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ABF : premier maillon d’une blockchain nationale française
OBS et dix-huit acteurs vont lancer une blockchain souveraine, destinée aussi bien au public qu’au privé. Elle s’inspire des projets d’autres pays européens, dont l’Espagnole Alastria. Et elle complétera le projet européen de blockchain transnationale, EBSI.
Dix-neuf acteurs français viennent de créer un consortium pour lancer une blockchain souveraine. L’Alliance Blockchain France (ou ABF) regroupe des spécialistes de l’IT comme OBS, Docaposte, Atos, des organisations publiques comme l’Université de Lille ou des entreprises comme Suez.
Concrètement, les acteurs de l’Alliance déploieront et géreront les nœuds de l’infrastructure de cette future blockchain qui s’ouvrira par la suite « progressivement à tous les industriels et à toutes les administrations françaises », insiste le communiqué du lancement.
Une blockchain souveraine sur le modèle de l’Espagnole Alastria
L’initiative d’une blockchain nationale « souveraine » n’est pas une première. Huit pays européens ont déployé des blockchains déjà opérationnelles comme Alastria en Espagne (blockchain utilisée en France par AgDatahub, également membre fondateur de l’Alliance) ou ID Union en Allemagne.
Avec plus de 200 nœuds hébergés par des entreprises et 600 participants, Alastria est le projet le plus avancé en la matière. La Suisse, la Finlande, l’Italie, l’Autriche et les Pays-Bas ont eux aussi des blockchains de ce type.
Dans le monde, l’Asie a été avant-gardiste sur le sujet, souligne Antoine Maisonneuve, directeur du programme blockchain chez Orange Business Services et président de l’Alliance pour la première année. La blockchain nationale sud-coréenne, par exemple, sert à certifier « les permis de conduire, les diplômes, les justificatifs d’assurance, etc. », illustre-t-il.
ABF aura pour particularité – comme Alastria et les autres blockchains des pays européens – d’être publique, ouverte à toute entité légale, mais avec un droit d’entrée.
« Cela sous-entend qu’on est identifié sur la blockchain en tant que personne morale et entité légale » explicitait récemment Antoine Maisonneuve au MagIT, en parlant du projet espagnol. Les acteurs qui la composent et qui l’utilisent sont donc des « acteurs de confiance ».
« Mais se font-ils confiance entre eux ? », questionne le responsable d’OBS pour justifier l’intérêt d’une blockchain qui, par définition, n’a d’intérêt qu’entre acteurs qui ne se font pas confiance.
La blockchain ABF a d’autres intérêts par rapport à une blockchain publique classique ou une blockchain de consortium (type IBM Food Trust) : usages généralistes, maîtrise de la gouvernance, maîtrise de l’impact environnemental (pas de Proof of Work donc) et pas de coûts de transaction. « On peut faire un business plan à cinq ans » vante Antoine Maisonneuve. Et enfin, toutes les données restent en France.
Les premiers cas d’usage d’ABF devraient concerner la gestion d’identité et la propriété intellectuelle (avec des NFT).
ABF, complément de la blockchain européenne EBSI
La blockchain ABF et ses alter ego nationaux viennent compléter un autre projet de blockchain européenne. La Commission européenne travaille en effet en parallèle sur une blockchain transnationale, l’EBSI (European Blockchain Services Infrastructure).
« C’est une blockchain pour des usages parapublics. C’est un réseau de preuves d’échanges entre les différents pays européens », précise Antoine Maisonneuve pour la différencier des blockchains nationales, qui ciblent également les acteurs privés.
L’EBSI se destine par exemple à la certification de l’ensemble des diplômes européens ou au numéro de sécurité sociale européen.
« Chaque pays va choisir d’héberger des nœuds EBSI sous responsabilité publique », ajoute-t-il. Alors que dans la blockchain française, c’est OBS et les autres membres du consortium qui hébergeront les nœuds.
OBS participe bien au projet EBSI, mais en tant que fournisseur « d’outils, pour simplifier, améliorer les performances, optimiser le bilan carbone, industrialiser et accélérer le déploiement de nœuds [dont] la Blockchain as a Service », liste Antoine Maisonneuve. Ces outils seront au service de la Commission européenne et des États, qui garderont donc la responsabilité des nœuds.
Aujourd’hui, EBSI compte une trentaine de nœuds. Un nombre amené à se développer rapidement, d’où la nécessité d’une trousse à outils pour l’industrialiser.
Plusieurs blockchains sous le capot
Techniquement, tous ces projets ont en commun de ne pas s’enfermer sur une seule technologie.
EBSI par exemple a deux réseaux (Hyperledger Fabric et Hyperledger Besu) et étudierait IOTA. Alastria repose sur les deux mêmes blockchains Hyperledger, ainsi que sur Quorum.
« Le but est d’avoir plusieurs types de blockchains pour servir différents cas d’usage », explicite Antoine Maisonneuve, « Fabric est en général très industrie, et Besu plus à usage généraliste, de type certification de documents d’identité par exemple ».
« En revanche, elles partagent la même couche d’identité et d’authentification, ce qui permet d’avoir une certaine interopérabilité. Une même entreprise peut utiliser les deux blockchains et sera identifiée de la même façon sur les deux ».
L’ABF n’a pas encore officialisé son choix technologique, mais il s’inspirera de ces projets et de leurs caractéristiques.
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