France de l’éditeur spécialisé dans la gestion financière CCH Tagetik, a réalisé le baromètre 2022 de la « Consolidation Statutaire ». L’enquête a été menée auprès d’une cinquantaine d’entreprises en France (dont 70 % de grands groupes).
Ses résultats semblent confirmer deux grands constats.
La première est que le rôle des directions financières s’est élargi au pilotage de la performance. La seconde est que le DAF a désormais pour mission d’intégrer des indicateurs extra-financiers, à commencer par l’ESG/RSE.
Le marché de l’ERP financier entre dans une phase de renouvellement
Conséquence, les DAF seraient entrés dans une phase de renouvellement de leurs outils IT (ERP financier) – alors même que « les solutions historiques comme BFC (SAP) et HFM (Oracle) s’apprêtent à quitter le marché », avance le communiqué de CCH Tagetik.
Ainsi, 58 % des DAF interrogés auraient prévu de changer leur outil de consolidation.
« On voit une accélération des réflexions finance qui se traduisent en une accélération très marquée d’opportunités, et cela de manière uniforme sur l’ensemble des segments », confirme pour sa part Hubert Cotté, Country Manager de Workday en France.
« Ces chiffres sont tirés par les transformations de la fonction », analyse-t-il, « on voit arriver de vrais projets de refonte du back-office. […] Aujourd’hui, certains [DAF] n’arrivent pas à produire leurs états. […] Le système est trop ancien, les données ne sont pas temps réel. Il faut demander à l’IT de produire des rapports ce qui peut prendre une semaine, etc. ».
Pour CCH Tagetik, les responsables financiers attendraient de leurs futurs outils qu’ils soient ergonomiques et simples (des critères « très importants » pour 69 % des sondés).
Pouvoir faire des analyses ad hoc avec une interface « Excel like », la réconciliation des intercos, et avoir un moteur de règles ainsi qu’un outil administrable par les équipes sont autant d’autres attentes fortes.
L’ESG, un moteur du changement d’ERP
Les déclencheurs qui pousseraient à migrer d’ERP financier seraient donc l’élargissement du rôle des DAF et des nouvelles données qu’ils doivent remonter et analyser.
CCH Tagetik
« Les DAF pilotent désormais la performance en établissant des prévisions et en s’appuyant sur des outils d’uniformisation des reportings, allant au-delà de leur mission première de gestion », constate CCH Tagetik. « Les dimensions de réputation et les initiatives ESG doivent à leur tour être prises en compte et mesurées […]. De nouvelles exigences réglementaires en la matière poussent les DAF à attendre de leur outil de consolidation qu’il intègre les KPIs extrafinanciers ».
Hubert Cotté confirme. Pour lui « le CFO sort du seul cadre de la communication et des données financières. Il y a cette nécessité maintenant pour le directeur financier de piloter, de mesurer et de partager des indicateurs extra-financiers ».
Or actuellement, et toujours selon l’étude de CCH Tagetik, à peine 19 % des DAF auraient à leur disposition un outil de consolidation qui leur permet de produire de tels KPIs.
La production d’un document universel avec ESG serait même l’innovation prioritaire pour la moitié d’entre eux.
« Le vrai driver [d’un changement d’ERP financier], c’est le pilotage de la data », acquiesce le Country Manager de Workday. « D’ailleurs, ces problématiques ESG – sujet très chaud pour les directions financières et les directions générales – c’est de la consolidation ».
L’ESG, mais pas que…
Ces nouveaux critères à reporter entrent aujourd’hui dans la valorisation d’une entreprise. Mais ils ne se limitent pas à l’ESG.
Hubert CottéCountry Manager France, Workday
« Les entreprises se sont rendu compte qu’elles ne mesuraient pas l’engagement de leurs collaborateurs, la rétention, etc. », illustre Hubert Cotté.
Or ce sujet RH de la « voix de l’employé » deviendrait un sujet finance important. « C’est intéressant : j’ai aujourd’hui autant de conversations sur le Talent Management et l’attractivité avec les CFO qu’avec les DRH », confie le Country Manager.
Pourquoi ? « Parce que l’attractivité de l’entreprise impacte directement les résultats financiers, les capacités de croissance ou encore la rentabilité. Les CFO se disent, à juste titre, que si demain l’organisation n’a pas les bonnes personnes, elle ne pourra pas être performante financièrement. Donc ils sont obligés de s’intéresser au sujet – encore plus dans un contexte de pénurie de talents ».
Y compris au sein de la DAF, car l’automatisation et l’IA auront aussi des conséquences RH pour elle.
Les DAF fournisseurs de données enrichies pour les métiers
Certains diront que prendre en charge des indicateurs extra-financiers n’est pas forcément nouveau pour les DAF.
Hubert CottéCountry Manager France, Workday
« Avant, on le mesurerait », concède Hubert Cotté, « mais il y avait un côté très “communication institutionnelle” », ajoute-t-il. « Il fallait en parler, mais il suffisait de donner deux ou trois chiffres. Globalement, ce n’était pas au cœur des préoccupations. Aujourd’hui, ça l’est ».
Pour résumer, les CFO se placent de plus en plus en fournisseurs de données enrichies pour les directions métiers. « On est passé d’une fonction régalienne à une fonction très transverse qui fournit de la “data intelligente” aux opérationnels pour, par exemple, accélérer les prises de décision », synthétise le responsable de Workday qui arrive à la même conclusion que son concurrent Tagtik : « les systèmes historiques atteignent maintenant leurs limites quand il s’agit de consolider toutes ces données ».
« Les DAF disent “il faut que je change la fonction”, mais “je ne peux pas le faire avec des outils traditionnels”. Je pense qu’ils ont poussé jusqu’au bout l’extension du cycle de vie de leurs solutions. Ils arrivent maintenant à la conclusion qu’il va falloir bouger », complète-t-il.
Les DAF veulent explorent l’IA appliquée à la comptabilité
Emmanuel RezPrésident de l'AUFO
Le baromètre de Wolters Kluwer/CCH Tagetik constate également que les DAF voient de plus en plus l’intelligence artificielle comme « une innovation essentielle à explorer et à mieux exploiter ».
Leur priorité – au-delà de l’automatisation à base d’IA – serait de pouvoir bénéficier du prédictif (33 %).
Un avis qui confirme les attentes de l’Association des Utilisateurs Francophones d’Oracle (AUFO). « Dans un monde inflationniste et instable, il est difficile de prévoir le futur. Les entreprises ont besoin de ces outils pour se préparer », confiait récemment son président, Emmanuel Rez au MagIT.