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Travail hybride : employeurs et employés ne sont vraiment pas d’accord (étude)
Selon une étude de Microsoft, le travail hybride – voire 100 % à distance – serait plébiscité par les employés. Mais 50 % des dirigeants envisageraient au contraire un retour à 100 % au bureau. Entre les deux, des managers tiraillés appellent à plus d’autonomie dans l’organisation.
Mi-mars 2022, Microsoft dévoilait les résultats de son rapport Work Trend Index, son observatoire international des tendances du travail. Menée auprès de 31 000 personnes dans 31 pays – dont la France, la Suisse et le Canada –, l’étude montre un écart flagrant de perception entre employeurs et employés sur le télétravail.
Un peu plus de la moitié des dirigeants français (52 %) craignent en effet que la productivité de leurs entreprises ait été affectée par le passage au travail à distance ou au travail hybride. Ce chiffre est dans la fourchette mondiale (54 %).
Cette crainte se manifeste alors qu’à l’inverse 81 % des collaborateurs considèrent, eux, qu’ils ont été autant productifs, si ce n’est plus productif.
Des managers entre le marteau et l’enclume
Conséquence directe, le travail hybride est un sujet qui ne serait pas encore pleinement pris à bras le corps par les organisations. « Seulement » 26 % des dirigeants français auraient ainsi développé un cadre pour le travail hybride afin de définir quand et pour quelles raisons aller au bureau (un chiffre dans la moyenne mondiale qui s’établit à 28 % selon Microsoft).
Autre conséquence, les managers (middle management) se disent tiraillés entre les aspirations de leurs équipes et la perception de leurs directions, plus conservatrices.
Concrètement, 48 % des managers en France estimeraient que leurs équipes dirigeantes ne seraient pas en phase avec les attentes des collaborateurs, note Microsoft. Ils sont 54 % dans le monde, ce qui laisse à penser que la situation est pire ailleurs.
Les managers aimeraient donc plus de flexibilité et d’autonomie pour améliorer les conditions de travail et les processus (72 %).
Pas de cadre clair au travail hybride
Du côté des employés, le travail hybride est certes plébiscité en France, mais moins que dans d’autres pays. Et il pose des défis d’organisation personnelle au quotidien pour les collaborateurs (horaires étendus, longues réunions, travail le soir, le week-end et pendant les vacances, multiplication des communications, etc.).
Par exemple, 28 % des travailleurs hybrides affirment qu’un de leur plus gros problème est de savoir quand travailler à distance et quand se rendre sur leur lieu de travail. Un point lié au fait qu’il n’y a pas de cadre clair dans 75 % des entreprises françaises.
Autre défi : 49 % des travailleurs hybrides en France estiment avoir moins de lien social (contre 59 % au niveau mondial). C’est d’ailleurs un des arguments clefs des dirigeants pour un retour total ou partiel au bureau – comme la semaine hybride chez Google. 48 % des dirigeants français affirment ainsi que le maintien du lien social est le principal défi du travail à distance ou hybride.
100 % télétravail vs 100 % au bureau : le choc des cultures
Quoiqu’il en soit, le « distanciel » est parti pour rester comme nous l’écrivions en 2020. Deux chiffres le montrent.
Le premier est que 57 % des employés qui travaillent aujourd’hui totalement à distance voudraient continuer en mode hybride (c’est-à-dire ne pas avoir à vivre un retour à 100 % au bureau).
À l’inverse, 50 % des employés actuellement en travail hybride envisageraient purement et simplement de passer au 100 % distanciel (à noter qu’ils ne sont que 33 % en France).
Cette aspiration a néanmoins peu de chance de se concrétiser. La moitié des chefs d’entreprise souhaiteraient en effet « un retour à ce qui existait ; 50 % [des sondés expliquent] que leur entreprise exige déjà, ou prévoit d’exiger, le retour à un temps plein sur site dans l’année à venir », écrit le rapport de Microsoft. « Ce pourcentage est encore plus élevé pour les dirigeants des secteurs de la fabrication (55 %), du commerce de détail (54 %) et des biens de consommation (53 %) ».
Ces chiffres expliquent également la position inconfortable des managers.
Grande Démission (et Grand Regret ?)
Conséquence plus ou moins directe de cet écart de perception, la moitié de la génération Z et des Millenials (49 %) envisageraient un changement d’emploi cette année (+4 % en un an). Une proportion à peine plus basse si l’on prend toutes les tranches d’âge confondues (43 %, en hausse de 2 %).
Dans le monde, cette velléité de départ est nettement plus marquée, avec 10 points de plus qu’en France (53 %, + 3 % en un an). La Grande Démission et le Grand Regret (qui commence à poindre ?) – pour reprendre une formule du quotidien britannique The Guardian – ne sont donc pas encore une réalité dans notre pays.
Mais des signes d’une fracture culturelle et générationnelle commencent à apparaître. Gérer des aspirations aussi opposées s’annonce en tout cas comme un des chantiers RH, IT, opérationnel et stratégique parmi les plus passionnants des années à venir.