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Les cinq tendances BI à surveiller en 2022
Les tendances de la BI à surveiller en 2022 englobent l’adoption croissante de la génération et la diffusion automatisée d’indicateurs et des capacités d’analytique augmentée, notamment le NLP et l’AutoML.
L’automatisation devrait être l’une des plus grandes tendances de la BI (l’informatique décisionnelle) en 2022.
Il ne s’agit pas seulement d’automatiser des processus, une pratique de plus en plus courante dans la gestion des traitements de données répétitifs. Les spécialistes du secteur prédisent qu’en 2022 les éditeurs de plateformes BI ajouteront principalement des fonctionnalités de génération et de livraison automatisées des indicateurs. Les fournisseurs veulent respecter une vieille promesse de la BI : permettre la prise de décisions en temps réel.
Les habitués des outils BI peuvent aussi s’attendre à des évolutions des capacités de traitement du langage naturel et d’AutoML, enfin à la portée des métiers, ainsi qu’à l’émergence d’outils de planification stratégique embarqués dans les suites analytiques. Comme en 2021, l’année 2022 risque d’être ponctuée de nouvelles acquisitions et de mouvements d’argent conséquents pour soutenir la croissance des acteurs du secteur.
1. BI : la tendance à l’automatisation se poursuit
En octobre 2021, TIBCO a tenté d’acheter Blue Prism, un éditeur d’automatisation robotisée (RPA), avant que l’opération n’échoue. En outre, Alteryx et Qlik ont formé des partenariats avec UiPath, un autre spécialiste de la RPA.
Ces initiatives étendent les capacités d’automatisation existantes. Cette tendance n’a pas pris fin au 1er janvier 2022. Les experts s’attendent à ce que les éditeurs accordent toujours plus d’importance à l’automatisation au cours des douze prochains mois.
« Ensemble, l’IA et l’automatisation vont révolutionner la façon dont les entreprises utilisent leurs plateformes analytiques », assure Mike Leone, analyste chez Enterprise Strategy Group.
De même, l’automatisation liée aux analyses prescriptives est une tendance de la BI que des acteurs comme Sisense surveillent de près.
« L’automatisation autour de l’analytique prescriptive est la [tendance BI] qui m’enthousiasme le plus », déclare Ashley Kramer, responsable produit et marketing chez Sisense. « Je pense que c’est celle qui commence vraiment à rendre les collaborateurs plus efficaces en favorisant l’utilisation intelligente des données. »
L’analytique a toujours été descriptive : cette pratique consiste à montrer ce qu’il s’est déjà produit. L’étape suivante, l’analytique prédictive, vise à anticiper les données futures, sans toutefois préconiser les décisions possibles. Et maintenant, l’analytique devient prescriptive : elle suggère aux entreprises les bonnes actions à prendre.
Mais plutôt que d’obliger les usagers à passer par la plateforme analytique pour obtenir ces recommandations, leur intégration dans les outils les plus utilisés par les métiers sera l’une des grandes tendances de la BI en 2022.
« Selon nous, la tendance est la suivante : “Ne m’obligez pas à chercher où aller pour trouver ce résultat prescriptif, mais intégrez-le dans un workflow, quel qu’il soit” », résume Ashley Kramer. « Cela prend forme, ça se voit sur le terrain ».
Par exemple, les commerciaux passent la majeure partie de leur temps à manipuler des données dans le CRM.
« Vous pouvez programmer des indicateurs clés de performance (KPI) à pousser vers n’importe quelle application », note Ashley Kramer. « Vous pouvez alerter le commercial lorsqu’il y a un problème avec un compte, lorsqu’un prospect est très intéressé par un produit, etc. – sans qu’il ait besoin d’en faire la demande ».
Elif TutukVP Innovation et Design, Qlik
De son côté, Elif Tutuk, vice-présidente de l’innovation et de la conception chez Qlik, s’attend à ce que les plateformes analytiques ne se contentent pas de générer des indicateurs, mais automatisent également la prise d’actions, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
« Avec les plateformes d’automatisation [les éditeurs] font de l’objectif premier de la BI une réalité, à savoir inciter la prise d’actions efficientes », déclare-t-elle. « Il s’agit de pouvoir lier la génération d’indicateurs au déclenchement d’automatismes basés sur les résultats de l’analyse. Cela peut être fait de manière entièrement automatisée ou avec un humain dans la boucle, tandis que traditionnellement un utilisateur peut comprendre quelque chose en observant un tableau de bord, mais ne peut pas déclencher directement une action depuis cette interface ».
2. Traitement du langage naturel (NLP)
Si l’automatisation permet d’agir, il en va de même pour le traitement du langage naturel (NLP).
Grâce aux progrès dans ce domaine rattaché au deep learning, les éditeurs tentent de rendre leurs plateformes accessibles à un plus grand nombre d’utilisateurs.
Selon les résultats de différentes études, on estime que seulement un quart à un tiers des employés utilisent les données pour éclairer leurs décisions.
De fait, la plupart des employés ne savent pas programmer et n’ont pas les compétences requises pour interpréter les données et poser les questions permettant la modélisation d’indicateurs pertinents.
Les outils d’analytique augmentée visent à réduire ces obstacles en guidant les collaborateurs grâce à des fonctionnalités no-code, notamment des fonctions NLP qui permettent d’interroger les données en langage naturel, à l’écrit ou à l’oral. L’adoption de ces outils reste toutefois faible : selon les analystes, les capacités réelles de ces solutions rattrapent doucement les promesses des éditeurs.
Cependant, l’adoption des capacités d’IA devrait s’accélérer dans l’année à venir.
Mike LeoneAnalyste, ESG
« De nombreuses entreprises sont en retard dans l’utilisation de capacités telles que l’analytique augmentée, l’interrogation en langage naturel (NLQ) et le traitement du langage naturel », constate Mike Leone. « Les organisations s’appuieront de plus en plus sur l’IA pour aider à améliorer la qualité et la découverte des données, car elles cherchent à garantir une plus grande confiance dans les données et les indicateurs dérivés de leur analyse. »
David Menninger, analyste chez Ventana Research, s’attend lui aussi à voir une croissance de l’adoption du NLP. Mais parce que les outils NLU/NLP doivent encore s’adapter à certaines des nuances du langage – synonymes, mots qui se ressemblent, lexiques spécifiques à une industrie ou à une entreprise – et parce qu’ils peuvent être onéreux à mettre en œuvre, il ne s’attend pas à une explosion de leur usage en 2022.
« Je pense que l’utilisation du NLP va continuer à croître », estime David Menninger, « et que cette technologie continuera à s’améliorer et à aider, mais je ne crois pas que ce sera l’année de la percée, pour ainsi dire. Je pense qu’il y a encore du travail à faire, tant sur la technologie que sur la volonté des organisations de l’utiliser. »
3. AutoML
Les capacités d’intelligence augmentée telles que le traitement du langage naturel et l’apprentissage automatique (AutoML) progresseront en 2022, avec le soutien massif des investisseurs en capital-risque.
Tout comme les outils NLP sont conçus pour permettre des requêtes et des analyses en libre-service, les outils d’AutoML laissent entrevoir la data science en libre-service. À l’aide d’outils no-code ou low-code, les métiers pourront créer, former et déployer des modèles de données pour une analyse approfondie et la génération d’indicateurs.
Par exemple, Tableau a fait du concept de science des affaires (« Business Science ») une priorité. Présenté pour la première fois en mars, ce concept marketing est essentiellement basé sur la data science en libre-service, rendue possible par l’intelligence augmentée et le machine learning.
Parallèlement, Qlik a acquis Big Squid spécifiquement pour ses capacités AutoML et Alteryx a fait de l’AutoML une pièce maîtresse de sa plateforme avec la mise à jour de mai 2021.
Ce n’est pas tout. Les experts du secteur affirment que d’autres nouveautés sont à venir en 2022.
« L’analytique prédictive deviendra plus accessible », affirme Nelson Petracek, CTO de TIBCO. « La technologie sera mise à la disposition d’un plus large public, et plus seulement aux data scientists, grâce à l’utilisation d’outils en constante amélioration et d’approches de développement axées sur les modèles. »
Nelson PetracekCTO, TIBCO
De même, David Menninger s’attend à ce que les éditeurs continuent à ajouter et à améliorer les capacités d’AutoML au cours des 12 prochains mois.
« Je pense que nous allons assister à des avancées significatives dans le domaine de l’AutoML », prédit l’analyste. « Cette technologie ne sera pas aussi efficace que l’intervention d’un data scientist, mais elle est certainement arrivée à un stade où elle est utile. Je pense donc que des personnes qui ne sont pas nécessairement des data scientists qualifiés auront de plus en plus recours à l’AutoML. »
Cependant, David Menninger ajoute que certaines de ces fonctionnalités d’automatisation du machine learning peuvent susciter la consternation.
Tout comme la BI en libre-service nécessite une gouvernance rigoureuse pour protéger les organisations contre l’exposition de données sensibles, tout en permettant aux utilisateurs finaux de travailler en toute confiance, la data science en libre-service doit inclure des mesures de protection.
« L’utilisation accrue de l’AutoML entraînera certains défis – des problèmes de gouvernance et certaines personnes risquent de trop se fier à une technologie qu’elles ne comprennent pas », prévient l’analyste. « Avant de mettre en production un cas d’usage lié à un processus commercial important pour l’entreprise, il faut qu’une équipe de data science l’examine, le supervise et s’assure qu’il est gouverné. »
4. Les tendances BI qui émergeront en 2022
Alors que de nombreux éditeurs BI disposent déjà de capacités d’automatisation, de NLP et d’AutoML, il existe des fonctionnalités que peu d’acteurs proposent et qui, selon les analystes, devraient gagner en popularité en 2022.
Il s’agit notamment d’outils destinés à soutenir les initiatives environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) et la planification stratégique.
D’abord pour des raisons de conformité, mais aussi pour soigner leur image ou par pur altruisme, de nombreuses organisations entreprennent des projets ESG. Par exemple, les industries du pétrole et du gaz et d’autres industries hautement carbonées ont institué des mesures pour accroître la durabilité, et les entreprises doivent réduire leur empreinte carbone et mesurer leurs progrès.
Selon Doug Henschen, analyste chez Constellation Research, l’une des tendances BI à surveiller en 2022 est la multiplication des outils et de services permettant la création de rapports ESG, un phénomène également observé chez les fournisseurs cloud et chez les ESN.
« Ce dont les entreprises ont besoin, c’est de plus de cohérence et de praticité dans le patchwork de normes et de réglementations à travers le monde », affirme-t-il. « La technologie peut aider les sociétés à gagner en transparence et à atteindre des objectifs, mais c’est plus difficile lorsque les frontières sont floues entre KPI économiques et écologiques. »
Il ajoute que la plupart des initiatives ESG des organisations sont centrées sur l’environnement.
Selon Doug Henshen, les plus gros émetteurs de CO2, les acteurs de l’industrie du gaz, de la pétrochimie et d’autres se sont depuis longtemps emparés du sujet. « Mais les attentes en matière environnementale, sociale et de gouvernance, croissent dans tous les secteurs ; les gestionnaires d’actifs, les investisseurs, les groupes d’activistes et les entreprises tournées vers l’avenir montrant la voie. »
David Menninger, quant à lui, s’attend à ce que de plus en plus d’éditeurs ajoutent des fonctionnalités de planification stratégique et de simulation.
David MenningerAnalyste, Vantana Research
Historiquement, les outils de planification qui examinent différents scénarios commerciaux ont été proposés par un ensemble d’éditeurs en dehors du marché de la BI. Par exemple, Envisio, Adaptive Planning et Cube sont des spécialistes du domaine.
Aujourd’hui, cependant, certains acteurs de l’analytique ajoutent des outils de planification de scénarios, et cela va s’accélérer en 2022, selon Menninger.
« Je constate qu’une tendance se dessine autour de la planification et de l’analyse de scénarios. Je vois de plus en plus de fournisseurs investir et mettre sur le marché des capacités de planification en combinaison avec d’autres types d’analyses. Ce ne sera peut-être pas une année de rupture, mais peut-être une année au cours de laquelle l’intérêt autour de cette tendance augmentera de manière significative ».
Tableau, par exemple, prévoit d’ajouter un outil appelé Scenario Planning en 2022, tandis qu’Oracle, IBM et SAP font partie de ceux qui ont déjà ajouté des capacités de planification à leurs portfolios.
« Lorsque je vois les principaux fournisseurs cloud, les leaders de la visualisation de données, ajouter davantage de capacités de planification, cela me dit que c’est sur le point de se propager », note David Menninger.
5. Les mouvements financiers
En commençant par l’acquisition de Podium Data par Qlik en juillet 2018 et en terminant par l’acquisition de Tableau par Salesforce en juin 2019, la consolidation a été une tendance importante de la BI ces dernières années.
Au cours des douze derniers mois, Sisense a acheté Periscope Data, Alteryx a acquis ClearStory Data, Logi Analytics s’est emparé de Zoomdata et Google de Looker.
Puis la consolidation s’est ralentie et, à l’exception de l’acquisition d’IBI (anciennement Information Builders) par Tibco en octobre 2020, les éditeurs établis ont préféré mettre la main sur des startups.
Dans un même temps, les éditeurs de plateformes analytiques ont bénéficié d’un large afflux de capitaux.
ThoughtSpot a levé 348 millions de dollars en deux tours de financement depuis le début de 2019 et est maintenant évalué à 4,2 milliards de dollars ; Databricks a récolté 1,6 milliard de dollars de financement en août 2021 ; Snowflake a établi un record pour une entreprise technologique en septembre 2020 en accumulant 3,4 milliards de dollars par le biais de son introduction en bourse ; et Informatica est revenu sur les marchés publics en octobre 2021 en levant 841 millions de dollars après avoir été privatisé en 2015.
De même, les cours des actions de MicroStrategy et de Domo ont atteint des sommets historiques en 2021.
Donald FarmerDirecteur, fondateur et analyste, TreeHive Strategy
Une partie de ces liquidités pourrait être utilisée pour alimenter des acquisitions importantes, anticipe Donald Farmer, fondateur et directeur de TreeHive Strategy.
« L’on peut s’attendre à des gros titres – quand Snowflake effectuera un rachat ? Que va faire ThoughtSpot avec son financement ? Ils ne se contentent pas d’augmenter le salaire de leurs développeurs, ils vont donc en faire quelque chose », déduit Donald Farmer. « Ils ont laissé entendre qu’ils effectueront des rachats ».
Même de « petits » nouveaux tels que Mixpanel (200 millions de dollars le 18 novembre 2021) et Sigma Computing (300 millions de dollars le 16 décembre) ont levé des sommes importantes.
« Que va faire Mixpanel avec 200 millions de dollars ? », s’interroge Donald Farmer. « Beaucoup d’argent est investi dans les entreprises spécialisées dans le traitement des données et l’analytique. Il sera intéressant de voir comment elles dépensent une partie des sommes qu’elles ont récoltées ».
Enterprise Strategy Group appartient à Techtarget, également propriétaire du MagIT.