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Condamné à payer 2 Mds de dollars, Pega veut rassurer ses clients
Après sept semaines de procès, le jury du tribunal de Fairfax en Virginie a reconnu PegaSystems coupable de détournement de secrets commerciaux et l’a intimé de verser plus de 2 milliards de dollars à son rival Appian. Pega tente de désamorcer la situation auprès de ses clients et fera appel.
Le 9 mai dernier, Pega a été condamné à verser 2,036 milliards de dollars de dommages et intérêts au profit de son concurrent Appian. Un jury du tribunal de Fairfax, en Virginie, l’a reconnu coupable de détournement de secrets commerciaux et de violation du Virginia Computer Crime Act. Cette loi définit des pratiques IT considérées illicites qui, si elles sont portées devant une cour civile de l’État de Virginie aux États-Unis, permettent à un plaignant de réclamer des dommages.
Appian a présenté les preuves qu’entre 2012 et 2014, PegaSystems a engagé un consultant qui travaillait comme développeur sur un projet basé sur les produits Appian dans le cadre d’un contrat gouvernemental. Ce consultant a accédé à la version d’essai de la plateforme BPM pour renseigner les cadres de Pega. En interne, la mission était nommée « project Crush ».
Appian affirme que le contractant a utilisé de faux comptes et enregistré des vidéos des environnements de développement pour « permettre [aux] employés [de Pega] de créer des fonctionnalités compétitives et de former l’équipe de vente de Pegasystems afin de mieux concurrencer Appian », dixit le communiqué de presse de l’éditeur diffusé le 10 mai dernier.
Selon les allégations d’Appian, Alan Trefler lui-même, le PDG de PegaSystems se serait connecté à la plateforme Appian sous le pseudonyme « Albert Skii ».
Des conversations « rassurantes » avec les clients
Le 19 mai 2022, lors d’une conférence de presse en amont de PegaWorld, Alan Trefler s’est dit « stupéfait » de « l’état d’esprit » des articles parus dans la presse depuis le 10 mai et a insisté sur le fait que PegaSystems ferait appel de cette décision.
Malgré la (très) grosse somme réclamée (à titre de comparaison, Pega a réalisé un chiffre d’affaires de 1,21 milliard de dollars sur l’exercice fiscal 2021), les cadres de l’entreprise ont affirmé que cette décision de justice n’affecte pas les capacités de PegaSystems à délivrer ses produits et ses services auprès de ses clients.
« Nous sommes 6 000 collaborateurs, nous avons une forte culture d’ingénierie, d’innovation. Nous sommes financièrement solides et nous avons beaucoup de clients », liste Alan Trefler.
Ce verdict n’empêcherait pas non plus PegaSystems « d’investir » dans le développement de sa propre plateforme Low-code/No-code.
Le dirigeant aurait eu plusieurs conversations « rassurantes » avec des clients, suggérant un soutien mutuel entre Pega et certains de ses utilisateurs.
Toutefois, les communicants du groupe ont rapidement coupé court à toutes questions concernant cette affaire. « Nous ne commenterons pas davantage ce procès aujourd’hui », a lancé Lisa Pitchman, vice-présidente de la communication du groupe PegaSystems. Elle a ajouté que l’entreprise avait déjà répondu aux questions importantes le 9, le 10 et le 12 mai 2022 à travers des messages adressés à ses investisseurs via des formulaires 8-K.
Les arguments de Pega pour faire appel de la condamnation
« Nous ne sommes pas du tout d’accord avec les revendications et le verdict, qui ne sont pas soutenus par les faits ou par la loi et qui sont le résultat d’une erreur significative », écrit Ken Stillwell, COO et CFO de PegaSystems, dans ces documents.
« Nous avons de solides atouts pour renverser ce verdict, et nous poursuivons activement toutes les options légales. Pour rappel, la procédure d’appel peut potentiellement prendre des années, et aucun dommage ne sera payable avant la fin de cette procédure », poursuit-il.
« La possibilité pour nos clients, prospects et partenaires d’utiliser nos produits n’est pas remise en question ».
Le 17 mai, le COO a publiquement versé au dossier la réponse d’un conseiller juridique de Pega certifiant qu’Appian n’a pas eu gain de cause sur la restriction d’utilisation et de revente des logiciels PegaSystems.
Bien qu’il reconnaisse le fait qu’un petit nombre de collaborateurs ont testé les produits d’Appian, Ken Stillwell argue que c’est une pratique courante dans l’industrie logicielle dans le cadre d’une analyse concurrentielle. De son côté, Pega a ouvert ses versions d’essai à tous, même ses compétiteurs, « car nous considérons que les versions d’essai ne contiennent pas des secrets commerciaux ».
D’ailleurs, Pega « conteste fermement » le détournement de secrets industriels.
« Dans son témoignage, Matthew Calkins, PDG et cofondateur d’Appian, a déclaré qu’il ne pouvait pas identifier un seul secret commercial que Pega aurait détourné. Au cours du procès, Malcolm Ross, vice-président de la stratégie produit et directeur technique adjoint d’Appian, a modifié son témoignage sur ce qui était et n’était pas un secret commercial », continue Ken Stillwell.
« Nombre des secrets commerciaux allégués sont en fait des limitations et des faiblesses importantes du produit Appian. L’un des experts rémunérés d’Appian a témoigné qu’il était précieux de “cacher ces faiblesses à ses clients”. Ces secrets comprennent des lacunes importantes […] comme le risque de perte de données par les clients d’Appian », assène-t-il.
Quant à l’attribution d’un faux compte à Alan Trefler, le COO rétorque que cette allégation est « catégoriquement fausse ».
Depuis, PegaSystems a pris des « actions correctives et des mesures techniques » pour empêcher ses employés de s’inscrire aux versions d’essais des produits d’Appian.
« Low-code, big money » : des conséquences financières déjà visibles
En attendant, l’annonce de cette condamnation a provoqué des mouvements en bourse. En baisse depuis septembre 2021, l’action Pegasystems est passée de 75, 79 dollars à la clôture le 4 mai 2022, à 48,77 dollars le 19 mai à la fermeture du NASDAQ. En un mois, le cours a chuté de 34,47 %.
L’action Appian est passée de 43,03 dollars le 9 mai à 59,62 dollars le 10, avant de s’établir à 49,51 dollars à la clôture le 19 mai. Appian connaît lui aussi une baisse de son action depuis novembre 2021, comme la plupart des éditeurs cotés en bourse.