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Malgré la crise, Fieldbox.ai observe la croissance de l’IA dans la sphère industrielle
La startup Fieldbox.ai témoigne de l’appétit des grands groupes pour les projets d’intelligence artificielle appliquée à l’industrie. Un appétit qui, malgré la crise, ne diminue pas selon son cofondateur.
Fondée entre 2011 et 2012 au sein de l’incubateur Telecom ParisTech, la startup IDMOG s’est installée à Bordeaux en 2014. Elle s’était spécialisée dans le développement de solutions logicielles pour les acteurs pétroliers et gaziers. Depuis, la société a changé de nom – Fieldbox.ai – et est passée de 6 à 80 personnes. Fieldbox.ai est également installée à Paris et à Singapour.
« Un de mes deux associés travaillait sur un site industriel. La journée, il traitait des données à la main, et le soir, il développait des outils pour automatiser les traitements », se rappelle Aymeric Préveral-Etcheverry, cofondateur et directeur général de Fieldbox.ai. « Il s’est rendu compte que ce problème qu’il avait, c’est-à-dire le besoin d’amener de l’intelligence au traitement de la donnée industrielle, se retrouvait dans beaucoup d’entreprises », poursuit-il. « Dès le départ, nous avons eu cette volonté de développer des outils qui permettent aux industriels d’améliorer leur efficacité en utilisant mieux leurs données ».
Depuis, Fieldbox.ai a « élargi le périmètre » de son activité. « Nous couvrons différents secteurs d’activités industrielles : la logistique, la supply chain, l’industrie manufacturière, l’énergie, la ville intelligente », explique Aymeric Préveral-Etcheverry. Les clients de l’entreprise sont de grands groupes comme Suez, Total, le groupe Aéroport de Paris, la RATP, SNCF et des ETI. Au total, la société dénombre 50 clients et opère ses solutions installées sur 150 sites industriels.
« Par exemple, pour un client, nous allons répondre à une problématique de réduction de consommation d’énergie sur une machine, de détection de la casse d’un compresseur, d’allumage de pompes au bon moment pour réduire la consommation d’énergie », illustre le PDG.
Une « triple expertise » mêlant intelligence artificielle et savoir industriel
Mais cela ne dit pas concrètement ce que fait Fieldbox.ai. « Nous avons une triple expertise. Premièrement, nous comprenons les besoins métiers », affirme Aymeric Préveral-Etcheverry. « Deuxièmement, nous avons des data scientists capables de répondre aux besoins exprimés en développant l’algorithme adéquat. Troisièmement, notre expertise en développement et en DevOps nous permet de concevoir l’application, de la déployer et de la maintenir en condition opérationnelle ».
Dans ce cadre, la R&D de Fieldbox développe des briques logicielles, des librairies en Python, des modèles préentraînés, ou encore des templates. « Nous essayons de ne pas être seulement un cabinet de conseil ou de traitement des données, mais d’avoir une ambition technologique plus globale », énonce le PDG. « Nous contribuons au projet PyTorch, nous publions des articles de recherche et nous les partageons lors de conférences ».
En ce sens, la société ne développe pas de métamodèles, contrairement à Meta ou OpenAI. « Nous essayons d’être pragmatiques, de trouver le bon modèle par rapport au cas d’usage », indique le dirigeant. « Quand nous avons besoin de recourir à des algorithmes de deep learning, nous regardons ce qui est disponible dans l’écosystème open source et nous pouvons effectuer du transfer learning ».
Pour rappel, le transfer learning ou apprentissage par transfert vise à appliquer les connaissances d’un modèle conçu pour effectuer une tâche – par exemple, la reconnaissance d’objets dans une image – à une autre tâche.
Pour établir certains cas d’usage, les industriels ont parfois peu de données. « Dans ce cas-là, nous utilisons des modèles de machine learning standards », avance le PDG. Fieldbox.ai s’intéresse également au « domain adaptation », une sous-technique de l’apprentissage par transfert.
La société défend une expertise supplémentaire, appréciée des ingénieurs industriels. D’ailleurs, l’équipementier Bosch en a fait son leitmotiv. « Systématiquement, dans nos équipes, nous avons des data scientists et des ingénieurs pour croiser des modèles d’apprentissage artificiels avec des modèles physiques réels ».
Selon Aymeric Préveral-Etcheverry, un « buzzword » qualifie cette pratique : « physics informed AI ». « Il y a des annonces en grande pompe sur le marché, mais parfois il suffit de recoder une règle de physique dans un modèle et cela fait le travail », considère-t-il.
Des cas d’usage de plus en plus variés…
Au quotidien, Fieldbox répond à trois grandes familles de projets. « Nous traitons tout ce qui est lié à la maintenance des équipements. Il s’agit d’abord d’optimiser la maintenance, voire de la rendre prédictive si possible », avance-t-il.
Le PDG semble considérer que l’expression maintenance prédictive est en partie galvaudée. « La véritable maintenance prédictive repose sur de l’apprentissage supervisé, avec un jeu de données très propre. En théorie, c’est le cas particulier idéal », note le PDG. « Avant cela, nous pouvons faire de l’apprentissage non supervisé, de faire de la détection de signaux faibles sur des clusters de données où l’équipement fonctionne anormalement ».
Aymeric Préveral-Etcheverry cite le cas de son client Valorem, un opérateur de champs de panneaux photovoltaïques. « Avec Valorem, nous récupérons l’ensemble des signaux en provenance des panneaux photovoltaïques, mais aussi des équipements électriques qui les entourent. Notre algorithme permet d’identifier quels panneaux sont les plus défaillants pour optimiser la maintenance et donc la productivité du site », présente-t-il.
Le deuxième type de projets concerne l’optimisation des opérations, ce que le PDG résume par l’utilisation d’algorithmes de recommandation. « Cela peut être de recommander la température d’un four, la vitesse d’une pompe, une trajectoire pour un véhicule ».
« Par exemple, nous codéveloppons avec la RATP un modèle pour aider les opérateurs à décider quel train doit aller dans quelle gare à quel moment », illustre-t-il. « Il y a évidemment des plannings, mais en fonction des aléas – les retards, les objets sur la voie – l’opérateur doit réagir très rapidement pour rediriger un train dans une gare ».
Le modèle algorithmique en question prend en compte l’ensemble des paramètres qu’un opérateur vérifie pour prendre sa décision. « C’est-à-dire combien de temps le conducteur a déjà travaillé ? Est-ce que le train doit aller en maintenance ? Etc. ».
Le modèle doit « très rapidement » effectuer des scénarios de recommandations à l’opérateur « pour diminuer sa charge cognitive ».
Aymeric Préveral-EtcheverryCEO, Fieldbox.ai
D’ailleurs, cette notion d’optimisation des opérations gagne en popularité chez les clients de Fieldbox.ai, à cause de la crise énergétique actuelle. « Nous travaillons avec beaucoup de clients pour optimiser leurs factures d’énergie. C’est un gros sujet chez eux en ce moment », estime le PDG.
La troisième thématique concerne la vision par ordinateur. « Sur les sites industriels, il y a un gros parc de caméras déjà installées pour surveiller les installations. Cela peut servir à des fins détournées pour automatiser des opérations », relate-t-il.
C’est ce que Fieldbox.ai a mis en place avec Suez. Le spécialiste de l’eau inspecte les petites canalisations du réseau à l’aide de caméras. Les images étaient uniquement visionnées par des opérateurs humains. « Je vous laisse imaginer l’intérêt de regarder ce type de vidéos afin de pouvoir indiquer qu’au kilomètre 12 il y a une racine ou qu’au kilomètre 45 il y a un effondrement », déclare Aymeric Préveral-Etcheverry. « C’est quelque chose que l’on peut tout à fait automatiser avec un modèle de computer vision ».
Fieldbox.ai a développé un algorithme capable de détecter des objets. Il est embarqué dans une application qui laisse l’opérateur prendre la décision pour des « cas limites », que le modèle aurait du mal à reconnaître. Suez aurait réduit le temps de visionnage de 80 %, amélioré la qualité de service ainsi que ses temps d’intervention.
… En production
Aymeric Préveral-EtcheverryCEO, Fieldbox.ai
Le dirigeant de la société assure que ce ne sont pas seulement des POC ou des expérimentations. « Le purgatoire des POC a été une réalité », admet-il. « Aujourd’hui, je pense que la situation a radicalement changé. Les métiers et les opérationnels ont compris les gains possibles. Les opérationnels en veulent. Maintenant, il faut que l’intendance suive : il faut trouver les moyens de déployer ».
Aymeric Préveral-Etcheverry évoque le fait qu’environ 70 % des projets de traitements de données et d’IA échouent chez les industriels. « C’est justement là que nous positionnons notre triple expertise », vante-t-il. « Il faut accompagner les métiers, avoir des algorithmes fonctionnels et maîtriser les déploiements ».
Une montée en puissance du cloud chez les industriels
Outre un plus grand nombre de cas d’usage, le PDG observe la montée en puissance du cloud chez ses clients industriels.
« Pendant ces deux dernières années, nos clients ont commencé à rattraper leur retard en matière d’adoption cloud, surtout en ce qui concerne les sujets industriels », remarque-t-il. « Avant la pandémie, nous faisions souvent des déploiements sur site, à base de virtualisation. Pendant la Covid, les industriels ont eu le temps d’améliorer leurs infrastructures IT. De plus en plus souvent, nous déployons des projets de manière agnostique, souvent sur Azure, mais aussi GCP, AWS ou OVHcloud ».
Les lacs de données plus ou moins matures sont utilisés pour récolter des données industrielles. « Nous, nous orchestrons les projets dans des clusters Kubernetes, dans le compte cloud du client ».
Les déploiements Edge et hybride commencent à se démocratiser. « Ce que nous faisions historiquement, c’est-à-dire déployer nos applications sur site sur du VMware, nous sommes en train de le voir revenir via des solutions comme Azure Edge. Nous, nous utilisons beaucoup le projet K3S, mais nous suivons les choix d’infrastructures du client ».
En outre, la problématique du cloud souverain, et plus généralement de la protection des données industrielles, est de plus en plus comprise par les clients de Fieldbox.ai, assure Aymeric Préveral-Etcheverry.
Aymeric Préveral-Etcheverry
« Il y a quelques années, nous sensibilisions nos clients sur la localisation et les problématiques de protections des données. Nous avions plutôt un rôle de prescripteur. Aujourd’hui, le client lui-même est tout à fait conscient des sujets, et effectue des demandes en ce sens. Donc, je pense que l’offre [de cloud souverain] se déploie heureusement. Cela correspond à un vrai segment de marché qui va être de plus en plus important », anticipe-t-il.
Les projets « bien cadrés » demanderaient trois à quatre mois de développement, quand les sujets plus complexes réclament environ un an de gestation, selon le responsable. Cela n’effraie pas les entreprises : Fieldbox.ai prévoit une croissance de 25 % de son chiffre d’affaires pour l’année 2022. La startup compte recruter une quarantaine de personnes l’année prochaine.
« Il s’agit de répondre à la demande du marché : il y a différents sujets liés à la consommation d’énergie, à l’optimisation de la logistique, etc. », observe le dirigeant. « Globalement, les industriels ont aligné les briques technologiques, maintenant, ils cherchent à obtenir les retours sur investissement ».
En la matière, les projets logiciels sont perçus comme des solutions efficaces en comparaison à l’achat de nouveaux équipements souvent coûteux et compliqués à installer, selon le responsable.