Transformation numérique : les entreprises françaises dans le peloton de queue européen
La Commission européenne constate, avec la publication de l’indice DESI, que l’usage de l’IA et du Big Data n’est pas encore démocratisé sur le Vieux Continent et qu’il existe un fort écart entre PME et grands groupes. Quant à la France, elle est en retard sur les critères liés aux entreprises.
Dans les entreprises européennes, le Big Data et l’IA, ce n’est pas encore cela… C’est un des nombreux constats en demi-teinte qui ressort des chiffres annuels publiés par la Commission sur les progrès accomplis dans le domaine du numérique au sein des États membres de l’UE.
La transformation digitale – aussi bien dans les administrations que dans les entreprises et chez les citoyens – est un des objectifs phares de l’Union européenne. Chaque année, un indice, le Digital Economy and Society Index (alias DESI), mesure les évolutions des politiques et des fonds alloués à ce projet, le « Path to the Digital Decade ».
En s’appuyant sur ces chiffres, la Commission constate et déplore que « l’adoption de technologies numériques clés par les entreprises, comme l’intelligence artificielle (IA) et les mégadonnées [N.D.R. : Big Data], reste faible ».
« Le DESI 2022 montre les domaines dans lesquels nous devons intensifier nos travaux, par exemple pour stimuler la numérisation de notre industrie, dont les PME », invite Thierry Breton, commissaire au marché intérieur (ancien ministre des Finances, et ex-dirigeant d’Atos). « Nous devons redoubler d’efforts pour que l’ensemble de nos PME, de nos secteurs d’activité et de nos industries disposent des meilleures solutions numériques », insiste-t-il.
De forts écarts entre entreprises sur le Big Data et IA
On l’entend de plus en plus souvent : la crise aurait accéléré la numérisation des organisations. Certes, mais pas forcément tant que cela, tranche l’index DESI.
En Europe, 34 % des entreprises utilisent par exemple aujourd’hui le cloud ; une proportion en progression. « Cependant, le recours à l’IA et l’utilisation des mégadonnées [N.D.R. : analytique Big Data] ne représentent respectivement que 8 % et 14 % des entreprises », tempère la Commission. Pour mémoire, l’objectif qu’elle s’est fixé à l’horizon 2030 est de 75 % des entreprises.
Les écarts entre type d’organisation sont, de plus, très importants. Pour le cloud, 72 % des grandes entreprises y ont recours, contre seulement 40 % des PME. Toujours dans le cloud, 60 % des grands groupes auraient recours à des « services avancés » (terminologie qui désigne le SaaS et le PaaS) contre 33 % pour les PME.
Pour l’IA, ce sont à peine 7 % des PME européennes qui exploreraient ces technologies, contre 29 % pour les grands groupes. Un chiffre qui reste faible dans ces entreprises. Tout comme dans le Big Data où (seulement) un tiers des grandes entreprises exploiteraient réellement les « mégadonnées » au sens large – stockage et analytique – contre moins d’un sixième des PME.
Des PME aussi sous-équipées en ERP et en CRM, la France à la traîne
Dans les usages plus classiques de l’IT, les écarts – et les retards – sont tout aussi conséquents. Seuls 55 % des PME de l’UE auraient atteint un « niveau de numérisation de base » (sic) (« a basic level of digital intensity »).
Si 81 % des grands groupes européens disent utiliser un ou plusieurs ERPs, seuls 37 % des PME en seraient équipées. Idem pour le CRM avec un écart de 65 % à 34 %.
Enfin, les PME n’exploiteraient les possibilités du commerce électronique que « dans une mesure limitée » : 18 % seulement vendent en ligne (contre 38 % des grandes entreprises) et 9 % seulement réalisent des ventes transfrontalières en ligne (contre 24 % des grandes entreprises).
À noter que les PME françaises sont celles qui vendent le moins en ligne, avec leurs homologues roumaines et bulgares.
L’objectif global de numérisation des entreprises fixé par la Commission est d’au moins 90 % d’ici à 2030. Si les grandes organisations semblent en bonne voie, « près de la moitié des PME ne profite toujours pas des possibilités offertes par le numérique », résume-t-elle aujourd’hui.
Les entreprises françaises à la traîne
Toutes sociétés confondues, les disparités entre pays sont, là encore, importantes.
Constat amer pour la « Start-up Nation », la France est dans le peloton de queue de la numérisation des entreprises (21e sur 27), avec un taux de 30 % d’équipement en technologies IT, loin derrière les pays nordiques et les Pays-Bas (plus de 50 %), ou l’Irlande, l’Italie et l’Espagne (aux alentours de 40 %).
Si l’on inclut les autres critères de l’index DESI – les compétences, la qualité des réseaux et la numérisation des services publics –, la France (en tant que pays) remonte à la 12e place et se place dans la moyenne européenne.
Autrement dit, les entreprises sont aujourd’hui le parent pauvre de la transformation numérique française.