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Filecoin : un réseau de stockages en ligne fédérés par une blockchain

Côté utilisateurs, Filecoin attribue un numéro de série à chaque fichier. Côté hébergeurs, Filecoin est une cryptomonnaie. À l’horizon, il pourrait surtout s’agir d’une technologie pour héberger des NFTs.

Et soudain, la sulfureuse blockchain s’empara des services de stockage en ligne. Au prétexte de développer un moyen pour conserver des fichiers à la manière du Web3 – c’est-à-dire en leur attribuant à chacun un numéro de série infalsifiable – la startup américaine Protocol Labs a mis au point un système qui permet aux hébergeurs de spéculer sur le coût des accès à des données en ligne : Filecoin.

Dans le principe, il s’agit pour les hébergeurs de rejoindre un réseau où chaque fichier stocké aura un identifiant unique, le CID (Content IDentifier), selon un protocole d’accès appelé IPFS (Inter-Planetary File System), lui-même inventé par Protocol Labs. Chaque hébergeur calcule les identifiants des fichiers qu’il héberge chez lui, grâce à l’algorithme d’une blockchain, appelée le Filecoin.

Comme tous les hébergeurs du réseau accèdent à la même blockchain, ils indexent tous les fichiers, ceux qu’ils stockent sur leur infrastructure et ceux stockés sur les infrastructures des autres. Ils font donc office de passerelle lorsqu’un utilisateur près de chez eux veut accéder à un fichier hébergé chez quelqu’un d’autre. Les fichiers sont atteignables depuis le monde entier via une URL universelle du style « ipfs://<CID> ».

Si d’aventure le fichier devait être modifié, alors sa mise à jour serait considérée comme un autre fichier, avec un autre identifiant CID.

« L’idée est d’utiliser le réseau pour des données que l’on veut publier avec l’assurance qu’elles ne seront pas modifiées. Imaginez un reporter de guerre qui poste des photos depuis le terrain, des instituts qui publient des recherches, des musées qui partagent des copies numériques des œuvres », explique Colin Evran, le directeur de l’écosystème et des opérations chez Protocol Labs, lors d’une rencontre avec LeMagIT à l’occasion d’un récent événement IT Press Tour dans la Silicon Valley.

Et d’ajouter sans plus attendre le mot-clé qui réjouit toute la sphère web3 : « FileCoin est aussi le réseau idéal pour publier des NFT ! », se réjouit-il, en faisant référence à ces fichiers numériques – souvent des équipements dans les jeux vidéo, mais il pourrait s’agir de dessins, de musiques – dont le numéro de série les attribue à un acheteur unique.

Créer un écosystème d’hébergeurs de stockage en ligne

Passons au système de paiement. Pour pouvoir stocker des fichiers sur le réseau FileCoin, les clients finaux doivent acheter des DataCaps auprès de portails appelés les « notaires ». À l’heure actuelle, un DataCap donne droit à 32 Go de stockage par an. Oui, a priori, il faut payer tous les ans pour conserver son stockage. Ensuite, le portail présente à l’utilisateur une liste d’hébergeurs partenaires chez qui dépenser ses DataCaps.

Attention : l’utilisateur doit acheter comme d’habitude de l’espace de stockage chez l’hébergeur. Tout au plus, Protocol Labs explique que, a priori, les clients devraient bénéficier d’un tarif préférentiel s’ils viennent avec des DataCaps.

En échange des DataCaps qu’il reçoit, l’hébergeur voit un prix en Filecoins (ou « FILs ») attribué à son stockage. Par ailleurs, l’hébergeur est également rémunéré en Filecoins au moment où il « mine » les identifiants CID des fichiers de ses utilisateurs.

L’hébergeur dépense ses Filecoins pour payer un droit d’accès à un autre hébergeur, ce qui arrive quand ses clients veulent accéder à un fichier qui se trouve chez cet autre hébergeur. Et il reçoit lui-même une rémunération en Filecoins quand un autre hébergeur accède à un fichier stocké sur ses disques. Comme on parle de fichiers qui ont vocation à être publiés à l’attention du public – voire de NFTs disons vendus par une entreprise américaine à des utilisateurs européens – les accès entre hébergeurs devraient être fréquents.  

A priori, ce serait un cercle vertueux : plus on a de Filecoins, plus on est un hébergeur qui a accès à des ressources, plus on séduit de clients et plus on gagne de Filecoins.

Un système cryptique

En pratique, comme tout ce qui touche aux monnaies virtuelles, le Filecoin a une documentation bizarrement cryptique. La page censée expliquer aux hébergeurs comment ils s’enrichiront se borne à parler du rôle des clients et des notaires – ce qui n’est pas le sujet – et renvoie sur des rendez-vous à prendre en ligne, dans l’intimité d’un one-2-one avec un expert.

En cheminant par divers liens improbables, LeMagIt a fini par trouver un document de 34 pages qui tente d’expliquer le modèle économique du Filecoin. Il raconte plutôt comment fonctionne une blockchain et mentionne que les hébergeurs doivent stocker chez eux des copies locales pour les clients des autres hébergeurs, ou payer des indemnités s’ils quittent le système.  

Initié il y a deux ans, le réseau Filecoin totaliserait aujourd’hui une capacité de stockage de 18,9 exaoctets (18,9 millions de To) répartis chez 4 500 hébergeurs. Pour pousser le concept auprès du public, Protocol Labs a créé son propre service de stockage en ligne dédié aux NFT et appelle, justement, les hébergeurs à en stocker chez eux des copies pour la redondance de son offre.

La startup s’est par ailleurs associée à divers projets en lien à la blockchain Ethereum, dont Fleek. Il s’agit d’une plateforme pour créer des sites marchands, où l’on paie en cryptomonnaie Ethereum, avec des URL référencées par Ethereum et où le tout est stocké sur le réseau Filecoin.

Dernièrement, la startup a créé Filecoin Saturn, une offre pour permettre aux particuliers de devenir eux-mêmes hébergeurs de copies locales. Selon Protocol Labs, l’idée serait celle d’un CDN (Content Delivery Network) : permettre aux clients du réseau d’accéder plus rapidement à leurs fichiers en allant les chercher sur les disques durs de personnes qui résident non loin.

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