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IIoT : la maturité des industriels pousse les éditeurs à coopérer (Gartner)

Dans son Magic Quadrant 2022 consacré aux plateformes IIoT, Gartner note la maturité des grands groupes désormais prêts à déployer ces outils sur plusieurs sites. Si des freins existent, ils sont majoritairement internes, mais les fournisseurs doivent aussi s’adapter à l’hétérogénéité des systèmes industriels.

Alors que Gartner listait quatre leaders en 2021, en septembre de cette année, il n’en référence que deux : Microsoft et Software AG. Le géant de l’IT mise sur sa gamme de services Azure IoT et plus largement sur les capacités de son cloud. De son côté, Software AG a racheté la plateforme IoT de Cumulocity en 2017, qu’il a décliné en édition Edge et Cloud. Il complète son offre avec des produits tels TrendMiner et WebMethods, ainsi que 300 connecteurs vers différents systèmes.

Deux leaders au lieu de quatre

PTC est désormais placé parmi les challengers avec AWS (qui conserve sa position), tandis qu’Hitachi trouve une place chez les visionnaires. Si ces deux-là semblent avoir moins suscité l’intérêt des clients de Gartner, ABB est maintenant classé parmi les visionnaires alors qu’il était un acteur de niche l’année dernière. Envision Digital, acteur de niche en 2021, lui, touche du doigt cette année. RootCloud, Litmus, Braincube, Exosite, Eurotech et XCMG Hanyun semblent jouer dans la même cour à la seule lecture visuelle du carré magique. UnifyTwin (ex Knowledge Lens) et Davra complètent cette cohorte des acteurs de niche. Samsung SDS, Altizon et Flutura ont perdu leur place dans ce tableau.

Cette comparaison avec le Magic Quadrant 2021 serait futile, si l’on en croit les dires de Gartner. « Comme les conditions du marché changent, la comparaison historique avec les Magic Quadrant des années précédentes (pour évaluer les capacités des fournisseurs) est fortement déconseillée ».

Il y a toutefois deux constats à retenir du Magic Quadrant 2022. Premièrement, la domination de Microsoft sur le marché des plateformes IIoT parait désormais actée. Le géant du cloud serait même la nouvelle figure d’un écosystème naissant. « Au cours des deux dernières années, de nombreux acteurs de l'IIoT (notamment PTC, GE, Siemens, ABB et Schneider Electric) ont annoncé publiquement que leurs plateformes sont construites sur le cloud de Microsoft, mettant en évidence un écosystème émergeant », écrivent les analystes.

IIoT : les grands groupes sont enfin matures

Deuxièmement, les « grands groupes ont déployé l’internet des objets à grande échelle et ont dépassé la phase d’expérimentation technologique », selon Gartner.

Si un bon nombre d’entreprises « à la traîne » explorent encore les technologies IIoT, le marché « gravite » enfin autour d’objectifs industriels clairement identifiés tels la connexion des systèmes industriels cloisonnés ou encore améliorer la production et la maintenance ».

Et cette prise de maturité, accélérée par la crise de la COVID-19, créée des freins internes et externes. Les premiers projets ont pu voir à l’échelle d’une usine, mais le déploiement multisite demeure un défi. « Les obstacles sont généralement internes. Ils comprennent le manque de soutien de la direction de l'usine ou de la direction, le manque d'équipes mêlant l'ingénierie et les opérations, et la résistance au changement », listent les auteurs du Magic Quadrant.

L’interopérabilité, encore et toujours un défi

Mais, « dans de nombreux cas », les freins au déploiement à l’échelle sont aussi à chercher du côté des éditeurs, fournisseurs et équipementiers, signalent-ils. Certains d’entre eux ont des difficultés à s’intégrer aux systèmes en place avec leurs protocoles existants. Les clients réclament des solutions spécifiques par site, ce qui demande d’adapter les environnements de développement et de se rapprocher des partenaires existants de ces clients. Et comme certains sites sont équipés de différentes plateformes qui ne se « parlent pas », cela « créer des silos de plateformes qui ne s’intègrent pas, rendant les déploiements multisite difficiles ». Dernier point et non des moindres, les centres de support ne sont pas suffisamment proches des sites de production, ce qui peut poser des problèmes de zone temporelle et de barrière du langage.

En cela, les acteurs de l’OT, ceux habitués à traiter avec les industriels, grappillent de précieux points. Selon Gartner, ils auraient une connaissance fine des problématiques de leurs clients, sauraient connecter les actifs et en extraire les données en provenance « d’un large éventail d’actifs » et savent déjà intégrer leurs solutions avec le reste de l’IT de l’entreprise. Toutefois, les éditeurs IT les rattraperaient à leur propre jeu en « investissant dans des domaines d’expertise ».

Les industriels invitent (voire forcent) les acteurs IT et OT à collaborer

De toute manière, les entreprises qui adoptent les plateformes IIoT cherchent des solutions interopérables. « Ces entreprises poussent les fournisseurs de technologies à adopter des approches composables afin de pouvoir atteindre des résultats commerciaux avec la plate-forme IIoT et, si nécessaire, avec des offres packagées et/ou des applications compatibles avec l'IoT ».

Selon Gartner, les acteurs de l’IT et de l’OT ont donc tout intérêt à collaborer, d’autant plus que les éditeurs dont les solutions sont uniquement disponibles dans le cloud ont moins de chance de convenir aux industriels. Le cabinet d’analyse a étudié 1900 déploiements de plateformes IIoT auprès de ses clients. Environ 40 % d’entre eux sont hybrides, 24 % sont exclusivement on-premise et 36 % dans le cloud.

Il y a une première explication technique. Les industriels ingèrent et analysent une grande variété de données (batch, blobs, événements et time series) « à l’échelle de la milliseconde ». « Il y a une fraction importante d’organisations industrielles qui ne peuvent pas fonctionner avec la latence induite par le cloud », indique Gartner. Mais il y a également d’autres raisons suivant la nature de l’activité ou la sensibilité des organisations. Certaines entreprises « ne font pas confiance aux services de cloud, ou ont besoin de maîtriser la souveraineté des données, ou encore veulent centraliser leurs données dans un data lake pour en contrôler l’accès », liste le cabinet.

Ce qui justifie la dernière remarque de Gartner. Cette quête de contrôle se lie à un besoin d’un plus grand niveau de sécurité. Les attaques récentes, dont celle visant Colonial Pipeline aux Etats-Unis, ont démontré que « les fonctionnalités de sécurité doivent être au centre des plateformes IIoT », dixit Gartner. Et aux analystes de conclure sur des conseils adressés aux membres de l’écosystème IIoT afin de se mettre à la page.

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