C’est officiel : Nvidia ne rachètera pas ARM
Dans le domaine des semi-conducteurs, le géant des accélérateurs de calcul vient de renoncer à s’emparer du numéro 1 des concepteurs de processeurs, après avoir fait l’unanimité contre lui.
C’est désormais entériné : Nvidia ne rachètera pas ARM. Après un an et demi de tractations, les objections émises par à peu près tous les régulateurs des grandes puissances économiques en Occident et en Asie ont eu raison de l’offre de 66 milliards de dollars qu’avait faite le géant des GPUs. Une somme engagée pour mettre la main sur cette société d’origine anglaise qui conçoit le design des processeurs que l’on trouve dans les mobiles, dans les objets connectés, dans les Mac et même dans les serveurs des hyperscalers.
La crainte des régulateurs, notamment de la FTC aux USA, était que Nvidia dicte à tous les secteurs évoqués des directions technologiques qui l’arrangent. Le numéro 1 des cartes graphiques pour PC est en effet devenu ces dernières années un acteur de premier plan du datacenter : depuis 2020, son activité professionnelle est même devenue plus rentable que sa branche historique dédiée aux jeux vidéo. Ses GPU accélèrent la plupart des supercalculateurs et des clusters d’intelligence artificielle. Il a la mainmise sur leurs réseaux Infiniband depuis qu’il a racheté Mellanox, le leader du domaine. Il a mis au point les DPU BlueField qui accélèrent les communications réseau et sans doute bientôt le stockage.
Éviter l’hégémonie
Dans son domaine, Nvidia est en compétition avec deux autres géants des semi-conducteurs : Intel et AMD. Tous trois ont pour objectif de vendre des plateformes complètes, aux fabricants des serveurs et aux géants d’Internet assemblant eux-mêmes leurs machines. Leur argument pour devenir incontournables est que les composants complémentaires qu’ils fabriquent donneraient le meilleur d’eux-mêmes seulement quand ils sont tous de la même marque.
Par exemple, un serveur à base de processeur Intel Xeon est le seul à pouvoir bénéficier des barrettes de mémoire Intel Optane qui sont deux fois plus capacitives. Un serveur à base de processeur AMD Epyc est plus rentable en termes de puissance/prix s’il est aussi équipé d’un GPU MI100 d’AMD parce que, dans cette configuration, le GPU est aussi rapide qu’un modèle de Nvidia qui coûte deux fois plus cher. Le scénario que tout le monde redoute est que les processeurs ARM n’atteignent plus leurs performances maximales que s’ils sont entourés d’autres composants de Nvidia. Ou, ce qui revient au même, seulement s’ils sont interfacés avec des technologies dont il faudrait subitement reverser des licences à Nvidia.
NVidia ne produit pas encore de concurrents des Xeon et des Epyc. Mais le projet est bien en cours : en 2023, il devrait lui aussi devenir un fabricant de processeurs en lançant le Grace, une puce basée, justement, sur une architecture ARM. La société ARM ne fabrique pas de processeurs ; elle se contente d’en faire le design qu’elle revend sous forme de licences à des acteurs comme Samsung, Apple, Qualcomm ou autres ; lesquels enrichissent le circuit de base avec des modules qui leur sont propres. Si AMD avait mis la main sur ARM, cela aurait signifié qu’il maîtrise l’architecture de ses concurrents.
Ce rachat posait aussi un autre problème, plus géopolitique. ARM appartient en ce moment au fonds d’investissement japonais SoftBank. S’il était passé sous l’escarcelle de Nvidia, il aurait exercé son activité sous pavillon américain. D’une part, la Chine, en guerre économique contre les USA, ne pouvait pas laisser partir une technologie aussi essentielle pour son industrie chez son rival. D’autre part, Intel et AMD étant aussi américains, ce rachat aurait achevé de concentrer aux USA l’essentiel de la propriété intellectuelle des processeurs.
De son côté, SoftBank, qui n’était pas contre la vente d’ARM, envisage désormais le palliatif d’une introduction en bourse.