Process Mining : Celonis veut s’ouvrir aux métiers
Pour conserver son avance, Celonis entend ouvrir le Process Mining aux métiers. L’éditeur prétend également simplifier l’exploration des processus en silos.
Celonis est le seul pure-player d’envergure dans le monde du Process Mining. Deux choses ont participé à sa croissance : son positionnement et le soutien de ses investisseurs. Selon Crunchbase, il a levé 2,4 milliards de dollars au total pour une valorisation estimée à 13 milliards de dollars.
Mais l’éditeur allemand s’est rendu compte que cela ne suffirait pas s’il souhaitait rester pertinent auprès de ses partenaires, de ses clients et face à ses concurrents.
En deux ans, le paysage du Process Mining a profondément changé. Pratiquement toutes les startups qui avaient su convaincre les entreprises ont été rachetées. Pourquoi ? Parce que les grands éditeurs, dont Microsoft et SAP, ont compris qu’il fallait rapprocher cette technologie d’analyse des processus des outils pour les automatiser.
Celonis n’avait pas ces outils d’automatisation. Il fait le chemin inverse. Mais il faut également simplifier et améliorer les outils de Process Mining pour conserver la longueur d’avance qu’il prétend avoir. Son objectif ? Faire en sorte que l’usage se répande dans les entreprises.
En ce sens, l’éditeur a présenté deux choses lors de son événement Celosphere au début du mois de novembre 2022 : une nouvelle offre en disponibilité limitée, Business Miner, et un nouveau modèle de données nommé Process Sphere, lancé en bêta privé.
Process Sphere, ou l’analyse interprocessus
Guillaume AurineResponsable Solutions Engineering France et MEA, Celonis
« Habituellement, nous nous connectons à des systèmes à partir desquels nous récupérons des logs et des étapes nous permettant d’identifier des processus : une commande, une facture, etc. » explique Guillaume Aurine, responsable Solutions Engineering France et MEA chez Celonis. « Ensuite, nous arrivons à fournir des recommandations en indiquant les gains possibles après l’optimisation d’un processus. Puis, nous proposons de les automatiser avec notre EMS [Execution Management System, N.D.L.R] ».
Process Sphere intervient à la deuxième étape. Au lieu d’identifier un processus, Celonis entend suivre des objets qui traversent différents systèmes : des prises de commandes, des factures, des phases de la supply chain ainsi que des étapes spécifiques à ces processus (validation, changement, mise à jour du statut d’une commande, etc.).
« C’est une nouvelle manière de penser le Process Mining », assure Guillaume Aurine. « Cela permet de comprendre les interactions, les relations entre les processus et les objets. Nous pouvons modéliser une commande et la suivre à travers différents systèmes et processus ».
Ce nouveau modèle s’accompagne d’une couche de visualisation censée simplifier l’identification de ces objets et leurs rôles dans les processus, à la manière « d’une carte de métro ».
Chaque objet a le droit à son icône permettant d’identifier son rôle dans plusieurs processus interdépendants. Un mode de visualisation en 2D isométrique doit simplifier le repérage des goulets d’étranglement et les doublons. « Avant, cette étape prenait du temps, l’on n’arrivait pas à le faire de manière efficace, nous le faisions individuellement pour chaque processus », justifie Guillaume Aurine. « Maintenant, les clients peuvent le faire sur l’ensemble de la chaîne ».
À partir de là, les analystes peuvent orienter les équipes en charge des flux de travail, afin de corriger un processus ou l’automatiser en partie. Ils peuvent alors utiliser l’outil d’intégration/automatisation Celonis établi sur les fondations d’Integromat ou utiliser l’outil de leur choix.
Ce nouveau modèle de données réclame tout de même d’ingérer les logs en provenance des systèmes. C’est surtout la manière de les associer et de les surfacer qui change.
Interrogée par nos confrères de SearchERP [Propriété de Techtarget, également propriétaire du MagIT], Maureen Fleming, analyste chez IDC, considère que « l’ingénierie de l’infrastructure de données sous-jacente donne un avantage certain pour 2023 » à Celonis.
Celonis veut se rapprocher des métiers
Pour les métiers, Celonis entend miser sur Business Miner, un ensemble d’applications préconstruites permettant d’analyser des processus spécifiques depuis des tableaux de bord. Celonis cible d’abord les équipes finances avec les Account Receivable apps, un service dédié au paiement des fournisseurs.
Guillaume AurineResponsable Solutions Engineering France et MEA, Celonis
« C’est une sorte d’assistant qui, à partir des données, détecte des indicateurs de performance clés, par exemple le nombre de jours moyen qu’il faut à l’entreprise pour payer un fournisseur », résume Guillaume Aurine. « Si ce délai est préoccupant, l’application donne des recommandations pour l’améliorer. Cela permet de créer une analyse guidée, sans besoin de faire appel à un process analyst, et de la partager ».
Étant donné son expérience, Celonis aurait identifié une quinzaine de goulets d’étranglement qui affectent ce processus. « Le métier est guidé à l’aide d’une série de questions. On lui demande de confirmer le KPI, puis l’on propose de l’améliorer », relate le responsable Solution Engineering.
Depuis l’interface utilisateur, les métiers sont guidés pour identifier les remises manquées en cas de paiement tardif, le volume des impayés en pourcentage, le meilleur moment pour payer une facture en fonction de la trésorerie, etc. Puis, il fournit des recommandations en fonction du KPI à améliorer. Les retards peuvent être dus à un trop grand nombre de vérifications. Concernant la gestion des remises, les conseils peuvent concerner des éléments non automatisables, par exemple revoir un contrat ou étendre les termes de paiement.
Cette analyse tient en quatre à cinq étapes. Si le métier n’arrive pas à trouver la cause d’un problème, il peut encore partager son projet avec un analyste.
D’autres applications consacrées à un processus verront le jour, selon Guillaume Aurine. Les retours des clients seraient déjà positifs.
Dans la même veine, Workforce Productivity est une solution de Task Mining. « Ce sont des applications qui permettent d’observer les activités sur différents systèmes à travers l’entreprise, le temps passé par les employés pour chaque activité, dans le but d’améliorer les processus et les applications à disposition des métiers », résume Guillaume Aurine. « Les banques sont très friandes du Task Mining : elles ont besoin de comprendre ce qu’il se passe dans le système quand un conseiller accomplit différentes tâches ».
Cependant, il est très rare que les clients de Celonis adoptent seulement le Task Mining, selon le responsable. « Les clients ont compris qu’il faut d’abord comprendre le processus avant d’analyser les tâches des métiers », poursuit-il.
Enfin, et comme prévu, Celonis a présenté un connecteur pour Power BI. Pour rappel, l’entreprise munichoise a racheté PAF (Process Analytics Factory) pour se rapprocher des utilisateurs des solutions Microsoft.
Un intérêt croissant pour le Process Mining
Avec ses 3 000 déploiements, Celonis prétend avoir bâti son succès sur l’analyse des processus existants, celle qui, si elle est bien menée, permet d’économiser des millions d’euros. Guillaume Aurine remarque l’intérêt croissant des entreprises françaises pour les solutions de l’éditeur dans la finance, la supply chain, et le manufacturing.
Néanmoins, comme le signale Reetika Fleming, analyste chez HFS Research, auprès de SearchERP, beaucoup d’entreprises commencent à peine à s’y mettre, tandis que le marché, entré dans une nouvelle phase, est encore immature. De fait, le Process Mining est utilisé de longue date par les cabinets de conseil et les intégrateurs, mais cela fait depuis ces trois à cinq dernières années que cette technologie est directement utilisée par les entreprises.
« Un client représentant une banque de détail m’a dit qu’il était [à Celosphere] pour apprendre des pionniers, mais qu’il n’avait pas encore commencé à faire quoi que ce soit », a-t-elle déclaré. « Mais il y a un peu de tout chez Celonis, où que vous soyez dans le voyage ».
De son côté, Guillaume Aurine assure que lui et son équipe déploient les premiers projets à périmètre limité en un mois à un mois et demi. Il faudrait en moyenne une semaine pour ingérer les données, une semaine supplémentaire pour les préparer, puis deux semaines pour les analyser. Chez ABB, Celonis aurait aidé à connecter et analyser les processus issus de 40 systèmes. Le projet aurait pris un an. Il faut tout de même un fort soutien de la direction et mettre en place un centre d’excellence pour que les initiatives à l’échelle de l’entreprise se concrétisent, nuance le responsable Solutions Engineering.