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IA : avec ODAP, Atos formule sa stratégie commerciale
Après une série de rachats, Atos a lancé une nouvelle « plateforme » d’intelligence artificielle baptisée ODAP, pour Outcome-driven AI Platform. L’ESN ne fait pas de mystère sur le fait qu’il s’agit avant tout d’une offre commerciale pour s’adresser aux directions métiers souhaitant adopter l’IA, les spécialistes de la vente au détail et de la logistique dans un premier temps.
Il suffit de télécharger la fiche descriptive de l’offre pour le comprendre. La solution Outcome-driven AI Platform, dite de « bout en bout », est composée de logiciels, de modèles analytiques, de machine learning et deep learning sur étagère reposant sur des data lake ou des entrepôts de données du marché (Atos rappelle ses partenariats avec AWS, Azure, Cloudera, Databricks et GCP), ainsi que des serveurs et des appliances BullSequana pour répondre aux cas d’usage nécessitant des architectures hybrides ou en Edge Computing.
Cette offre est portée par une « AI/ML Factory », des experts de la data science pouvant intervenir chez les clients afin d’assurer des fonctions de conseil, de déploiement, de support et maintenir des services managés.
« Notre AI/ML Factory est répartie sur deux continents : l’Europe et l’Amérique du Nord », déclare Jérôme Sandrini, SVP Global Head of 5G & AI Solutions chez Atos. « Cette force de frappe de développement » émerge de la combinaison de ressources interne à Atos et de l’acquisition de plusieurs cabinets de consultance, à commencer par Zdata en 2017, puis Miner & Kasch en 2020, le londonien Ipsotek en juin 2021 et le tchèque DataSentics en octobre 2021. « Cela nous permet de rassembler plus de 300 “vrais” data scientists, mais également des spécialistes de certains domaines de l’intelligence artificielle et de verticaux spécifiques », ajoute le responsable.
Par exemple, Ipsotek est spécialisé dans la computer vision, tandis que DataSentics maîtrise les sujets liés au retail. « Cette force de frappe couvre à la fois un espace géographique et fournit des expertises complémentaires, en matière de data science et de cas d’usage adressés », déclare Jérôme Sandrini.
Selon le vice-président senior, ces équipes se spécialisent dans l’analytique avancée, la computer vision, le text mining, le NLP, la conception de moteurs de recommandation ou le déploiement d’architecture de lacs de données.
La fiche produit associée à ODAP indique qu’Atos cible un grand nombre de verticaux : le retail, le transport, l’énergie et les « utilities », les services financiers et l’assurance, le secteur public et la défense, ainsi que le manufacturing.
ODAP : Atos cible d’abord le retail, le e-commerce et la logistique
« Dans un premier temps, nous nous concentrons sur un segment que nous appelons en interne RTL : “retail, transport and logistics” », précise Jérôme Sandrini.
Jérôme SandriniSVP Global Head of 5G & AI Solutions, Atos
En ce sens, Atos met en avant trois logiciels sur étagère conçus par DataSentics : Persona 360, Betterfly et Adpicker. Persona 360 est une plateforme de segmentation de clientèle BtoC enrichie au machine learning, à placer par-dessus un data lake ou un data warehouse existant. Betterfly est un moteur de recommandation de produits basé sur l’analyse du ratio prix-performance. Il est réservé aux acteurs du e-commerce, tandis qu’Adpicker s’adresse aux agences marketing Web pour les aider à optimiser les revenus de leurs campagnes publicitaires « display et vidéo ».
Le deuxième axe sur lequel souhaite se positionner Atos n’est autre que le manufacturing. « En sous-jacent de cette offre ODAP, nos architectures edge et 5G vont servir de plateformes d’exécution des modèles d’intelligence artificielle, développés et déployés dans le cadre de projets d’usine intelligente », vante Jérôme Sandrini.
Pour l’instant, les aspects Cloud to Edge et 5G, sont moins avancés. Si la dimension edge computing est une réalité – Atos affirme disposer des produits, des compétences pour inférer les modèles d’IA et administrer les données localement – les offres hybrides des fournisseurs cloud et des spécialistes du datawarehousing sont encore jeunes, selon le SVP. « Les hyperscalers ont les capacités de provisionnement automatique sur des environnements Edge, mais il reste des choses à développer en matière de gestion des calculs et des données effectués localement ».
Anticiper les cas d’usage liés au Edge Computing et à la 5G
Concernant la 5G, le groupe entend se positionner sur un marché naissant. « Nous souhaitons développer nos alliances avec les opérateurs télécoms », déclare le SVP Global Head of 5G & AI Solutions. « Nous nous rendons compte que ces acteurs ne couvrent pas totalement les activités des métiers de leurs clients et nous préparons des partenariats stratégiques afin de répondre à ce besoin au travers de l’offre ODAP », ajoute-t-il.
Selon le responsable, le niveau de maturité des clients intéressés par la 5G est « véritablement inégal ». « Aux États-Unis, les projets 5G démarrent sérieusement avec les premiers déploiements réels, notamment pour supporter les cas d’usage de computer vision », indique-t-il « Les opérateurs poussent beaucoup : il y a un effort important de développement commercial de la part de ces acteurs qui veulent rentabiliser leurs investissements. Nous observons des clients prêts à y aller pour l’instant en mode expérimental ou à travers des POC. En Europe, ces POC sont majoritairement conduits par les opérateurs afin de travailler certains cas d’usage avant de les présenter aux clients. En Asie, nous enregistrons les premiers déploiements dans des bâtiments intelligents ».
« Bien évidemment », le secteur public et de la défense demeurent « importants et stratégiques » pour l’ESN, d’après notre interlocuteur, mais Atos se penche également sur le domaine médical. « Nos capacités pourraient être très intéressantes pour le secteur de la santé. Je pense à la télémédecine, à la médecine de précision en combinant les données des équipements et des flux vidéo avec des modèles IA pour automatiser les diagnostics ou de l’aide à la décision », illustre Jérôme Sandrini. « Mais à mon goût, nous n’avons pas encore assez de solutions sur étagère pour répondre à des cas d’usage spécifiques ».
Avec ODAP, il est toujours possible de développer des solutions personnalisées. « Nos équipes de data science nous permettrons d’enrichir nos librairies de cas d’usage standardisés, mais également de développer des solutions personnalisées pour les clients, car il y a toujours une dimension de personnalisation assez importante dans certaines industries », estime le responsable.
L’offre semble fourre-tout. Il n’en est rien selon Jérôme Sandrini. ODAP cible les directions métiers, pas les DSI. « Toutes nos offres sont déclinées verticalement et quand nous engageons la discussion avec les clients, nous discutons de leur industrie et de leurs besoins, pas de la technique », affirme Jérôme Sandrini. « Une fois que ces directions métiers ont décidé de nous faire confiance, nous discutons avec les responsables IT afin d’intégrer nos solutions avec les architectures et les outils existants ».
Il ne s’agit pas d’imposer une architecture de données spécifiques. « Dans certains groupes, des choix stratégiques ont déjà été faits. Nous pouvons effectuer des recommandations ou proposer une solution s’il n’y a pas de puits de données en place, mais nous essayons de nous appuyer sur les environnements des clients », assure-t-il.
ODAP complète une autre offre
Atos n’en est pas à son premier coup d’essai. Plus tôt cette année, il avait présenté une offre dédiée à la computer vision – baptisée Atos Computer Vision Platform – basée sur le savoir-faire d’Ipsotek. Au lancement, les verticaux visés étaient sensiblement différents. Cette offre composée de logiciels d’analyse vidéo, d’algorithmes sur étagère, de serveurs et mini serveurs s’adressait en premier lieu au secteur de la sécurité, de la défense, et aux acteurs de la smart city.
Jérôme SandriniSVP Global Head of 5G & AI Solutions, Atos
« En ce moment avec Ipsotek, nous ciblons les marchés de la vente au détail et du transport. Nous déployons des solutions d’intelligence vidéo dans des gares et des aéroports. Dans les magasins, les systèmes sont pour l’instant utilisés pour renforcer la sécurité », annonce Jérôme Sandrini. « Nous sommes en train de développer des solutions autour du magasin intelligent, c’est-à-dire l’automatisation du processus d’achat, à la manière d’Amazon Go, et de l’achalandage des rayons ».
C’est là qu’intervient le logiciel Shelf Inspector, créé par DataSentics. Il fait la jonction entre la « plateforme » ODAP et celle dédiée à la vision par ordinateur en proposant une solution d’inspection intelligente capable de détecter les produits manquants, les étiquettes de prix erronés ou les marchandises mal placées dans les rayons. « Il faut voir la plateforme ODAP comme une extension de notre offre de computer vision afin de traiter tout type de données », note Jérôme Sandrini.