Nutanix serait à vendre
L’inventeur de l’hyperconvergence aurait reçu une mystérieuse offre de rachat. Son rival dans les datacenters, VMware, sait déjà qu’il sera avalé par Broadcom. Une inquiétude plane sur l’avenir de la virtualisation.
Nutanix serait à vendre, selon le Wall Street Journal et Reuters. La rumeur prétend que le célèbre éditeur de la plateforme d’hyperconvergence AOS aurait reçu une offre de rachat et réfléchirait actuellement aux dispositions à prendre. Aucun indice n’a filtré quant à l’identité de l’acheteur, qui pourrait être un autre fournisseur de l’IT ou un fonds d’investissement. Le principal intéressé n’a pour l’heure pas fait de commentaire, un proche du dossier ayant rappelé au MagIT que les spéculations n’entraient pas dans la politique de communication de cette entreprise.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle rumeur de rachat circule. En 2015, Cisco aurait déjà tenté de mettre la main sur Nutanix. En 2019, plusieurs analystes évoquaient un rachat imminent par Google, pour 9 milliards de dollars.
La seule action qui se soit quelque peu concrétisée en ce sens est l’entrée au capital du fonds d’investissement américain Bain Capital, en 2020. Celui-ci a injecté 750 millions de dollars dans Nutanix en échange de la nomination d’un nouveau PDG de son choix. C’est à ce moment-là que le fondateur Dheeraj Pandey a annoncé prendre une retraite aussi anticipée que soudaine. Il est depuis remplacé par Rajiv Ramaswami (en photo), qui est l’ancien patron de la branche Réseau & Sécurité chez le concurrent VMware.
Selon ses derniers résultats, publiés en août dernier, Nutanix a réalisé un chiffre d’affaires annuel de 1,58 milliard de dollars pour l’exercice fiscal qui vient de se clôturer, soit 13 % de mieux que l’année précédente. Pour autant, ses bénéfices sont toujours négatifs : la perte annuelle est estimée à 797,5 millions de dollars. Là aussi, on note une amélioration par rapport à l’année précédente, lors de laquelle Nutanix avait essuyé plus d’un milliard de dollars de pertes.
L’annonce de ces résultats s’accompagnait d’un message plus discret, à l’attention des partenaires financiers, concernant le licenciement de 4 % de la masse salariale. Dans le but de redresser les comptes.
Nutanix, éternel rival de VMware
Depuis plus de dix ans, Nutanix œuvre à packager une infrastructure virtualisée clés en main. Il est pour ainsi dire celui qui a popularisé le concept d’infrastructure hyperconvergée : un cluster d’au moins trois nœuds qui se comporte comme un pool global de ressources de calcul et de stockage.
Sa solution était initialement basée sur des appliances matérielles qui intégraient le plus souvent l’hyperviseur ESXi de VMware. Elle a évolué en une solution purement logicielle, livrée préinstallée sur des serveurs HPE, Fujitsu, Lenovo ou SuperMicro (mais plus Dell), et basée sur son propre hyperviseur, AHV. L’argument de ce dernier est qu’il ne change rien au produit, mais permet d’en baisser radicalement le prix, puisqu’il évite l’achat d’une licence VMware.
La rivalité entre Nutanix et VMware, le numéro 1 de plateformes de virtualisation, a culminé vers 2017-2018, lorsque les deux fournisseurs détenaient chacun un tiers du marché des solutions hyperconvergées. VMware aurait néanmoins réussi à reprendre l’avantage commercial en mettant en place toute une série de bundles intégrant son logiciel d’hyperconvergence, vSAN, à des solutions clés en main de virtualisation basées sur sa solution vSphere.
Au tournant des années 2020, en pleine crise du Covid-19, Nutanix fait preuve d’une étonnante capacité à s’emparer du sujet télétravail, en packageant sa solution sous la forme d’un service de virtualisation des postes Windows distants, qui fonctionne sans aucun problème en cloud.
Le danger : Kubernetes fait vaciller les leaders de la virtualisation
Néanmoins, la menace est ailleurs. Montant doucement en puissance depuis 2015, le logiciel Open source Kubernetes ringardise de plus en plus le principe même de virtualisation. Les containers qu’il manipule permettent de passer les applications d’un datacenter à un cloud, et d’un cloud à l’autre, bien plus facilement que ne le font les machines virtuelles de VMware et Nutanix. VMware réagit en développant sa propre implémentation de Kubernetes, appelée Tanzu. Nutanix réplique en proposant des ventes groupées de ses logiciels avec ceux de Red Hat, lequel est déjà leader de l’écosystème Kubernetes avec son système OpenShift.
La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si ces actions vont permettre à VMware et Nutanix de survivre à une virtualisation en perte de vitesse.
Concernant l’éditeur VMware, les signaux ne sont pas au vert. En 2021, sa maison mère Dell se sépare de lui. Quelques semaines plus tard, Broadcom annonce qu’il s’en emparera. Broadcom est un fabricant américain de semiconducteurs, plutôt spécialisé dans les puces réseau et télécoms ; une activité qui n’a pas grand-chose à voir avec la virtualisation des serveurs. Surtout, il se traîne la mauvaise réputation de piller les caisses des marques qu’il rachète, ce qui incite les analystes à un certain pessimisme concernant l’avenir de VMware.
À date, on ignore totalement si Nutanix est condamné à suivre le même sort. Ou si, au contraire, les déboires de VMware ne seraient pas pour lui l’opportunité d’occuper une place de numéro 1 devenue vacante.