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MicroStrategy : de plus en plus Bitcoin, de moins en moins BI ?
MicroStrategy change de PDG. Son fondateur, Michael Saylor reste au conseil d’administration et se concentrera sur la stratégie bitcoin de l’éditeur. Son successeur devra relancer l’activité BI, dans un contexte où MicroStrategy apparaît de plus en plus comme un fonds d’investissement spéculatif en cryptomonnaie.
Le fondateur de MicroStrategy, spécialiste de la Business Intelligence (BI), a décidé de quitter son poste de président-directeur général (CEO), qu’il occupait depuis la création de l’entreprise en 1989, pour se concentrer sur la fonction de « Executive Chairman », au sein du Conseil d’administration. Michael Saylor consacrera désormais l’intégralité de son temps à la nouvelle stratégie d’investissement de MicroStrategy.
Sous l’impulsion de Michael Saylor, MicroStrategy a en effet « pivoté » de la BI vers une seconde activité : les cryptomonnaies. L’éditeur a placé la quasi-totalité de sa trésorerie en bitcoins et a même contracté des prêts pour en acquérir. Lors de ses résultats 2022, MicroStrategy indiquait posséder 129 218 bitcoins, et avoir dépensé 3,97 milliards de dollars dans cet actif numérique.
Dans le même temps, ses résultats dans la BI – son cœur de métier historique – ont connu un rebond en 2021, mais après plusieurs années décevantes qui ont vu ses revenus s’éroder, malgré un plan de relance ambitieux en 2016.
MicroStrategy a réalisé 510 millions de revenus en 2021, pour un résultat d’exploitation (Operating Income) de 46 millions – qui, lui, est en recul par rapport à l’année précédente (57 millions en 2020). Côté positif, l’éditeur accroît ses efforts de R&D (qui sont passées de 100 millions $ à 120 millions). Côté négatif, ces résultats ne permettent pas d’alimenter, seuls, le montant des achats massifs de bitcoins de la société.
MicroStrategy, un « tracker officieux »
En séparant les postes de Executive Chairman et de CEO, Michael Saylor officialise en tout cas un peu plus la double activité de sa société, voire la prépondérance de son activité financière sur celle d’éditeur d’analytique.
Signe de ce « pivot », le cours de bourse de MicroStrategy oscille au gré des évolutions du bitcoin. Logique si l’on écoute Michael Saylor qui déclarait au média économique américain CNBC, en avril, qu’il voyait désormais sa société (dont le « M » et le « S » dans le nom reprennent ses propres initiales) comme un « ETF officieux ».
Pour rappel, un ETF – ou un tracker – est un outil financier qui reproduit les performances d’un indice ou de plusieurs indices (CAC 40, tous les indices français, Nasdaq, etc.). Pour Michael Saylor, MicroStrategy est devenu l’équivalent d’un fonds qui reproduit les évolutions du bitcoin, et qui propose à ses actionnaires de faciliter leurs placements en cryptomonnaie (sans wallet, etc.), en passant par le marché actions et non par une place de marché spécialisée (Coinbase, etc.).
Si la stratégie a paru miraculeuse en 2021 – l’action de MicroStrategy est passée de 100 $ en avril 2020 à plus de 1 000 $ en février 2021 –, elle a connu une sévère correction en redescendant à 150 $ en juin 2022.
Depuis, et à date de cet article, l’action a rebondi aux environs des 280 $. Une forte volatilité qui témoigne, elle aussi, de la prépondérance de la nouvelle activité de MicroStrategy.
MicroStrategy reste dans la BI
L’ancien directeur financier et président Phong Le succède à Michael Saylor au poste de PDG. La mission qui lui est assignée est de développer et de relancer l’activité BI de MicroStrategy.
Le nouveau CEO est amené à conduire la stratégie cloud de l’éditeur. Celle-ci implique de convaincre les clients de migrer leurs charges de travail vers la plateforme SaaS tout en s’assurant d’accueillir les nouveaux venus, et d’augmenter le panier moyen de ceux qui auraient déjà franchi le pas du cloud.
En matière d’analytique et de BI, l’éditeur innove, mais lentement, et mise plutôt sur « l’ouverture » de sa plateforme. Clairement, MicroStrategy ne vise pas exactement le même public que Tableau ou PowerBI. Il propose des fonctionnalités d’analytiques et de BI embarquées que les développeurs peuvent exploiter pour les mettre à disposition des métiers ou de clients finaux. À titre de comparaison, l’éditeur français Toucan Toco adopte peu ou prou la même stratégie.
Cette année, MicroStratregy a renforcé ses librairies et ses outils consacrés aux concepteurs d’applications. Cela passe, entre autres, par un meilleur support de Python et la prise en charge progressive des opérations transactionnelles via la fonction transaction Grid.
Dernièrement, l’éditeur s’est aussi concentré sur l’optimisation et la gestion des charges de travail à des fins de performances. Les administrateurs ont également accès à davantage de fonctionnalités de gouvernance pour contrôler l’accès aux données, aux contenus (rapports, dossiers, etc.) et aux applications par les utilisateurs. Une évolution qui va de pair avec un système de souscriptions que les clients peuvent mettre en place afin de monétiser leurs applications.
En outre, MicroStrategy entend renforcer la sécurité de sa plateforme. Par exemple, la mise à jour de mai a introduit un mécanisme de protection des lignes de données au sein de son data warehouse. En parallèle, l’éditeur attend l’obtention de la certification FedRAMP pour lancer son MicroStrategy Cloud for Government. Une certification qu’il devrait obtenir au cours du mois d’août.
Des crypto-investissements qui plombent les résultats nets
Ces ajouts concordent avec la priorité de l’entreprise au regard de son activité BI : la fourniture d’une plateforme analytique pour les entreprises, un fort accent mis sur l’analytique embarquée, et le cloud.
Reste qu’avec ses investissements dans le bitcoin, MicroStrategy affiche un résultat net record de 1,3 milliard $ sur 12 mois glissants. 1,3 milliard $ de perte…
Une situation que certains clients BI pourraient finir par trouver « à risque » pour la pérennité de leur fournisseur.