IaaS, PaaS et SaaS : comment Oracle joue sur les trois fronts
Lors de sa conférence CloudWorld 2022, Oracle a tenté de convaincre ses clients infrastructure et bases de données d’adopter ses applications SaaS ; tandis que les clients SaaS sont invités à utiliser les services IaaS et PaaS du fournisseur.
Une salle, deux ambiances. D’un côté, Oracle a présenté un ensemble de services IaaS et PaaS, des solutions hybrides, multicloud et même presque souveraines. De l’autre, il a dévoilé les nouveautés entourant ses offres ERP, HCM, SCM, EPM et CDP.
Sur les trois conférences principales, une seule des sessions était consacrée aux annonces liées à Oracle Cloud Infrastructure (OCI). Plus de 1 250 sessions – souvent plus techniques – avaient lieu dans les « petites » salles de conférence du complexe hôtelier Venetian à Las Vegas.
« Si vous n’êtes pas intéressés par les détails de notre infrastructure cloud, vous allez sûrement passer un mauvais moment », a plaisanté Clay Magouyrk, EVP Cloud Infrastructure chez Oracle lors de sa conférence sur la grande scène. « Si vous aimez notre infrastructure cloud, vous pourriez aussi passer un mauvais moment, mais apprendre certaines choses au passage ».
Clay Magouyrk a surtout mis l’accent sur la stratégie multicloud d’Oracle et ses offres de « cloud souverain », à savoir EU Sovereign Cloud et Alloy. Certaines nouvelles offres IaaS et PaaS ont été simplement évoquées.
Une offre de plus en plus verticalisée
De son côté, Larry Ellison a présenté pendant 15 minutes les mêmes offres… Avant de passer une heure à détailler les efforts d’Oracle dans la lutte contre la COVID-19 et à présenter les améliorations apportées aux logiciels de santé de Cerner, acquis pour 28 milliards de dollars en 2021. Aussi, le CTO a prôné la création d’une base de données nationale dédiée aux parcours de soins des patients (plutôt que de leur situation financière) aux États-Unis.
En ce sens, l’ERP, le SCM et le HCM de la gamme Oracle Fusion bénéficieront d’ajouts ciblant les cliniques, les hôpitaux et les centres de soins. L’offre cible plus particulièrement les établissements américains.
Pour d’autres verticaux, Oracle a lancé B2B Commerce. Avec ce service, le fournisseur a pour ambition « d’éliminer les défis d’intégration de systèmes, de processus et de données » qui complexifient habituellement les transactions BtoB. Pour l’instant, B2B Commerce correspond à deux intégrations. L’une lie Cloud ERP aux services de JP Morgan Payments, l’autre connecte Cloud ERP aux systèmes de FedEx.
Avec JP Morgan Payments, il s’agit de réduire la complexité de configurations avec des processus automatisés de bout en bout pour accélérer la collecte des fonds, les remboursements, et le traitement des opérations spécifiques aux cartes de crédit. Dans le cas de remboursement de clients communs entre JP Morgan Payments et de l’utilisateur de B2B Commerce, les autorisations seront envoyées en « quasi-temps réel » pour garder une piste d’audit générée automatiquement.
Cormac Watters SVP Applications EMEA, Oracle.
Avec FedEx, il s’agit d’obtenir un modèle prépackagé d’intégration pour obtenir des informations sur le devis d’une prestation de livraison, la livraison elle-même, et son suivi.
Selon les porte-parole, ces intégrations qui concernent en premier lieu le marché américain sont des vitrines. « Nous avons mis en place un framework technique », explique Cormac Watters, SVP Applications EMEA chez Oracle, auprès d’un petit comité de journalistes. « Les annonces avec JP Morgan et FedEx sont deux exemples de faisabilité, mais c’est aussi un moyen de montrer qu’Oracle est davantage ouvert aux partenariats pour étendre son offre », ajoute-t-il.
Par la suite, la même approche pourrait être développée avec d’autres partenaires et dans d’autres régions du monde, par exemple au sein du marché EMEA.
Laisser de la place aux partenaires
Ces notions d’intégration, d’unification et d’automatisation sont également au cœur de l’annonce d’Oracle Applications Platform. Il s’agit de donner l’accès aux clients et aux partenaires aux composants UX Redwood. Ce SDK contient des blocs, des composants de télémétrie, de recherche, certaines logiques métiers et d’usages spécifiques, des visualisations de données et une interface low-code. Applications Platform est pensée pour donner le même « look & feel » (sic) à toutes les applications Oracle Fusion. Même celles qui seraient en réalité des extensions de la suite applicative.
Car, tout comme SAP qui encourage fortement ses clients à ne plus modifier le cœur de son ERP lors de déploiements spécifiques, Oracle a mis en place pour Fusion un processus standard de mise à jour trimestriel. S’il ne règle pas toutes les difficultés inhérentes aux montées de versions – notamment lors des phases de tests avant mise en production –, ce processus doit assurer que tous les clients d’Oracle Fusion disposent d’une seule et même plateforme Fusion. Selon Cormac Watters, 8 000 d’entre eux utilisent la plateforme SaaS en production.
Si plus de 11 000 clients ont opté pour Oracle Fusion et plus de 29 000 pour NetSuite – l’autre plateforme SaaS d’Oracle, celle qui cible les ETI et les startups – une bonne partie des clients des suites applicatives existantes d’Oracle n’ont pas franchi le pas du cloud.
Pour rappel, il n’y a pas de chemins de migration directs des différents ERP d’Oracle (E-Business Suite, JD Edwards et PeopleSoft) vers Fusion. Oracle ne s’appuie que sur les données des clients et non pas sur les existants.
La méthode proposée par le fournisseur consiste à offrir aux clients des processus génériques qu’ils modifient au besoin par itération successive, généralement en trois étapes. C’est de cette manière que l’aéroport d’Heathrow à Londres a passé tout son back-office d’E-Business Suite 12,1 vers Oracle Fusion. Capgemini et Oracle Consulting étaient à la manœuvre. Et si dans le cas particulier du gestionnaire aéroportuaire les processus sont standards, puis documentés à l’aide de schémas BPMN, Oracle incite à déporter les développements spécifiques dans des extensions gérées par les partenaires.
« Nous montrons aux clients une version préconfigurée des applications Fusion avec leurs données et des processus standards », explique Cormac Watters. « Après quelques tests, ils veulent souvent personnaliser 25 à 30 % de ces processus. Nous adaptons le deuxième prototype en conséquence. À la fin d’un projet, il reste peut-être 5 % des processus qui ont besoin de ces extensions ».
« Les extensions créées par les partenaires nous permettent d’effectuer les derniers kilomètres, de répondre aux demandes les plus spécifiques », poursuit-il.
Cloud : Oracle se sent « différent »
Toutefois, sur certains aspects, Oracle souhaite conserver la main. « Vous aurez de plus en plus d’IA et de machine learning au cœur de Fusion », anticipe Cormac Watters. « Les clients utiliseront ces capacités comme des sources d’innovation plutôt que d’avoir à en recréer certaines ».
Cormac WattersSVP Applications EMEA, Oracle
Ces clients peuvent pourtant utiliser des services cloud à leur disposition dans OCI pour effectuer certaines tâches qui ne seraient pas automatisées dans les applications SaaS, selon le responsable.
Et le fournisseur se dit alors que faire appel à des services OCI dans ce cadre est une bonne chose pour lui, ses partenaires et ses clients. Lors de la conférence consacrée aux applications SaaS, Steve Miranda, EVP Application Development chez Oracle, a insisté sur le fait que la majorité des clients ont bénéficié d’une migration de leurs applications sur OCI Gen 2, leur promettant un gain de 30 % de performance, davantage de sécurité et un SLA de 99,9 %.
Richard Smith, SVP Tech EMEA chez Oracle, est persuadé, comme l’ensemble des porte-parole du groupe s’étant exprimé la semaine dernière, qu’Oracle est « différent » des trois géants du cloud.
« Je pense qu’Oracle a une proposition de valeur unique avec son portefeuille applicatif et son portefeuille IaaS », affirme-t-il. « En tant que fournisseur, je pense que cela nous différencie considérablement de l’environnement concurrentiel ».
Outre son ouverture au cloud hybride, les membres de l’AUFO (Association d’Utilisateurs Francophones d’Oracle) et du Club JD Edwards (Groupe Francophone des Utilisateurs JD Edwards) retiennent surtout les moyens mis en place par le fournisseur pour convaincre les clients applications de migrer vers son cloud. « Un véritable accompagnement est proposé par Oracle pour les clients en offrant un crédit sur les services OCI en fonction du coût des licences Oracle Technology Foundation ».
En clair, en sus d’un soutien technique, le fournisseur mise sur la conversion des licences applicatives existantes en crédits cloud. Cette technique n’est pas nouvelle, LeMagIT l’a notamment observé chez l’éditeur spécialiste du PLM Siemens.
Des ponts à bâtir pour les clients on-premise
De manière générale, le fournisseur peut tenter de convaincre 430 000 clients de migrer vers son cloud ou d’augmenter leur empreinte dans OCI.
Pour persuader les clients on-premise, le fournisseur mise non seulement sur son approche multicloud et hybride, mais aussi sur l’automatisation et les fonctions intégrées. Larry Ellison, Steve Zivanic ou encore Richard Smith ont mis en avant les capacités d’Autonomous Database.
« Cela a complètement changé l’environnement traditionnel de déploiement, d’orchestration, de gestion de bases de données, de sorte que la migration vers Autonomous Database est peu risquée », défend Richard Smith. « Beaucoup de choses sont auto-approvisionnées, auto-orchestrées, auto-gérées », martèle-t-il.
Si le pont le plus évident entre les offres IaaS/PaaS et SaaS semblent être la connexion des bases de données avec le catalogue Oracle BI, le fournisseur met davantage en avant APEX, sa plateforme low-code/no-code. Celle-ci est intégrée à son SGBD depuis 2004 et est incluse dans la licence « sans coût additionnel ».
Inclus dans Oracle 23c, APEX 22,2 permettra de généra des applications progressives (PWA) pouvant être déployées sur le Web ou sur mobile.
Surtout, « les développeurs ont désormais accès à des intégrations prêtes à l’emploi avec des applications et des données tierces », informe un communiqué de presse. La note de mise à jour 22.2 ne mentionne pas ces applications tierces.
En revanche, avec APEX, il est déjà possible d’accéder aux données résidant dans des bases SQL Server et Synapse Analytics sur Azure, MySQL, PostgreSQL, Snowflake ainsi qu’Amazon RedShift depuis une gateway Oracle, et ce sans les répliquer.
Enfin, le fournisseur a répété à ses clients, dont les membres de l’AUFO et du Cloud JD Edwards, qu’APEX « permettrait de s’intégrer avec les applications Fusion ». Encore faut-il qu’Oracle arrive enfin à convaincre les clients d’utiliser ces fonctionnalités « embarquées » souvent méconnues.