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Sauvegarde : N-able mise sur la marque blanche pour détrôner Veeam
La startup entend prendre des parts de marché en incitant les intégrateurs à revendre son produit Cove sous leur propre marque. Mais pour commencer, N-able n’a rien d’une startup.
Les entreprises utiliseront peut-être sa solution de sauvegarde sans le savoir. L’éditeur N-able s’efforce depuis la rentrée dernière de convaincre, en Europe et ailleurs, les MSP – prestataires de services managés – de revendre sa solution sous leur propre marque. L’ambition n’est ni plus ni moins que de détrôner Veeam et Commvault dans les PME.
« Notre idée est de proposer l’offre la plus simple possible pour les PME. Nous sauvegardons en cloud leurs PC, leurs serveurs et leurs données Microsoft 365. Sans aucune appliance à installer sur site. Et nous fournissons à leurs prestataires une console pour piloter ce service », résume Chris Groot, le responsable des outils de protection chez l’éditeur, lors d’une rencontre avec la presse organisée à l’occasion d’un récent événement IT Press Tour.
Fausse startup pour vraie réincarnation de Solarwinds MSP
Officiellement, N-able est l’une de ces startups nées de la dernière pluie, qui arrivent pour renverser la table d’un segment de marché. Elle a été créée en 2021, et sa solution de sauvegarde, initialement appelée N-able Backup, vient tout juste d’être baptisée Cove. Le fait qu’elle soit commercialisée sous la marque de ses revendeurs devrait lui permettre de grappiller d’importantes parts de marché.
Mais un détail cloche : les présentations commerciales de l’éditeur ne reflètent pas du tout cette supposée fraîcheur. Selon les documents partagés, 12 700 intégrateurs revendraient déjà la solution de sauvegarde. 145 000 PME l’auraient déjà déployée. Plus d’un million d’utilisateurs Microsoft en bénéficieraient déjà. Et l’ensemble des données que Cove protégerait représenterait déjà 150 Po sur les serveurs de N-able. Déjà.
Il faut lire entre les lignes pour comprendre : N-able n’est autre qu’une ancienne filiale de Solarwinds. Un géant des outils de surveillance des SI, dont la réputation a été considérablement entachée fin 2020, lorsque ses propres serveurs ont été piratés. À cette époque, l’entité qui correspond aujourd’hui à N-able s’appelait SolarWinds MSP, une division qui revendait les logiciels de Solarwinds en marque blanche aux intégrateurs.
Le MagIT spécule que la division en question a été sauvée in extremis du naufrage de l’image de marque de Solarwinds, grâce à une spin-off rapidement mise en place. La structure devenue indépendante serait partie avec tous les contrats déjà en cours chez les MSPs, mais aussi avec les logiciels dédiés aux MSPs, dont les outils de ticketing (MSP Manager) et d’assistance à distance (logiciel Take Control). Et puis, donc, avec la solution de sauvegarde.
Pour l’anecdote, la structure MSP devenue éditeur indépendant a récupéré le nom N-able d’un éditeur d’outils de gestion du SI en SaaS, que Solarwinds avait racheté en 2013. Pour autant, la solution de sauvegarde, présentée aujourd’hui comme le produit phare, ne vient pas de là. SolarWinds l’avait récupérée, plus tard, en 2016 en rachetant l’éditeur LogicNow, qui lui-même l’avait rachetée à l’éditeur hollandais IASO, en 2013.
L’avantage de Cove : une consommation réseau minimale
Chris GrootResponsable des outils de protection, N-able
IASO/N-able backup/Cove consiste à installer un petit agent sur la machine à sauvegarder, qu’elle soit sous Windows, Linux ou macOS. Cet agent s’efforce de minimiser le trafic réseau en ne sauvegardant en ligne que les blocs qui ont été modifiés sur disque depuis le backup précédent.
« Travailler au niveau des blocs du disque nous permet par exemple de n’envoyer sur le réseau que les quelques kilo-octets modifiés dans un fichier. D’autres solutions copient le fichier entier, voire tout le répertoire qui le contient, dès que le système hôte indique pour eux une nouvelle date d’écriture », argumente Chris Groot.
Les sauvegardes sont stockées dans le cloud privé de N-able, celui-ci – ou Solarwinds – ayant déployé des serveurs et des disques dans une trentaine de datacenters en co-location un peu partout en Occident. À date, il est possible de restaurer des images-disque sur site, ou de monter en ligne ces images pour rapatrier des fichiers endommagés par erreur. La rétention des versions successives des blocs est définissable par le revendeur.
Dans les prochaines semaines, N-able devrait être en mesure de restaurer les images-disque sur le cloud public Azure de Microsoft. L’intérêt sera d’y utiliser des machines virtuelles de secours, pour le cas où le site d’origine serait hors service, suite à une cyberattaque ou tout autre incident. « Pourquoi Azure ? Tout simplement parce que nous sommes profondément de culture Windows, c’est-à-dire la technologie largement majoritaire chez les PME, notre cible », précise Chris Groot.
D’abord un éditeur de solutions pour MSPs
Ce que N-able facture pour déployer des agents Cove et utiliser son espace de stockage en ligne ne constitue que 20 % de ses revenus. Le gros de son chiffre d’affaires est ailleurs : sa principale activité est de vendre ses outils de pilotage aux prestataires de services managés. C’est surtout dans ce domaine que l’éditeur a investi cette année.
Cet été, N-able rachetait Spinpanel, une solution qui permet aux intégrateurs de gérer pour leurs clients des ressources Microsoft 365, puis la repackageait en quelques jours sous le nom de Cloud User Hub, avec un lien vers les fonctions de sauvegarde de Cove. Il packageait dans le même temps une offre globale N-sight RMM (l’acronyme signifiant Remote Monitoring & Management) qui comprend, en plus de la sauvegarde, des services de support, avec tableau de bord pour chaque entreprise cliente, ticketing et même dépannage par prise de contrôle à distance.
En clair, si la sauvegarde est la fonction vedette, vendre des produits aux prestataires de services est le véritable nerf de la guerre. Reste à savoir si cela suffira pour détrôner Veeam et Commvault.