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Du biogaz pour alimenter et surtout refroidir les datacenters
Datafarm, producteur d’énergie par trigénération, et Adista, opérateur de services hébergés, se sont associés pour créer un centre de calcul particulièrement écologique, en s’appuyant sur la méthanisation.
C’est un centre de calcul de taille modeste pour un usage régional : il accueille 150 baies pour 650 kW de puissance IT. « La production électrique principale est assurée par Datafarm, grâce au biogaz issu de la méthanisation chez nos partenaires agriculteurs, pour conjointement le transformer en électricité d’une part, et en froid d’autre part » , résume Romain Gabriel, associé et CSO de Datafarm Energy. L’entreprise exploite une technologie de trigénération, extension de la cogénération plus connue.
La cogénération produit de l’électricité et de la chaleur ; cette chaleur étant convertie en froid dans un échangeur thermique. Avec la trigénération, Datafarm fournit au datacenter l’électricité nécessaire à ses serveurs et autres équipements auxiliaires, mais les refroidit directement au lieu de la faire passer par des groupes froids qui consommeraient eux-mêmes de l’électricité.
Une énergie produite en continu
L’idée est venue du PDG de Datafarm, Stéphane Petibon, qui travaillait dans les datacenters et s’était rendu compte à quel point ils étaient énergivores. Le biogaz est produit localement et est pilotable, un point important pour les centres de calcul : l’énergie produite est continue, à l’inverse de l’éolien ou du solaire.
Olivier GrosjeanneDirecteur technique d'Adista
Même si elle est méconnue, la trigénération existe depuis assez longtemps. Mais le vrai défi était de créer un modèle résiliant pour assurer la continuité de service. Cette résilience est assurée par l’architecture de la Datafarm Box – l’usine à produire de l’énergie devrait-on dire, tant sa taille est importante – combinée aux réseaux de gaz et d’électricité pour la redondance durant les opérations de maintenance.
Olivier Grosjeanne, le directeur technique d’Adista, opérateur de services hébergés et partenaire de Datafarm, insiste sur le fait qu’il s’agira d’un datacenter hautement résiliant fonctionnant en 24/7, avec des mécanismes de secours que l’on retrouve dans les datacenters classiques, tels des groupes électrogènes.
« L’autre difficulté était de faire communiquer deux univers qui n’ont rien à voir entre eux, au niveau de la réglementation par exemple », ajoute Romain Gabriel. Ce qui exige un montage de projet assez complexe. Selon Olivier Grosjeanne, directeur technique d’Adista, « la charge d’un tel datacenter reste relativement stable, même si un serveur nécessite brutalement un peu plus de puissance de calcul. Ce qui peut faire augmenter la demande en énergie est l’ajout de serveurs, mais surtout les variations météo (température extérieure) ». De plus, le gaz est stockable pour faire face aux petites variations.
Des datacenters de proximité
Ce datacenter local, qui s’inscrit dans la tendance du edge computing, n’est pas destiné à transporter l’énergie ou les data sur des centaines de kilomètres, afin d’éviter les déperditions en énergie ou d’avoir des latences trop élevées (secteur des télécoms), toujours dans un but écologique.
Romain GabrielAssocié et CSO de Datafarm Energy
Par contre, d’autres cas d’usage trouvent tout leur intérêt dans un datacenter de proximité : l’IoT, les smart cities, générant énormément de données localement et devant être traitées rapidement ; car ces informations sont renvoyées aux capteurs qui doivent servir à prendre des décisions urgentes, d’où la nécessité d’une faible latence.
Autre application, les PRA : plus la donnée est proche, moins le coût est élevé et techniquement, la réplication est plus rapide. En outre, Adista construit deux datacenters jumeaux dans la région Grand Est reliés par liaison synchrone, à une quinzaine de kilomètres l’un de l’autre. Le premier datacenter est en construction et sera opérationnel fin 2022.
« L’usine de méthanisation existe déjà et nous ajoutons notre module de trigénération sur la parcelle voisine qui accueillera le Datacenter de notre client », précise Romain Gabriel. Trois agriculteurs sont impliqués dans le projet. Ils sont voisins de 1 km du datacenter, ce qui leur permet de récupérer les déchets de restauration collective pour la production de biogaz. Une quantité largement suffisante pour fournir en gaz, en prime, les opérateurs gaziers. Le second datacenter est déjà en place, mais fonctionne pour l’instant de manière classique.