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Microsoft s’engage à « soutenir » les clouds européens
Microsoft va ouvrir ses offres phares (Office 365, Windows, Windows Server) aux cloudistes européens, simplifier leur hébergement sur ces infrastructures souveraines, et multiplier les partenariats. La promesse du président de Microsoft, Brad Smith, est accueillie avec méfiance par OVH.
Promis, juré. Microsoft va tout faire pour aider ses concurrents européens dans le cloud. Oui, ses concurrents. Car pour Microsoft, demain, ils seront aussi de précieux partenaires.
C’est en tout cas ce que promet son président Brad Smith, de passage à Bruxelles, qui rappelle qu’il a commencé sa carrière, il y a 29 ans, dans la branche française de l’éditeur.
Cette prise de position étonnante sur la forme (Microsoft va jusqu’à parler de « support for European Cloud Providers ») fait suite à une plainte d’OVH, aux critiques du Cigref et du CISPE, et à la montée en puissance du corpus de régulations sur le Vieux Continent (dont le DMA européen qui vise à contrer les positions dominantes dans le numérique, ou le Cloud de confiance en France).
Microsoft, « pas nécessairement le bon fournisseur pour tout »
Dans un long billet de blog aux accents très légalistes et légitimistes, Brad Smith insiste sur l’implication totale de Microsoft pour se conformer aux contraintes juridiques et pour ne pas s’opposer à de futures réglementations (ce qui n’est pas toujours pareil).
Le président de l’éditeur va même jusqu’à justifier une forme d’inflation réglementaire (qu’il appelle toutefois à coordonner pour la simplifier au niveau mondial) par le fait que la régulation du numérique a mis du temps à démarrer. Il s’agirait donc d’un rattrapage bienvenu.
Brad SmithPrésident de Microsoft
Mais cette multiplication des exigences a une conséquence. Il faut désormais faire du sur-mesure pour répondre aux besoins les plus critiques. « Même si Microsoft excelle dans la création d’un cloud public efficace, scalable et sécurisé, cela ne fait pas nécessairement de nous le bon fournisseur pour gérer les ressources et les services IT spécifiques de tous les clients », concède Brad Smith. « C’est pourquoi l’une de nos priorités sera d’investir dans des fournisseurs locaux de services cloud partout en Europe et d’améliorer nos relations avec eux ».
Le président de Microsoft évoque particulièrement le secteur public. « Nous reconnaissons que de nombreux gouvernements européens souhaitent des solutions cloud plus adaptées à leurs scénarios technologiques souverains », écrit-il. « De plus en plus, ils élaborent des réglementations sur la classification des données, afin de traiter différentes catégories de données de manières différentes ».
« Nous sommes conscients à la fois de l’importance cruciale de ce besoin et de l’opportunité de travailler pour donner la possibilité aux gouvernements de choisir comment déployer la technologie, en protégeant leurs besoins de souveraineté ». En clair : « Nous admettons que certains gouvernements ne veulent donner accès à certaines de leurs workloads et à certaines de leurs données sensibles qu’à des fournisseurs locaux ».
Office, Windows (et Windows Servers) s’ouvrent aux cloudistes européens
Cette déclaration d’intention se décline en plusieurs initiatives concrètes.
La première est de permettre plus facilement aux cloudistes européens d’héberger et de revendre Windows 11, Office 365 et Microsoft 365. Microsoft veut également simplifier le Bring Your Own Licence des clients sur ces infrastructures et s’engage à rendre sa tarification plus stable pour ses futurs partenaires.
La seconde initiative concerne justement la tarification. Sur ce point, Brad Smith assure avoir entendu le Cigref et CISPE qui ont publié conjointement les « Principles of Fair Software Licensing for Cloud Customers ».
« Nous nous efforcerons d’élaborer des conditions de licence révisées qui soient plus clairement rédigées, qui permettent aux clients de déterminer plus facilement leurs coûts de licence et de déterminer plus facilement leurs obligations », promet le président de Microsoft en réponse aux deux organisations.
Pour la migration des licences dans le cloud (y compris celles des Européens), la Software Assurance sera par ailleurs étendue à Office, Windows et Windows Server.
Enfin, concernant Windows Server, les règles de licences seront assouplies pour mieux s’adapter aux environnements virtualisés (comme le cloud). « Avec les changements que nous allons apporter, les clients pourront désormais acheter des licences juste pour la capacité de calcul virtualisé dont ils ont besoin, sans avoir à compter le nombre de cœurs physiques sur lesquels l’environnement virtualisé est hébergé », précise Brad Smith.
Vers une multiplication des partenariats pour la souveraineté des données
Jusqu’ici, la stratégie de Microsoft dans le cloud souverain avait été de passer des partenariats avec des « acteurs locaux de confiances » (sic) pour créer des joint-ventures qui revendent et gèrent un cloud Microsoft du sol au plafond, mais a priori immunes à la législation américaine.
En France, c’est la philosophie de Bleu (avec Orange et Capgemini) annoncé en mai 2021 pour répondre au Cloud de confiance du gouvernement. Bleu n’est pas encore opérationnel, mais Microsoft a enchaîné les annonces similaires dans d’autres pays : avec Telefonica en Espagne (dont une offre pour la Défense), et avec SAP et Arvato en Allemagne en février 2022.
À chaque fois, il s’agit de fournir un cloud « souverain » dans le sens « souveraineté des données » (les données sont gérées et manipulées par un acteur local, la technologie restant américaine). Google a fait de même en France avec un GCP « supervisé » par Thalès dans une structure capitalistique française.
Microsoft continuera cette stratégie, affirme Brad Smith.
Microsoft avait également lancé une offre « presque » souveraine – le EU Data Boundary for the Microsoft Cloud. Le président de l’éditeur qualifie aujourd’hui cette offre « d’étape », une expression qu’avait également employée le responsable du cloud d’Oracle à Paris pour sa première Zone France.
OVHcloud méfiant
Un porte-parole d’OVH
OVH, un des plus grands acteurs européens du cloud, qui propose déjà un cloud de confiance opérationnel, et par ailleurs à l’origine de la plainte à Bruxelles contre Microsoft, a d’ores et déjà réagi à ces promesses.
« Microsoft reconnaît le bien-fondé de notre plainte », se félicite le Français dans un échange avec la rédaction du MagIT, « [mais] nous estimons regrettable qu’il faille aller jusqu’à la mobilisation des autorités compétentes pour sécuriser les conditions d’un marché où la concurrence est à la fois libre et saine ».
« Nous attendons désormais de voir les conditions d’exercice concrètes de ces résolutions », continue un OVHcloud prudent qui se dit « déterminé à défendre un terrain de jeu équitable pour l’écosystème cloud européen ».