Jamespot ouvre un métavers collaboratif en 2D non immersive
L’éditeur français d’outils collaboratifs, Jamespot lance un métavers B2B aux caractéristiques peu orthodoxes, mais assumées. Ses bénéfices seraient nombreux, à commencer par le retour du « management baladeur » et du lien social dans des entreprises de plus en plus hybrides.
L’éditeur français Jamespot – spécialiste des Réseaux Sociaux d’Entreprise, des intranets, des outils de gestion de projets et du digital workplace – vient de sortir un nouveau produit, un métavers collaboratif baptisé « Jamespot.land ».
Ce métavers possède plusieurs caractéristiques bien particulières qui l’éloignent de la définition « chimiquement pure » du Gartner : il est en 2D, il n’est pas immersif, et il n’y est question ni de NFT, ni de blockchain. Des choix entièrement faits avec le collaboratif en tête, assure l’éditeur français qui présente également son univers comme un « Digital Twin du bureau, des personnes et de la collaboration ».
« Nous ne sommes pas sur la ligne de Mark Zuckerberg », assume Alain Garnier, fondateur de Jamespot. Le dirigeant revendique un univers « plus modeste » (sic), mais dont l’ambition reste forte puisqu’il s’agit de « franchir une étape décisive qui va changer complètement la manière dont on travaille au quotidien ».
Un métavers 2D orienté collaboratif
Pourquoi pas en 3D ? « Parce que nous pensons que, aujourd’hui, la 3D immersive est trop complexe d’un point de vue technique, et qu’elle coûte très cher », répond-il. De surcroît, des études démontrent que travailler dans un univers de ce type créerait de la fatigue physique et mentale, et n’améliorerait pas forcément la productivité, continue Alain Garnier.
Alain GarnierJamespot
Or l’idée de départ de Jamespot.land était, au contraire, de stimuler cette productivité.
Jamespot est en effet parti d’un constat : les entreprises deviennent hybrides. Avec, à la clef, une question. « Comment recréer les liens [sociaux] entre des personnes qui se voyaient d’habitude dans les couloirs ou à la machine à café ? », s’interroge Alain Garnier, il y a deux ans, lors du passage massif au télétravail.
Pour tenter d’apporter une réponse concrète, Jamespot décide alors de faire un PoC de métavers à usage interne. Mais les technologies n’étaient pas encore matures. « Nous avions fait un premier essai qui n’avait pas été aussi concluant [que Jamespot.land] », confie le dirigeant.
Depuis, le marché et la technique auraient connu une accélération. « Tout d’un coup, tout converge », se réjouit Alain Garnier, « et il y a une espèce de catalyseur des usages. On le voit bien chez nos clients. […] Nous leur avons présenté Jamespot.land en avant-première, leur accueil a été très bon, au-delà de ce qu’on imaginait ! ».
Des bienfaits du management baladeur, même en virtuel
Aujourd’hui, Jamespot dévoile donc un métavers – encore en évolution – sous la forme d’une carte en 2D (inspirée de jeux rétro en perspective isométrique comme Zelda ou les SIMs), divisée en zones et en salles, et dans laquelle se déplacent les avatars des collaborateurs de l’éditeur.
« Ce métavers est une carte complète, un monde dans lequel il y a différents usages : le village dans lequel on arrive [quand on se connecte], des espaces de coworking, ou encore des espaces d’amphithéâtres pour des événements », illustre Alain Garnier. On y trouve également un coin café, des espaces extérieurs pour inviter des partenaires, des bureaux privatifs, etc.
Un des intérêts de cette représentation graphique est de réintroduire la notion de déambulation et, donc, de rencontres fortuites et de discussions impromptues (ce que Slack tente d’ailleurs de faire d’une autre manière). Une notion au cœur de ce que les Anglo-saxons appellent le « Management by wandering around » (management baladeur).
Dans le même temps, pour éviter les pérégrinations sans fin, un « Air Spot » (sorte de kiosque sous forme de ballon dirigeable) permet de se rendre directement à un endroit de la carte.
Autre particularité, lors d’un échange entre avatars, planifié ou non, le métavers de Jamespot ne propose pas une réunion immersive (contrairement au projet de DXC), mais lance une visio. Là encore, le choix est assumé pour des raisons de productivité.
Le métavers : la continuation des outils collaboratifs par d’autres moyens
L’objectif de Jamespot n’est d’ailleurs pas de remplacer les outils collaboratifs « traditionnels », mais de leur ajouter une représentation graphique (ludique, mais sérieuse, insiste Alain Garnier), avec la possibilité de basculer d’une représentation à l’autre (avec une fonctionnalité nommée « arobase »).
« Nous voyons le métavers dit “2D” comme le prolongement de ce que nous faisons déjà », synthétise le fondateur de Jamespot. Par exemple, Jamespot.land permet de créer trois grands types d’espaces dans un monde : un espace public (sans authentification), des espaces avec authentification (avec un simple mail), et des espaces privatifs (reliés à un annuaire d’entreprise). Les deux premiers permettent de se connecter à son écosystème (ses confrères, journalistes, etc.) soit de manière informelle, soit avec des événements et des regroupements.
« Ces espaces recoupent les “modes classiques” des outils collaboratifs », compare Alain Garnier qui dresse un parallèle avec la gouvernance des intranets et des réseaux sociaux internes. « Cette gouvernance [des outils classiques] consiste à déterminer qui a le droit d’aller où pour voir quoi. [Faire un métavers] revient à se demander à quoi servent les espaces. Quels sont leurs objectifs ? Puis en fonction, on définit qui va où ».
La visualisation sous forme de carte et d’avatars permet cependant d’organiser différemment ces outils traditionnels. « Si par exemple une personne sait qu’on a une réunion, il sait où aller et il voit qui est là », illustre le fondateur Jamespot. Ce qui éviterait par exemple de jongler avec les différentes URL de visioconférence de différents services.
Autre atout, dans la continuité de la gouvernance, « on peut mettre des portes où l’on veut [sur la carte] pour définir où vont les gens et construire ainsi des logiques de navigation ».
Enfin, les rencontres fortuites ou le fait de se déplacer et de parler à un collègue présent dans le métavers seraient moins intrusifs. « Les questions par chat [N.D.R. : comme sur Teams ou Slack] sont des interruptions qui ne sont pas du même ordre », avance Alain Garnier. « Tout cela crée de l’accélération et de la fluidité ».
« Où est Gabrielle ? »
Si les notions de « promenade » et de rencontres fortuites recréent du lien social dans les équipes, la question de savoir comment trouver, à l’instant T, les personnes que l’on souhaite, devient centrale dans le métavers collaboratif. Pour Alain Garnier, ce n’est cependant pas forcément un gros problème.
Là encore, compare-t-il, savoir si un collaborateur est dans le métavers ne différerait pas de la manière de gérer la présence dans les outils classiques.
Quant à la localisation dans l’univers virtuel, « nous sommes en train de travailler sur cette question [en] faisant très attention à la privacy », explique-t-il. « Nous ne voulons pas faire de moteur de recherche des gens sans qu’ils donnent leur autorisation ».
Reste que la plupart des cartes – les maps de bureaux – seraient de taille relativement modeste : il y est possible de voir immédiatement qui est là ou pas.
Le problème de localisation des personnes se posera surtout avec de gros clients qui déploieront de très grandes cartes. « Mais c’est un peu comme dans la vraie vie », tempère Alain Garnier, « si je veux retrouver Gabrielle dans un café à Paris, je ne vais pas juste lui dire “on se retrouve dans un café dans Paris” !... Je vais lui dire en plus “on se retrouve à Nation” ».
En revanche, martèle-t-il « quand les gens travaillent ensemble de manière proche, la fameuse sérendipité arrive [avec ses] rencontres de couloirs… ce que l’on n’a plus du tout avec les modes visio transactionnels [N.D.R. : où l’on envoie une URL pour se connecter]. Et ça, c’est très précieux ».
Des usages et des bonnes pratiques encore à créer
Le métavers est une technologie nouvelle. Or « Les nouvelles technologies n’arrivent pas avec un mode d’emploi », rappelait récemment Bertrand Wolff, un spécialiste de la réalité virtuelle et augmentée pour les entreprises. « Les grammaires d’usage ne sont pas encore faites. Les grands cas d’utilisation sont à inventer ».
Alain Garnier est du même avis. « On va découvrir plein de façons d’utiliser ce système, des entreprises vont créer des manières de faire en fonction de leur culture interne », prédit-il.
En attendant, Jamespot a déjà instauré une bonne pratique. Tous les matins, ses collaborateurs se retrouvent, par avatars, au même endroit. « C’est un petit rituel pour se voir, puis chacun va dans sa salle (CSM, Marketing, dev, etc.) », confie Alain Garnier.
« Mais ça, c’est ce que j’appelle “le temps 2". Quand on commence à comprendre comment tout cela fonctionne d’un point de vue social, on organise et on se donne des petites règles ».