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Bluecoders Academy veut renforcer les compétences des recruteurs IT

Le spécialiste du recrutement IT Bluecoders a lancé à travers sa Bluecoders Academy une formation pour donner aux recruteurs un « vernis » technique à même de les crédibiliser auprès des développeurs. Les participants y apprennent également des techniques de profiling qui semblent inspirées de l’OSINT.

Le recrutement de développeurs et d’ingénieurs IT, sous tension depuis plusieurs années, a subi les affres de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine.

Selon une étude de l’APEC dévoilée en avril 2022, l’embauche des cadres informatiques a atteint les niveaux d’avant crise. En clair, les entreprises convoitent de plus en plus les ingénieurs et programmeurs expérimentés, tandis que les écoles ont du mal à suivre les évolutions des SI.

Ces développeurs sont souvent en position de force, note Bluecoders dans une étude publiée en mai 2021. Cible des ESN et des grands groupes, ils peuvent en principe choisir leur poste en fonction des critères qu’ils affectionnent : missions, conditions de travail, salaire ou encore perspectives d’évolution. 

Pour certains d’entre eux, cela tourne au ballet incessant d’appels et de messages privés sur LinkedIn. Ces développeurs très sollicités s’agacent régulièrement du faible niveau de connaissances IT de leurs interlocuteurs. « En réalité, l’on observe une double tension sur ce marché », remarque Jamila Fizazi, directrice et cofondatrice de Bluecoders Academy. « Il y a aussi une pénurie des recruteurs bien formés pour aller chasser ces talents Tech ».

Alors que la demande en profils techniques est multipliée par quatre tous les ans, les offres d’emploi en direction des recruteurs ont connu une croissance similaire en 2019, selon la directrice.

Enseigner la culture IT aux recruteurs

Ce déficit culturel, Bluecoders tente de le résoudre depuis sa création en 2016. La startup s’est spécialisée dans le recrutement Tech en mettant l’accent sur la formation de ses recruteurs aux métiers des développeurs et aux problématiques IT des DSI.

Ainsi, chaque collaborateur de Bluecoders concentre sa recherche de profil sur une stack technique. Cette méthodologie a convaincu 300 entreprises partenaires et permis d’engager près de 1 000 programmeurs et ingénieurs.

Avec son organisme de formation, le cabinet de recrutement souhaite enseigner ses techniques aux autres chasseurs de têtes et tous les recruteurs. Lancé en novembre 2021, Bluecoders Academy propose plusieurs offres. Elle a une solution phare : son bootcamp, dont la première édition s’est terminée le 30 mars dernier.

Cette formation d’une durée de cinq jours comprend 12 objectifs pédagogiques correspondant à des compétences clés que la Bluecoders Academy entend inculquer à ces élèves. « Le programme est articulé autour du partage entre pairs et de retour d’expérience », affirme Jamila Fizazi.

Ces journées sont animées par le CEO et les collaborateurs de Bluecoders qui invitent des responsables en provenance de différentes startups et scale-ups.

Dans l’idée, les deux premières journées de formation sont consacrées à la connaissance l’écosystème IT, à savoir les technologies, les acteurs impliqués, leurs enjeux et leurs besoins RH en fonction de la mission ou des projets IT en cours.

« Il ne s’agit pas d’apprendre aux élèves à coder, mais de leur enseigner un “vernis Tech” pour les rendre crédibles auprès des développeurs ».
Jamila FizaziDirectrice Bluecode Academy

« Il ne s’agit pas d’apprendre aux élèves à coder, mais de leur enseigner un “vernis Tech” pour les rendre crédibles auprès des développeurs », précise Jamila Fizazi. « Nous leur expliquons le fonctionnement du web, d’un framework, d’une API, d’un serveur. Nous leur apprenons à distinguer les différents langages de programmation ou encore les stack techniques », illustre-t-elle.

Profiling, OSINT et jeux de rôle

Les deux journées suivantes sont réservées aux sourcing, à la qualification et au lancement du processus de recrutement.

La première étape consiste à « mentaliser » les candidats en s’appuyant sur leur CV ou leur profil LinkedIn. « La plupart des développeurs ne répondent pas à une offre d’emploi, il s’agit plutôt d’une demande de compétences qui implique souvent un débauchage », constate la directrice de Bluecoders Academy.

Or ces développeurs en poste n’ont pas forcément de temps à consacrer à cette forme de démarchage.

C’est là qu’interviennent différentes techniques de profiling reprenant les grands principes de l'OSINT (open source intelligence, une approche très usitée par les experts du renseignement et de la cybersécurité). À partir du profil LinkedIn d’un développeur, les recruteurs de Bluecoders ont appris à repérer les « dissonances » dans son parcours. Sa carrière, la manière dont il tient sa page LinkedIn, les informations qu’ils donnent et ce qu’ils partagent publiquement en diraient beaucoup sur ses intentions professionnelles. Les renseignements obtenus permettraient alors d’identifier le ou les candidats prêts à changer de poste, leurs valeurs et leurs objectifs de carrière.

Cette approche permettrait d’éviter le recours abusif aux outils de sourcing automatique, dont le rôle se résume souvent à envoyer des messages à des candidats potentiels. « Nous le disons fréquemment à nos élèves : méfiez-vous des facilités du sourcing automatisé, arrêtez de penser que des machines vont faire votre métier à votre place », prévient la directrice de Bluecoders Academy.

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L'équipe de Bluecoders de gauche à droite : Christophe Hébert, CEO et cofondateur, Jamila Fizazi directrice et cofondatrice, Mélanie Jacquet, Growth Marketeuse, Ambroise Bréant, Formateur.

Ensuite, Bluecoders Academy conduit des Serious Games dont l’un est directement inspiré de la technique « vendez-moi un objet » illustrée par le film Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese.

« Nous partons du principe que recruter, c’est vendre », explique Jamila Fizazi. « C’est même effectuer une double vente : vendre un défi technique à un candidat et vendre ce candidat aux commanditaires ».

 Il y a également des mises en pratique en condition réelle. « Nous allons demander aux recruteurs de venir avec des postes à pourvoir dans leur entreprise actuellement. Puis, ils vont sourcer sur LinkedIn des profils, les appeler et nous enregistrons la manière dont ils laissent un message à une personne, nous les réécoutons en groupe et nous les débriefons », illustre la directrice.

Enfin, la quatrième journée comprend un volet sur l’accompagnement d’un profil IT tout au long du processus de recrutement. Il s’agit notamment de fluidifier la prise de contact avec les équipes techniques en place, afin d’accélérer les processus de tests de compétences.

La cinquième journée est axée sur la négociation salariale, la clôture d’une offre, la préparation de l’onboarding et le suivi d’un développeur après son recrutement.

« La clôture est une étape difficile du processus : le candidat recevra à coup sûr une contre-offre de son employeur », indique Jamila Fizazi.

Cela implique la promotion d’avantages (jours de congés, CSE, parts dans l’entreprise, etc.) « en toute transparence » pour éviter les mauvaises surprises. C’est aussi pour l’entreprise le moment de faire jouer sa marque employeur, par exemple un engagement dans des projets open source ou des activités liées au développement durable.

Concernant la négociation salariale, là encore Bluecoders Academy demande à ses élèves de mener à bien des simulations qui seront débriefées par le groupe.

Une formation certifiante bientôt reconnue par l’État

La première édition du Bootcamp a attiré neuf chargés de recrutement en provenance de startups et scale-ups.

Pour la deuxième édition, dont le lancement est prévu en septembre 2022, la directrice de Bluecoders Academy évoque des élèves - recruteurs issus d’ESN et de grands groupes. « Cela demande un peu de temps, puisqu’il faut déterminer si la formation convient à un responsable de l’acquisition de talents, puis discuter avec son service RH ».

La formation coûte 3 600 euros HT par personne. Bluecoders Academy est un organisme disposant du label Qualiopi. Le bootcamp est reconnu par l'État, mais son certificat n'a pas été validé par France Compétences. Il n'est pas encore éligible au financement CPF.

« Chaque métier a son propre référentiel de compétences. Il se trouve que le référentiel de compétences de recruteurs IT n’existait pas, donc nous n’avons pas pu rendre immédiatement notre formation éligible au CPF », justifie Jamila Fizazi. « Nous avons dû créer et faire reconnaître ce référentiel pour ensuite le labéliser ».

Ce dossier déposé en début d’année 2022 devrait donner lieu à une réponse en décembre. Si tout se passe comme prévu, le bootcamp sera la première formation de recruteur IT certifiante reconnue par l’État. D’autres acteurs du marché pourraient alors suivre le mouvement.

« Les ingénieurs ont souvent un biais perfectionniste propre à leur métier qui les pousse à chercher le mouton à cinq pattes ».
Jamila FizaziDirectrice et cofondatrice, Bluecoders Academy

Une alternative à une telle formation serait d’inclure plus rapidement les chefs de projet et les ingénieurs IT dans les processus de recrutement. « Certaines entreprises ont déjà commencé à le faire, mais ce n’est pas une solution », estime Jamila Fizazi. « Premièrement, le temps consacré par les équipes IT à recruter est un temps pendant lequel ils ne vont pas produire de code ou maintenir des applications », argue-t-elle. « Deuxièmement, ce ne sont pas des recruteurs : les ingénieurs ont souvent un biais perfectionniste propre à leur métier qui les pousse à chercher le mouton à cinq pattes ».

Et si le bootcamp n’est pas forcément adapté à tous les recruteurs, ce n’est pas le seul dispositif que Bluecoders Academy propose. L’organisme commence à préparer des formations personnalisées pour des centaines de collaborateurs de grands groupes, de cabinets de conseil et d’ESN.

Article mis à jour avec les précisions de Blucoders Academy concernant la reconnaissance du bootcamp par l'Etat.

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