Stockage : la startup Tiger abolit la difficulté du cloud hybride
Cette solution crée sur le disque local des liens symboliques vers les fichiers stockés en cloud. L’avantage est que les applications traditionnelles deviennent automatiquement compatibles avec les données en ligne.
Réinventer complètement le concept du stockage en cloud pour les machines clientes, telle est la proposition de Tiger Technology, une startup d’origine bulgare que LeMagIt a découverte lors de l’IT Press Tour, un événement qui consiste à présenter à la presse spécialisée les acteurs les plus innovants en matière de stockage.
Plutôt que synchroniser un fichier sur PC avec sa copie en cloud – comme le font Box, iCloud et autres Dropbox – Tiger Technology propose de ne stocker sur le PC qu’un lien symbolique. L’intérêt ? Les collaborateurs qui travaillent sur de gros fichiers n’ont plus à attendre que le document se télécharge.
« Nous connectons n’importe quel répertoire local à n’importe quel fournisseur de stockage en ligne. Ensuite, vous voyez instantanément dans ce répertoire tous les fichiers stockés en cloud, comme s’ils étaient stockés sur votre PC, sauf qu’ils n’y sont pas réellement. Ce sont des liens symboliques, qui ne consomment pas de capacité sur votre disque local. L’intérêt est que vos données en cloud deviennent accessibles à toutes les applications traditionnelles qui sont conçues pour ouvrir et sauvegarder leurs documents sur disque dur », explique Alexander Lefterov, le fondateur de Tiger Technology.
N’avoir momentanément sur le disque local que les fragments qu’on utilise
« Prenons un exemple : vous devez éditer une vidéo haute résolution sur votre PC et votre équipe la partage en cloud. D’ordinaire vous devriez la télécharger entièrement, ce qui est lent, occupe de la place sur votre disque, voire multiplie les versions concurrentes. Avec notre système, un logiciel comme Adobe Premiere lit directement la vidéo depuis le cloud et toutes vos retouches sont immédiatement reportées dans le cloud. »
On pourrait craindre que ce système ajoute une latence abominable à chaque fois que l’on accède à une partie de la vidéo à cause de la communication entre le PC et le service de stockage en ligne qui se fait à la vitesse d’une connexion Internet, bien moins rapide qu’un disque local. Tiger Technology assure que ce n’est pas le cas.
« En réalité, vous travaillez sur votre disque local, à la vitesse de votre disque local. Notre système télécharge bien les données entre le cloud et votre PC, mais il ne le fait que pour les blocs de données que vous êtes en train de lire, écrire ou retoucher. Il ne télécharge pas le fichier en entier, au contraire de ce que font les services de synchronisation habituels », indique Alexander Lefterov.
Dans le détail, le logiciel est paramétrable. La taille de ce qu’il conserve localement et la durée de cette conservation sont définies par l’utilisateur dans un jeu de règles. De plus, le logiciel pose un verrou sur les buckets en cloud qui contiennent les blocs en cours d’utilisation, de sorte qu’un autre collaborateur ne puisse pas modifier en même temps les mêmes segments d’une vidéo.
Le logiciel de Tiger Technology serait aussi doté d’une protection contre les ransomwares, bien que LeMagIT n’ait pas exactement compris comment cela fonctionnait. Selon les réponses données par Alexander Lefterov, il ne serait pas possible pour un malware de chiffrer uniquement les fragments de fichiers stockés localement. De plus, une certaine protection empêcherait de toute façon de remplacer un fichier en ligne sain, par un fichier local entièrement corrompu.
Faire du cloud hybride sans investir dans un projet de migration
Alexander Lefterov le concède : le système Tiger – c’est son nom – ne montre toute sa puissance qu’avec des fichiers de taille importante, suffisamment pour que leur téléchargement en entier soit rédhibitoire. Mais ce n’est pas tant de puissance que veut parler Tiger Technology, mais plutôt de facilité d’usage.
Alexander LefterovFondateur de Tiger Technology
« Notre propos est surtout d’apporter de la simplicité dans un contexte où toutes les entreprises doivent migrer dans le cloud, mais redoutent que cela perturbe le travail de leurs collaborateurs », avance Alexander Lefterov, en expliquant que ces perturbations vont de l’obligation d’utiliser de nouvelles applications compatibles avec le cloud, à la nécessité de devoir indiquer des URL au lieu de naviguer dans des dossiers locaux.
« Prenons un autre exemple, celui de la vidéosurveillance. Au prétexte de travailler en cloud hybride, les fournisseurs vendent des applications dites cloud-first qui n’ont plus rien d’hybride. Dans ces solutions, les images des caméras vont s’enregistrer dans le cloud et elles sont retéléchargées depuis le cloud pour s’afficher sur les écrans des équipes de surveillance. Non seulement cela impose un décalage, mais il suffit que la connexion Internet se coupe pour que la surveillance ne fonctionne plus. »
« Avec notre solution, vous conservez votre application de vidéosurveillance historique : les images sont stockées localement et s’affichent directement sur les écrans locaux. Mais, en plus, au fur et à mesure que les images défilent, elles sont transférées dans le cloud. Vous êtes donc gagnant sur les deux tableaux : la vidéosurveillance est immédiate, indépendante de la fragilité de votre connexion Internet et les images sont mises à l’abri en cloud, soit pour qu’une autre équipe les surveille à distance, soit pour les conserver de manière réglementaire sans devoir déployer une importante capacité de stockage sur site. »
Dans ce cas, précise Alexander Lefterov, le logiciel Tiger est installé sur le NAS local où arrivent les vidéos.
« Je n’ai pas pris cet exemple au hasard. Nous avons beaucoup de clients dans la vidéosurveillance. Mais aussi en médecine, dans les médias, car ce sont les mêmes modèles de fonctionnement », argumente-t-il. Et d’ajouter que certaines armées utilisent aussi sa solution pour sécuriser leurs NAS en cloud, sans devoir investir dans un projet de transformation des usages vers le cloud.
Limité aux systèmes de fichiers Windows
Techniquement, Tiger n’utilise pas de base de données pour indexer les morceaux d’information entre le disque local et le service en ligne. Le logiciel travaille directement au niveau du système de fichiers, ce qui lui garantit des accès plus optimisés que chez la concurrence. Revers de la médaille, il faut une version de Tiger par type de système de fichiers. Or, l’éditeur est loin de tous les prendre en charge.
Alexander LefterovFondateur de Tiger Technology
« En effet, à l’heure actuelle nous ne sommes compatibles qu’avec les systèmes de fichiers de Windows, en l’occurrence NTFS et ReFS. Nous n’avons pas encore proposé de versions pour les systèmes de fichiers Linux, car il nous a semblé que Linux n’était pas une priorité sur les postes de travail. Pour autant, nous y réfléchissons, car les NAS ou les systèmes locaux qui pilotent des objets connectés fonctionnent sous Linux », reconnaît Alexander Lefterov.
« Notre vrai problème est plutôt la compatibilité avec macOS, qui est très utilisé dans le milieu de la retouche vidéo. Comme tous les autres fournisseurs, nous butons sur les dernières évolutions de l’OS, où Apple a totalement verrouillé son système de fichiers. macOS vous empêche littéralement de manipuler les liens symboliques, d’accéder aux blocs. »
Tiger Technology n’est pas le seul à essuyer les nouvelles contraintes posées par Apple. Dans un autre domaine, le logiciel de sauvegarde Carbon Copy Cloner ne peut plus générer de copie démarrable du disque interne d’un Mac.