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Chez Thales, l’industrie 4.0 passe aussi par les smartphones
Si le groupe français spécialisé dans l’aérospatiale, la cybersécurité et la défense s’équipe de terminaux Samsung, ce n’est pas seulement pour répondre aux usages nomades de ses opérateurs. C’est aussi et surtout pour résoudre un problème d’accès aux données.
IIoT, fabrication additive, cobotique, analytique avancée… et smartphones. Dans le cadre de sa transformation industrielle, Thales fait appel à Samsung pour équiper les opérateurs en terminaux Samsung dans les usines de Cholet, Brive et Laval. Plusieurs centaines de Samsung Galaxy S21, S20 et les tablettes Galaxy Tab Active3 seront mis à disposition des employés. Ces équipements sont voués à remplacer des ordinateurs sous Windows.
À terme, ce seront « quelques » milliers d’appareils qui seront confiés aux collaborateurs français du groupe industriel, dont environ 300 sur les trois sites de départ. Près de 10 000 unités seraient nécessaires pour couvrir les besoins des ateliers répartis à travers le monde.
Thales emploie plus de 80 000 collaborateurs. « Pour donner un ordre de grandeur, nous estimons que ces terminaux mobiles pourraient équiper la moitié des effectifs des activités industries et services », avance Philippe Chamoret, VP Industries & Services chez Thales.
Outre le fait que Samsung est un partenaire de longue date de l’industriel français, dixit Philippe Chamoret, le groupe a été séduit par l’offre Enterprise Edition du fabricant coréen. Samsung fournit des appareils bénéficiant de cinq ans de mise à jour et de patch correctif en sus de la plateforme Knox.
Conçue au départ comme une solution de sécurité, la plateforme du Coréen a vu ses fonctions s’étendre pour en faire un gestionnaire de parcs mobiles, intitulé Knox Suite. Le temps de déploiement des smartphones et tablettes serait plus rapide, tandis que Samsung propose des ROMs Android spécifiques aux besoins de Thales. « La solution offerte par Samsung permet à nos équipes ICT d’administrer les appareils suivant les standards de Thales, notamment en ce qui concerne tous les aspects de sécurité », affirme Philippe Chamoret.
À ce titre, Knox E-Fota doit permettre de vérifier chaque procédure de mise à jour et empêcher les intrusions par ce biais. Il faut dire que les smartphones ne sont pas déployés n’importe où. Par exemple, l’usine de Cholet produit des équipements radio civils et militaires, des stations sols des réseaux de communication par satellite et des solutions de cybersécurité.
Une transformation digitale, au sens propre du terme
Thales exprime des besoins communs à différents industriels. « La transformation numérique chez Thales passe par deux grands leviers : l’automatisation des tâches à faible valeur ajoutée, répétitives […], et l’amélioration de l’efficacité opérationnelle de nos employés au quotidien », affirme Philippe Chamoret.
L’amélioration continue des performances, la formation et l’attractivité de ces filières sont des fondements de ce mouvement transformationnel. « Cette année, nous allons recruter 11 000 personnes, dont 3 500 en France. De ces 3 500 personnes, environ 30 % seront embauchés par nos activités Industries et Services », annonce-t-il.
Mais une autre spécificité, organisationnelle cette fois-ci, explique le choix de Samsung. Les opérateurs de certaines usines sont nomades et peuvent même être amenés à se rendre sur « six ou sept postes différents » au cours d’une journée de travail.
« Nous avons des chaînes d’intégration d’équipement composées d’une succession de postes. À chaque poste, un ordinateur sert d’interface vers les systèmes d’information », précise Philippe Chamoret. « Pour des raisons de polyvalence et pour suivre de bout en bout la production des équipements, par exemple de radios tactiques, les collaborateurs passent de poste en poste ».
Ainsi, Thales se prépare à adopter les stations DeX de Samsung. Ces docks propriétaires, un temps boudés par le grand public, permettent non seulement de charger les smartphones, mais aussi de les « transformer » en ordinateur, une fois un écran, un clavier et une souris connectés.
« La solution de Samsung consiste à fournir un téléphone portable à un opérateur, qui vient le connecter à un support. L’opérateur est instantanément connecté au SI et voit apparaître les informations dont il a besoin à ce poste-là », résume Philippe Chamoret.
« L’on gagne un temps précieux et il est évident que les opérateurs préfèrent fabriquer, monter, tester plutôt que de passer du temps à se connecter aux systèmes d’information », ajoute-t-il.
Pour des raisons de sécurité et d’accès aux SI des usines, il faut que les opérateurs et techniciens de maintenance entrent leurs identifiants lorsqu’ils interviennent sur l’ordinateur/poste de travail permettant de contrôler une ligne de production. Le fait que les smartphones soient équipés d’un capteur d’empreintes digitales serait le vecteur de ce gain de temps, selon Frédéric Fauchère, Directeur division IM B2B chez Samsung Electronics France.
« Lorsque vous remplacez votre ordinateur par une solution avec un terminal mobile, vous supprimez des problèmes de connexion à vos sessions Windows avec un identifiant et mot de passe », affirme-t-il. « Ici, toutes les applications métiers qui sont utilisées par l’agent de production nécessitent également un verrouillage sécuritaire. Avec le smartphone, tout se fait par l’empreinte digitale. Donc, le gain de temps, la rapidité, l’agilité est assez vite assez fort ».
Simplifier l’accès à la donnée
Les ordinateurs portables sont équipés de longue date de capteurs similaires, mais c’est surtout la mobilité et la fluidité d’accès à la donnée qui sont recherchées par Thales. Les deux autres cas d’usage mis en place dans la phase pilote le prouvent.
« Pour nos ateliers de réparation, nous développons des solutions qui permettent d’accéder à des informations afin de diagnostiquer et de définir beaucoup plus rapidement la manière de réparer des produits », annonce Philippe Chamoret. « Cela permet aux techniciens de maintenance de passer beaucoup moins de temps à la recherche d’informations ».
« L’on peut gagner beaucoup en agilité et en efficience si nos employés peuvent avoir la bonne donnée au bon moment. Et aujourd’hui, ce n’est pas toujours le cas », observe-t-il.
Philippe ChamoretVP Industries et Services, Thales
« Finalement, notre problème c’est l’accès à la donnée de toute nature. Dans notre usine de Châtellerault, nous avons remarqué qu’un opérateur passait en moyenne 20 % de son temps à gérer, interfacer et à trouver des données ». L’interface de réparation des produits utilisée depuis les smartphones Samsung permet de « rebasculer sur la vraie valeur ajoutée apportée par l’investigation de pannes et la réparation ».
Autre exemple, les responsables des ateliers et des usines organisent des points quotidiens des animations à intervalle court, une technique de management bien connue dans l’industrie. Les problèmes rencontrés la veille et les analyses effectuées sont désormais affichés sur des écrans. « Les responsables de la mise en pratique des méthodes se déplacent dans les ateliers. Les solutions mobiles permettent de très rapidement enregistrer un problème et de le documenter depuis le poste avant qu’il soit traité », ajoute Philippe Chamoret.
Android, l’OS des cols bleus nomades
Passer de postes de travail sous Windows à des équipements sous Android n’a rien d’anodin.
Ici, les smartphones et les tablettes sont équipés d’une distribution Android couplée à une surcouche One UI. « C’est une surcouche qui peut être virtualisée avec Citrix, mais Thales n’a pas choisi ce cas de figure », indique Frédéric Fauchère.
Au lieu de ça, l’industriel a pris sur lui de développer des applications spécifiques servant d’interfaces pour se connecter aux ERP et aux autres systèmes en place.
« Les collaborateurs recourent à un agent mail et les applications métiers historiquement sous Windows ont été rendues compatibles pour Android », précise Frédéric Fauchère.
Frédéric FauchèreDirecteur division BtoB Mobilité, Samsung Electronics France
À l’avenir, plusieurs applications pourraient être déployées sur les smartphones afin d’améliorer les opérations de maintenance, par exemple.
Les téléphones eux-mêmes disposent d’une connexion wifi et 4G. Le Samsung Galaxy S21 prend en charge le réseau 5 G. Thales pourra donc utiliser ces smartphones si le besoin d’adopter le nouveau standard s’en fait sentir. Selon Philippe Chamoret, l’adoption de la 5G est en ce moment étudiée par les équipes informatiques. « De manière générale, nous envisageons d’apporter une réponse à cette question cette année, en fonction des besoins », renseigne-t-il.
Dans l’immédiat, il s’agit de déployer les appareils Samsung et de former les collaborateurs après la phase pilote s’étant terminée en décembre 2021 dans l’usine de Cholet. « Nous allons étendre la solution dans les vingt principaux sites de Thales en France, c’est notre objectif », affirme Philippe Chamoret. « Plus tard, nous serons amenés à étudier les options que nous offre cette solution pour intégrer de nouvelles fonctionnalités ».
Thales n’imposera pas de « Big Bang » en la matière et demandera à se faire livrer les smartphones suivant le développement des cas d’usage et de l’avancement des formations. De son côté, Frédéric Fauchère assure que le déploiement de 2 000 terminaux par semaine chez les clients de Samsung France correspond à un « rythme assez classique ».
Le traitement des données, un « travail de fond » chez Thales
Mais de manière générale, le gros du travail consiste à organiser l’accès aux données, selon Philippe Chamoret. Le smartphone demeure une « modalité d’accès aux données ».
Philippe ChamoretVP Industries et Services, Thales
« Nos données résident dans des systèmes préexistants construits de manière différenciée en fonction des activités, parfois sous contraintes de clients qui sont forcément divers », raconte-t-il. « Quand nous développons une application, nous sommes amenés à mettre en place des plateformes qui permettent de se connecter à ces applicatifs, mais aussi d’y utiliser les données collectées. Derrière tout cela, il y a un travail de fond consistant à converger vers des data models standards pour simplifier la collecte ».
Philippe Chamoret donne un exemple concret. « Entre deux sites, si nous voulons corréler deux données, elles n’ont pas forcément une signification parfaitement identique. Nous devons les “traduire” avant de les comparer ».
Une fois les données importées, régularisées, Thales « outille ses données pour favoriser la prise de décision.
« Comme nous multiplions les solutions, une même donnée peut servir à plusieurs usages. Nous sommes en train de construire une bibliothèque de data models de façon à répondre à cet enjeu », illustre-t-il.