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L’excédent d’outils et la pénurie de talents freinent l’adoption des conteneurs
L’adoption des conteneurs semble inévitable, mais elle ne se fera pas sans heurts. Des experts relatent les obstacles rencontrés par les entreprises et s’expriment sur les évolutions nécessaires de cette technologie.
Ces dernières années, les conteneurs ont gagné rapidement en importance. Ils définissent désormais l’environnement IT idéal : performant, hautement évolutif, et théoriquement moins gourmand en ressources.
Selon une étude intitulée « Voice of the Enterprise », menée par le cabinet d’analyse 451 Research, plus de 58 % des personnes interrogées au sein des organisations DevOps adoptent « activement » les conteneurs. Par ailleurs, 31 % des sondés en sont au stade de la validation du concept ou de la planification des essais, d’après Jean Atelsek, analyste chez 451 Research.
De son côté, Enterprise Strategy Group (ESG), un autre cabinet d’analystes basé à Boston, a demandé aux entreprises où s’exécutent leurs applications et charges de travail en production, à la fois sur site et dans le cloud. Le rapport d’ESG, nommé « Application Infrastructure Modernization Trends Across Distributed Cloud Environments », montre que les machines virtuelles hébergeront environ 25 % des workloads sur site et dans le cloud en 2022. Les conteneurs, cependant, ont un taux d’adoption de 17 % sur site et de 21 % via des services cloud, et devraient dépasser tous les autres types de déploiement d’ici 2024, à 26 % et 27 %, respectivement.
Parce qu’ils sont censés apporter de l’agilité et une forme de rapidité, les organisations choisissent de créer ou de refactoriser des applications en s’appuyant sur les microservices et les conteneurs.
Auparavant, les équipes IT devaient planifier soigneusement les déploiements de code dans les monolithes. Les architectures hautement découplées leur permettent désormais de préparer de petites mises à jour au fur et à mesure, sans perturber l’accès et l’expérience des utilisateurs.
Ces modèles modernes de déploiement d’applications offrent également aux développeurs la possibilité d’injecter plus facilement des algorithmes d’IA et de machine learning dans leurs logiciels, et – plus généralement – de tester de nouvelles fonctionnalités. Cela accélère grandement les rythmes de développement et simplifie en partie les opérations IT.
« Les gens ne désirent plus vraiment gérer l’infrastructure. Ils veulent tout bonnement créer leurs applications et les exécuter », explique Jean Atelsek.
Plusieurs éditeurs entendent se montrer à la hauteur de ce changement. Les fournisseurs cloud, par exemple, proposent désormais des services tels que Amazon Elastic Kubernetes Service (EKS), Azure Kubernetes Service (AKS) et Google Kubernetes Engine (GKE). Ces services doivent réduire les frais généraux de gestion de l’infrastructure associés aux déploiements de Kubernetes, le moteur d’orchestration de conteneurs par excellence.
« Les hyperscalers regroupent des solutions d’ingénierie qu’ils présentent comme clés en main », avance l’analyste de 451 research.
Le défi de la migration et de la gestion des conteneurs
De nombreuses entreprises bien établies ont créé de vastes environnements applicatifs stables, avec des bases installées importantes et plusieurs millions de lignes de code héritées. Aujourd’hui, ces entreprises ont de plus en plus de mal à concurrencer les sociétés plus jeunes, nées dans le cloud, qui misent sur la flexibilité et la rapidité.
Mais ce n’est pas une transition facile à réaliser. Les applications monolithiques traditionnelles – celles qui comportent des millions de lignes de code, en particulier – sont difficiles à transformer en microservices et en conteneurs, tant sur le plan technologique qu’en matière de compétences.
Même après une migration, il peut être ardu de trouver du personnel possédant les compétences nécessaires pour gérer un déploiement de conteneurs. Il est tout aussi compliqué de les former en interne. Une plateforme cloud peut soulager une partie de cette pression, mais elle ne l’éliminera pas. Les technologies, relativement jeunes, cachent parfois des surprises insoupçonnées qui réclament la constitution d’un nouveau corps d’experts. Invariablement, une mauvaise planification entraînera un désastre.
« Le danger de reproduire dans le cloud le désordre qui règne dans les environnements existants est bien réel », confirme Jean Atelsek.
La gestion des conteneurs représente non seulement un changement technologique majeur, mais aussi un changement culturel radical. La mise en œuvre simultanée de ces évolutions est l’un des obstacles les plus importants à franchir. Les conteneurs, les microservices et les architectures cloud ne peuvent profiter à une entreprise que si elle les met en œuvre et les administre efficacement. Et bien qu’il en existe un nombre croissant sur le marché, il n’est pas toujours facile de choisir la plateforme de gestion de conteneurs adaptée à ses besoins.
Par exemple, si les services managés tels que EKS, AKS et GKE, peuvent simplifier les déploiements, ils présentent des désagréments qu’il faut appréhender.
« L’achat d’un service complet rend [la gestion des conteneurs] plus aisée, car une plus grande partie de ce travail d’intégration et d’abstraction est effectuée par les fournisseurs », déclare Janae Stow Lee, consultante spécialisée dans les opérations IT, chez Evaluator Group. « L’inconvénient de cette démarche, bien sûr, est que vous remettez les clés de votre royaume informatique à quelqu’un qui n’a pas toujours vos meilleurs intérêts à cœur ».
Il convient alors de déterminer si la simplification d’un service managé tout-en-un vaut la perte d’accès et de contrôle sur le back-end. Il faut mettre cette option en balance avec la complexité de la gestion par la DSI elle-même.
Ces décisions et compromis difficiles, dans un contexte d’adoption généralisée des conteneurs, ont incité Evaluator Group à élargir son champ d’action au-delà du conseil en gestion IT pour se pencher sur l’administration de ces composants. Plus précisément, le cabinet d’analystes cherche à orienter les clients vers les services et les plateformes qui répondent le mieux à leurs besoins.
À partir d’une série d’entretiens avec des DSI visant à déterminer leurs préoccupations du moment, Evaluator Group a créé un outil interactif appelé « 2022 EvaluScale Insights for Container Management Systems » pour permettre à ses clients d’évaluer les offres de gestion de conteneurs en fonction des fonctionnalités dont ils ont le plus besoin. La première itération de l’outil EvaluScale Insights tend plus particulièrement à comparer les services et les plateformes de gestion de conteneurs.
« Au cours des deux dernières années, de nombreuses entreprises nous ont demandé de leur fournir davantage de conseils », explique Janae Stow Lee.
Remédier à la pénurie de compétences
Le secteur IT souffre depuis plusieurs années d’une pénurie de compétences qui ne cesse de s’aggraver à mesure que les SI deviennent plus complexes. Ni les organisations ni les analystes ne peuvent le prédire, mais l’avenir des conteneurs dépend de ce sujet.
Jean AtelsekAnalyste, 451 Research
« L’adoption se généralise, mais les compétences nécessaires à la configuration et à l’orchestration des conteneurs sont rares », explique Jean Atelsek. En outre, les organisations dotées d’architectures monolithiques massives auront du mal à attirer du personnel IT qualifié, par rapport aux organisations « cloud natives » qui « vont vite et cassent tout ».
À mesure que l’infrastructure, les plateformes et les applications gagnent en complexité, de nombreux postes informatiques traditionnels de premier échelon ont été automatisés au nom de la réduction du travail manuel et de l’uniformité garantie.
Ainsi, de nombreux nouveaux diplômés sont confrontés à un marché du travail dans lequel, de leur point de vue, la ligne de départ ne cesse de s’éloigner. L’on réclame aux jeunes diplômés de maîtriser des environnements sur lesquels ils n’ont pas forcément été formés.
Confrontées à cette réalité, les entreprises emploient des développeurs dont elles doivent compléter la formation, quand elles ne décident pas de déléguer une bonne partie des tâches de développement et de maintenance à des partenaires externes.
« Lorsque les compétences sont rares et que les processus doivent être modifiés, le fait de répartir les décisions autour de cette question aggrave le problème. Au lieu de construire un centre d’expertise, vous essayez de construire plusieurs ensembles de compétences à plusieurs endroits », affirme Janae Stow Lee d’Evaluator Group. « Vous n’exploitez pas efficacement l’expertise à votre disposition ».
Cela dit, tout n’est pas perdu en ce qui concerne la maîtrise des conteneurs. Plusieurs fournisseurs, tels que Red Hat, ont travaillé à la création d’interfaces qui ne nécessitent pas une connaissance approfondie de Kubernetes. Ces UI permettent aux usagers de naviguer et d’interagir avec leurs environnements via une série de séquences de type pointer cliquer, plutôt qu’avec un ensemble d’API propulsant les services en coulisses.
« [Les entreprises] font appel à des personnes qui n’ont pas une connaissance approfondie de Kubernetes », remarque Rob Strechay, analyste principal chez ESG. « Comme de plus en plus de collaborateurs doivent prendre en charge Kubernetes, et que les conteneurs [incitent] au besoin d’une bonne expérience client, l’amélioration de la facilité d’utilisation est primordiale ».
La réduction de la complexité devrait contribuer à combler le déficit de compétences, mais ne supprime pas la nécessité de comprendre le fonctionnement de l’architecture sous-jacente.
Outre l’amélioration et la simplification des interfaces utilisateur, les fournisseurs cloud créent des configurations standards pour limiter le travail de déploiement. Les hyperscalers, en particulier, répondent au manque de compétences en intégrant des moteurs d’exécution de conteneurs dans des plateformes préconfigurées. « L’utilisateur n’a plus à se soucier des paramètres de configuration divers requis pour orchestrer une application basée sur des conteneurs ou un environnement comportant beaucoup de conteneurs », explique l’analyste de 451 Research.
La maîtrise des coûts, un enjeu crucial
À l’origine, les conteneurs étaient présentés comme un moyen de réaliser de grandes économies, mais le temps a prouvé que ce n’était pas nécessairement le cas.
Bien qu’il y ait une prévalence des technologies open source sur le marché de la conteneurisation, la plupart des entreprises passent par un fournisseur qui peut offrir des services de support et des intégrations fiables avec d’autres outils. Mais ces ajouts et services coûtent cher.
« Le principe d’entrer sa carte bancaire et de bénéficier immédiatement d’une capacité de calcul et de stockage était intéressant il y a cinq ans », commente Jean Atelsek. « Mais lorsque vos dépenses se chiffrent en millions de dollars par mois pour l’exploitation de cette infrastructure, le directeur financier et le DSI, ainsi que les responsables de la sécurité, ne peuvent plus laisser faire ».
La flambée des coûts a été un thème commun et croissant sur le marché des conteneurs au cours des deux dernières années. Ce problème a été amplifié par la pandémie mondiale qui a secoué l’économie et a forcé les entreprises à s’adapter à un modèle de travail entièrement nouveau. De nombreuses architectures basées sur le cloud ont craqué sous la pression, et les compagnies ont vu leurs coûts d’exploitation monter en flèche. Mais en 2022 – et surtout à l’avenir –, ces chiffres sont loin d’être soutenables.
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