Intel miniaturise un contrôleur optique capable d’atteindre des Tbit/s
L’exploit d’Intel doit permettre de remplacer bientôt les câbles réseau Ethernet en cuivre par des fibres optiques qui coûteraient aussi peu cher et communiqueraient jusqu’à 1 000 fois plus vite.
Intel Labs, le département R&D du fondeur, annonce des progrès significatifs dans la photonique ou, dit autrement, dans la capacité à relier les fibres optiques ultrarapides d’un réseau aux circuits de traitements ultra performants d’un processeur, sans trop passer par le goulet d’étranglement d’une conversion entre lumière et électricité.
En l’occurrence, le fondeur a mis au point un émetteur-récepteur laser capable de transporter huit longueurs d’onde différentes (huit « couleurs ») sur ses circuits gravés en silicium et, ce, sans que cela ne nuise ni à la puissance du signal, ni à la nature des longueurs d’onde. La puissance varie de plus ou moins 0,25 décibel à peine, tandis que l’espacement entre les ondes ne bouge que de 6,5 %. Soit, selon Intel, des résultats qui vont au-delà de ceux obtenus jusque-là dans les milieux industriels. La puce photonique porte le nom de « grille DFB » (pour « Distributed Feedback »).
Une première étape vers la production en série
« Le plus important n’est pas tant les résultats obtenus, mais plutôt que nous soyons parvenus à les obtenir depuis des circuits fabriqués exactement comme le reste de nos puces, avec des processus amplement maîtrisés dans nos usines. Cela signifie qu’il va être très simple de lancer la production en série de tels composants photoniques », se félicite Haisheng Rong, l’ingénieur en chef responsable de ces travaux chez Intel Labs.
Haisheng RongIngénieur en chef, Silicon Photonics R&D, Intel Labs
En l’occurrence, les puces photoniques d’Intel ont été gravées sur un wafer tout ce qu’il y a de plus standard. Cela revient à dire que le fondeur sera bientôt capable de proposer des cartes réseau qui communiquent sur des fibres optiques au même prix que les contrôleurs réseau de base, qui ont des connecteurs RJ45 et utilisent des câbles Ethernet en cuivre.
À l’heure actuelle, une carte réseau SFP+ (connectique optique) coûte un peu moins de 200 €, tandis qu’une connectique Ethernet cuivre est incluse sur toutes les cartes mères pour un prix négligeable. De plus, un port optique communique au minimum en 10 Gbit/s, contre 1 Gbit/s pour le tout venant des connecteurs RJ45. Il est probable que le fait de traiter huit longueurs d’onde simultanément augmentera au moins d’autant le débit de base d’un contrôleur SFP.
Dernier argument : les communications qui consistent à envoyer des signaux lumineux sur des fibres optiques consommeraient bien moins d’énergie que celles qui envoient du courant sur des fils en cuivre.
Un circuit plus petit pour des signaux plus denses
Dans le détail, l’exploit d’Intel serait d’avoir conçu un circuit qui ne déforme pas la longueur d’onde qu’il transporte même lorsque sa température augmente. Pour y parvenir, le fondeur a manifestement alterné les étapes lithographiques (« gravure ») et celles de superposition des couches de silicium, de sorte à mieux former les chemins qui guideront la lumière sur la « grille ».
L’intérêt de ne pas déformer les longueurs d’onde et qu’il est devient possible de transporter plusieurs signaux lumineux avec des longueurs d’onde excessivement courtes (donc un débit très élevé) sur une seule fibre optique. Ce procédé s’appelle le Dense Wavelength Division Multiplexing (DWDM). Non seulement cela augmente la bande passante sur la fibre optique, mais cela permet aussi réduire la quantité de puces nécessaire pour décomposer la lumière.
Dans le détail, le DWDM permet de superposer des flux d’ondes en espaçant les crêtes des ondes de 0,8 nanomètre. Sur les cartes réseau optiques traditionnelles, les flux sont superposés en Coarse Wavelength Division Multiplexing (CWDM), un procédé où les crêtes des ondes sont espacées de 20 nanomètres.
Dans cette première étape, la grille DFB est une petite puce autonome qui remplace le gros jeu de circuits que l’on trouve habituellement sur les cartes réseau optiques à connectique SFP (et qu’Intel appelle un « transceiver »).
À terme, Intel ambitionne surtout de mettre son circuit photonique dans un chiplet, c’est-à-dire directement accolé au processeur, voire assemblé en plusieurs exemplaires, dans une seule puce. Le fondeur évoque des bandes passantes en réseau qui pourrait alors atteindre des térabits par seconde, contre 400 Gbit/s pour son transceiver actuellement le plus rapide.