En dépit de la crise, Gartner incite les entreprises à investir dans l’IT
Lors de son IT Symposium de Barcelone, le cabinet d’analystes a déroulé une stratégie pour motiver les dirigeants et les DSI à poursuivre leur investissement dans l’IT et les technologies de pointe… Mais de manière responsable, au profit d’une « croissance durable ».
La pandémie, la crise économique, le réchauffement climatique, les difficultés de recrutements et la croissance des cyberattaques… autant d’éléments perturbateurs qui ne facilitent pas la tâche d’un diseur de bonne aventure numérique comme Gartner.
En ces temps difficiles, le cabinet ne change pas son braquet, il l’adapte. Ainsi, l’IT et les nouvelles technologies sont à nouveau présentées comme les solutions aux enjeux évoqués plus haut. Mais pour articuler cette pensée dans un monde en crise, Gartner a déroulé un plan considérant l’IT comme « l’épicentre » d’une « croissance durable ».
« L’IT pour une croissance durable » est donc une stratégie à trois étages : la révolution du travail, la réalisation d’investissements responsables et l’avènement d’une cybersécurité résiliente.
Automatiser et moderniser le travail
Pour mener à bien ces trois initiatives, Gartner a présenté des « multiplicateurs de force », des leviers censés assurer le succès des opérations aux entreprises qui suivraient ces conseils.
Ainsi, pour révolutionner le travail, il faut d’abord retirer « toutes » les frictions rencontrées au travail.
« Gartner parle de friction quand une tâche est difficile à accomplir sans aucune raison valable », déclare Mary Mesaglio, Managing VP chez Gartner.
En l’occurrence, en Europe, selon un sondage de Gartner, 76 % des employés européens interrogés affirment ne pas avoir accès aux technologies dont ils ont besoin pour être efficaces. Au global, seulement 31 % des employés sondés assurent que leur organisation répond à leur exigence en la matière.
En fournissant les bons outils et les bons processus, l’objectif est de faciliter le recrutement des métiers, d’améliorer les performances des collaborateurs et de retenir les talents. « Les travailleurs qui témoignent d’une bonne expérience avec les applications d’entreprise sont deux fois plus enclins à rester dans leur entreprise. Cela a un impact énorme sur la rétention », assure Mary Mesaglio.
Il ne faut pas forcément changer tout du jour au lendemain, selon elle. Cependant, il est crucial d’investir dans les formations numériques en parallèle, prévient l’analyste.
Gartner conseille d’automatiser certaines tâches, non pas pour supprimer des emplois, mais pour « éliminer des tâches que les gens ne veulent plus faire », avance Mary Mesaglio.
Ensuite, Gartner estime intéressant de se tourner vers les solutions (ou de les développer) « augmentées à l’IA ». Avec ces outils, la décision finale revient à l’humain pour les tâches les plus importantes, tandis que d’autres tâches sont entièrement automatisées. Ces solutions doivent surtout améliorer la portée d’un collaborateur.
L’analyste donne l’exemple de la DSTA, l’autorité de protection technologique danoise, qui, pour surveiller les produits dangereux vendus en ligne, a mis en place AIME, un système mêlant machine learning, vision par ordinateur et OCR. La DSTA aurait augmenté le taux de détection des produits dangereux par cinq.
Continuer à innover, une priorité selon Gartner
Quant aux technologies les plus émergentes, Gartner recommande tout de même de les expérimenter. « Je sais que cela peut paraître contre-intuitif en temps de crise, mais les entreprises qui innovent pendant une telle période se distinguent du reste de la meute », affirme Mary Mesaglio. L’analyste a notamment évoqué l’émergence de « l’intravers », un nouveau concept associé au métavers pour définir un bureau virtuel permettant de mener « réunions immersives » et de favoriser la collaboration dans des environnements de travail hybride. L’intravers ne devrait pourtant atteindre le haut de la courbe du Hype Cycle que d’ici à cinq à dix ans.
Il ne s’agit pas d’innover pour innover, mais de prendre des initiatives qui pourraient générer une croissance forte dans quelques années, nuance l’analyste. Lors d’une conférence de presse, Mary Mesaglio a évoqué le fait que cette recommandation résulte d’une analyse des données des entreprises après la crise économique de 2008. « Les entreprises les plus innovantes ont su se distinguer sur la longue traîne », explique-t-elle. « Les actions qu’elles ont prises lors de cette première année de crise ont eu un fort retentissement sur leurs rendements ».
« Cela ne réclame pas d’investir massivement », avance-t-elle lors de ce débriefing. « Votre volonté d’expérimenter publiquement les nouvelles technologies et de prendre des risques envoie un message fort concernant votre culture d’entreprise et ses ambitions. Mais seulement si vous êtes transparent à ce sujet ».
Et à l’analyste d’ajouter qu’une entreprise innovante attire non seulement les capitaux, mais également les talents qui veulent se distinguer.
Énergies : faire d’une pierre deux coups
Tout cela doit s’inscrire dans une politique d’investissements responsables. À ce sujet, Daniel Sanchez-Reina, Vice-président et analyste chez Gartner, évoque une approche « 2 en 1 » qui doit à la fois favoriser un gain financier et une baisse des émissions de gaz à effet de serre, voire un gain social.
Premier levier majeur, les ICI sont des infrastructures connectées dotées de systèmes pour contrôler les ponts, les routes, les ports et les aéroports. « C’est une combinaison de technologies – IoT, cloud, Edge Computing ou encore d’IA – pour que ces infrastructures partagent leurs données », affirme Daniel Sanchez-Reina.
L’analyste donne l’exemple d’Algésiras, l’un des ports de marchandises les plus fréquentés au monde. Celui-ci utiliserait un système mêlant IA, IoT, 5G et AR/VR « pour réduire le temps d’inactivité des navires de 12 % et les émissions carbones de 10 % ».
Un autre levier d’importance est le sourcing autonome. Cette technologie vise à automatiser la recherche et la contractualisation avec des fournisseurs. Le spécialiste de la gestion d’actifs américain Fidelity aurait réduit de 20 % les coûts associés aux accords avec ses fournisseurs. Un appel d’offres qui prenait quatre à six semaines peut désormais se finaliser en une journée. Selon l’analyste, le sourcing autonome permettrait également de trouver davantage de fournisseurs, aux pratiques plus durables.
Surtout, Gartner recommande aux dirigeants « de mettre leur entreprise au régime » au regard de leur consommation d’énergie. Cette fois-ci, les projets de traitements de données et d’IA sont à double tranchant. Ils sont à la fois les solutions pour superviser la baisse des consommations – d’ailleurs, ils peuvent être combinés à des microgrids, des microréseaux d’énergie – et à la fois une des causes du réchauffement climatique. D’un côté, Gartner recommande donc de mettre en place un système de gestion et d’optimisation d’énergie (EMOS). Il s’agit de l’évolution d’un EMS permettant de contrôler, de prédire et de simuler la consommation des énergies. De l’autre, le cabinet insiste sur le fait qu’il faut optimiser la puissance de calcul et l’espace de stockage occupés par l’IA et les applications de l’entreprise.
Investir intelligemment dans la cybersécurité
Enfin, pour assurer l’avènement d’une cybersécurité résiliente, le cabinet prévoit encore trois leviers.
Pour gérer la surface d’attaque, Ed Gabrys, Vice-président et analyste chez Gartner, encourage l’adoption de la méthodologie EASM (External Attacks surface Management). Cette approche faciliterait la découverte des vulnérabilités qui pourraient affecter les actifs exposés à l’externe. En ce qui concerne la sécurité de la supply chain logicielle, le cabinet vante l’utilisation des produits d’analyse de la composition logicielle (SCA). Enfin, la mise en place d’outils de renseignements sur les menaces doit parfaire ce dispositif.
Encore faut-il que les entreprises choisissent les bons actifs à protéger. Gartner recommande donc de (re) centrer l’analyse de risques sur les dépendances technologiques qui ont un lien direct avec les lignes d’activité les plus rentables.
Pour ce faire, les DSI et les RSSI sont invités à adopter des métriques axées sur les résultats (Outcome-Driven Metrics ou ODM). Gartner en a concocté seize pour aider les entreprises à comparer leurs niveaux de protection avec leurs pairs. Ces ODM sont pensés pour être diffusés auprès des membres du comité exécutif. Ce partage à haut niveau permettrait aux dirigeants de mieux comprendre à quoi servent réellement les millions d’euros dépensés dans la sécurité, selon Ed Gabrys.
Ed GabrysVice-président et analyste, Gartner
Il y a toutefois des compromis à faire, en matière de performance ou d’allongement du temps de livraison pour les développeurs, par exemple. Même si une organisation rassemble toutes les parties prenantes autour de la table lors des négociations, Ed Gabrys estime que le PDG et le comité de direction auront le dernier mot. Cependant, les ODM pourraient leur ouvrir les yeux sur d’autres aspects dans la recherche de ce ratio performance – coût – sécurité – délai de livraison.
Toujours dans cette logique de ROI, Gartner suggère aux organisations de souscrire à des accords de niveau de protection. Ceux-ci permettraient entre autres de mieux gérer les politiques de patching, en trouvant le bon équilibre entre fréquence de mises à jour et coûts, suivant l’importance des actifs en place.
La réduction des coûts de cybersécurité est une conséquence de cette politique, mais ce n’est pas l’objectif premier. Selon Gartner, les entreprises sont à la recherche d’une forme d’efficience en la matière.
« Depuis longtemps, il y a une très forte déconnexion entre la DSI et le comité de direction », affirme Ed Gabrys lors de la conférence de presse. « Les PDG nous posent souvent cette question : “est-ce que je dépense suffisamment d’argent dans la sécurité ?”. Évidemment, il ne s’agit pas de savoir si vous dépensez suffisamment, mais si vous le faites efficacement ».
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