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PaaS et IA : OVHcloud rachète le Français ForePaaS
OVHcloud a trouvé le liant entre ses services analytiques et IA en rachetant la startup française ForePaaS. Cette « acquisition ciblée » comble plusieurs trous dans la raquette dans l’offre du fournisseur de cloud qui veut mettre la plateforme de data science « au cœur » de son segment PaaS.
Les ambitions d’OVHcloud en matière de gestion de données sont fortes. Si LeMagIT a déjà évoqué la stratégie IA du fournisseur de cloud, il souhaite également étendre ses capacités analytiques. Lors d’une discussion avec Alexis Gendronneau, responsable des produits IA et Data chez OVHCloud, la stratégie affichée était la suivante : miser sur les technologies open source, réaliser des partenariats avec les grands éditeurs du marché (SAP et MongoDB, en tête) et tenter de réunir un écosystème de startups capables de compléter son offre PaaS.
Le groupe mène en parallèle une stratégie « d’acquisition ciblée », selon ses termes. Au cours des deux dernières années, OVH a mis la main sur des startups spécialisées dans d’autres domaines : OpenIO (stockage objet), BuyDRM (protection de copyrights numériques), et Exten Technologies (stockage NVMe over Fabrics).
Dans ce contexte, OVHcloud a astucieusement mis la main sur ForePaaS, éditeur français d’une plateforme analytique et de data science.
Fondée à Neuilly-sur-Seine en 2015, la jeune société compte 23 salariés qui rejoignent immédiatement les équipes du fournisseur cloud. « Dans une guerre de talents, trouver une équipe constituée qui a l’habitude de travailler sur des projets en production, cela a beaucoup plus de valeurs qu’une somme d’individu », explique Thierry Souche, CTO d’OVHcloud auprès du MagIT. « Quelque part, on réalise un recrutement en acquérant ForePaaS. Deuxième point, cela accélère la feuille de route : nous pensons que cela va nous faire gagner entre 12 et 18 mois sur nos roadmaps analytiques ».
ELT, MLOps et data warehousing : OVHcloud fait mouche
Si OVHcloud propose différents services de gestion et d’analyse de données, il lui manquait un liant capable de fédérer l’usage de son Object Storage, de ses notebooks Jupyter, de ses instances Apache Spark, AI Training et ML Serving.
Depuis quelques années, ForePaaS entend fournir une plateforme de bout en bout pour les équipes de data science, mais a aussi développé une architecture PaaS basée sur Kubernetes.
La PaaS de la startup doit permettre de développer des applications front-end avec des templates ou un ensemble de frameworks, d’administrer des transformations de données et d’IA, de gérer plusieurs bases de données et d’obtenir une vue de l’ensemble des environnements associés. Elle se connecte déjà à plusieurs services d’OVHcloud, dont la version managée de PostgreSQL.
Si plusieurs briques de la startup sont propriétaires, elle s’appuie tout comme OVHcloud sur un panel de projets open source. Cette ouverture est l’une raisons de ce rapprochement. Le CTO d’OVH envisage d’ailleurs de libérer les propriétés intellectuelles de ForePaaS. « S’il n’y avait pas cette envie commune de construire un monde beaucoup plus ouvert, beaucoup plus transparent, beaucoup plus souverain, [cette acquisition] n’aurait jamais eu lieu », souligne Thierry Souche. « Rapidement, nos talents respectifs ont obtenu une compréhension mutuelle des enjeux techniques et commerciaux ».
Thierry SoucheCTO, OVHcloud
Les enjeux commerciaux proviennent d’une volonté affichée d’OVHcloud de ne pas imposer d’enfermement propriétaire. « Ce qui est intéressant, c’est que ForePaaS est nativement multicloud », lance le CTO. « Cela peut paraître paradoxale qu’OVH s’intéresse à ce facteur, mais c’est un gage d'interopérabilité de la solution. En travaillant ensemble, nous serons donc très vigilants à ne pas proposer des services qui enferment les clients », s’engage-t-il.
Dans le détail, la startup offre quelques fonctionnalités manquantes dans le catalogue OVH. Elle a notamment développé un moteur orienté événements calibré pour les jobs ETL/ELT, chapeauté par une interface low-code.
L’autre capacité manquante à court terme pour le fournisseur cloud, c’est la disponibilité d’une solution MLOps. ForePaaS développe ML Manager, un outil qui permet d’administrer les data sets, les pipelines et les notebooks depuis un seul espace de travail. ForePaaS indique que Machine Learning Manager permet de « construire des modèles de data science, de les entraîner, de les optimiser, de les évaluer et de les déployer ».
Dans la plateforme de ForePaas, Data Manager, lui, assure les fonctions de gouvernance et data cataloging, tandis qu’Analytics Manager doit permettre d’administrer les visualisations de données accessibles par les usagers. De l’aveu même de Thierry Souche, ForepaaS est « le bon complément » à l’offre de gestion de données d’OVHcloud.
À plus long terme, ForePaaS développe une nouvelle solution de data warehousing « à large échelle » (celui du pétaoctet) permettant de séparer le calcul et le stockage dans un contexte de cloud public. « C’est un des gros projets chez nous depuis ces douze derniers mois qui arrive en alpha et qui s’inscrit totalement dans la feuille de route d’OVHcloud », annonce Paul Sinaï, CEO et CTO de ForePaaS. « La solution ne sera pas verrouillée », promet-il.
Cloud public et au-delà
Sur le papier, l’arrivée d’une offre ForePaaS estampillée OVHCloud pourrait être une question de quelques mois. Ces deux acteurs sont déjà partenaires : la startup avait fait le choix de proposer sa plateforme de data science sur le cloud du fournisseur français, était passé par le Startup program, et avait rejoint le programme Open Trust Cloud en novembre 2021. Cependant, les deux acteurs entendent joindre leurs solutions afin de proposer une expérience « sans couture ».
Paul SinaïCEO, ForePaaS
« Nous allons adapter notre plateforme, il faut qu’elle s’intègre aux solutions existantes d’OVHcloud », indique Paul Sinaï. « Nous proposerons de nouveaux services que l’on va sortir progressivement. Cela nous donne aussi l’opportunité de déployer nos solutions à l’échelle ».
L’équipe elle-même est vouée à s’agrandir, selon Thierry Souche. « Le terrain de jeu est large », avoue-t-il.
L’acquisition de ForePaaS est aussi un moyen pour OVHcloud d’afficher ses ambitions internationales. Au Japon, la startup a pour partenaire le Mitsubishi Research Institute, une société de conseils implantée de longue date. En France, Klepierre, Gefco, Vinci, Pathé-Gaumont ou encore Cora ont déjà opté pour cette plateforme dite de bout en bout. Le fournisseur ne compte pas les abandonner. « L’on ne peut pas se permettre que les clients fassent les frais d’une acquisition industrielle de ce type », déclare Thierry Souche. « Nous avons eu des discussions avec les clients de ForePaaS, dont l’un d’entre eux était actionnaire. Nous nous attachons à dégager de la visibilité et leur garantir des solutions d’évolution. Nous nous engageons à assurer cette transition », ajoute-t-il.
Dans son communiqué de presse, OVHCloud rappelle qu’il propose déjà 70 services PaaS et qu’il compte en commercialisé une dizaine d'ici à la fin du mois d’août. Le fournisseur revendique 1,6 million de clients en provenance de plus de 140 pays.
L’enrichissement de l’offre PaaS apparaît cruciale pour qu’OVH gagne des parts de marché dans le cloud public.
Au premier semestre fiscal 2022, le fournisseur a réalisé un chiffre d’affaires de 382 millions d’euros, dont 60 millions proviennent du cloud public, en hausse de 24,4 % par rapport à la même période l’année dernière. Le cœur de son activité demeure le cloud privé (233 millions d’euros de CA généré, en hausse de 15,8 % par rapport au S1 2021) et le segment « Webcloud et autres » (90 millions d’euros, soit 4,9 % de plus qu’au S1 2021).
« Nous ne nous arrêterons pas au cloud public », prévient Thierry Souche. « Nos clients ont des enjeux de perméabilité et dépendent de plusieurs univers. Une déclinaison de ces services analytiques dans les mondes dédiés ou privés a également énormément de valeurs pour les grandes entreprises ».
« La capacité de déployer ces technologies on-prem devient aussi importante quand les clients sont de plus en plus conscients de l’importance d’isoler leurs données du monde », complète-t-il.