Processeurs : IBM invente les transistors verticaux
Ces transistors appelés VTFET pourraient réduire la consommation électrique d’un processeur de 85 %. Samsung, partenaire de la recherche, pourrait être le premier à en fabriquer.
C’est un nouveau record dans les semi-conducteurs. IBM vient de faire la démonstration d’un prototype de puce capable de réduire sa consommation électrique de 85 %. Le secret ? Une conception inédite avec des transistors disposés verticalement. Le procédé a été développé en partenariat avec Samsung Electronics au centre Nanotech d’IBM à Albany, aux USA.
IBM prévoit d’utiliser cette conception dans ses processeurs Power et Z pour serveurs et mainframes, de sorte à réduire leur besoin en énergie dans les datacenters. Il parle aussi de décliner la technologie dans une série de puces destinées à des équipements bien plus légers, notamment des appareils mobiles dont l’autonomie pourrait ainsi grimper à une semaine. Le constructeur fait en l’occurrence plus référence à des objets connectés qui seraient embarqués sur des véhicules, c’est-à-dire non branchés en permanence à une prise de courant, plutôt qu’à des smartphones.
« Dans un contexte où les entreprises réfléchissent de plus en plus à des projets de Edge Computing [soit de petits calculateurs embarqués sur des appareils qui n’ont a priori rien à voir avec l’informatique, N.D.R.], de telles annonces vont dans le sens de la problématique de l’autonomie et de la contrainte de ne pas pouvoir consommer trop d’énergie sur le lieu d’exploitation. Nous en attendons autant d’ARM », commente l’analyste Dan Newman, du bureau d’études Futurum Research.
Dan NewmanAnalyste, Futurum Rsearch
Des transistors retournés à 45° vers le haut
Étendre l’électronique verticalement n’est pas une idée nouvelle. D’autres y avaient pensé avant IBM en empilant des transistors les uns au-dessus des autres dans le but de densifier la surface des puces, sans la contrainte de devoir réduire leur finesse de gravure. Le fait que cette technique soit utilisée pour diminuer la consommation d’énergie est en revanche plus original. Et pour cause : le principe n’a rien à voir avec tout ce qui existe en matière de puces 3D.
Ici, les transistors ne sont pas empilés les uns sur les autres, ils sont retournés à 45° dans le sens de la hauteur : l’électricité les parcourt de bas en haut, ou de haut en bas. L’intérêt ? Les transistors devenant perpendiculaires aux circuits qui les connectent, la conception des puces se libère des contraintes de taille et de longueurs dans ces connexions, de sorte qu’il devient possible d’améliorer leur dessin pour consommer moins. Et aussi pour limiter la dissipation thermique, car les transistors verticaux seraient plus faciles à isoler les uns des autres.
Ces transistors d’un nouveau type sont baptisés VTFET, ou transistors à effet de champs transporté verticalement (Vertical Transport Field Effect Transistors).
« Notre but est de défier les conventions, de repenser la façon dont l’industrie des semi-conducteurs peut améliorer la rentabilité de ses produits et réduire leur impact environnemental », lance Mukesh Khare, le responsable des recherches sur les serveurs et le cloud hybride dans la division IBM Research.
Samsung ?
Reste à savoir quelles usines vont être capables de fabriquer de tels processeurs avec transistors montés verticalement. On pense bien évidemment à celles de Samsung, le partenaire de cette découverte. Mais le marché s’interroge sur une participation éventuelle d’Intel. En effet, il y a quelques semaines, l’entreprise désormais dirigée par Pat Gelsinger exposait son plan pour rattraper son retard technologique face aux usines asiatiques, en particulier celles de TSMC. Ce plan laissait déjà entendre un partenariat avec IBM à propos d’une autre technologie d’avant-garde : la fabrication de circuits avec une finesse de gravure de 2nm.
Concernant IBM, on sait qu’il prévoit de mettre sur le marché une nouvelle génération de processeurs Power et Z en 2024. Or, à date, ce sont bien les usines de Samsung qui fabriquent les actuels processeurs Power 10 et Z Telum ; IBM les a choisies pour leur capacité de gravure avec une finesse de 7nm.
« Il ne serait pas étonnant qu’IBM vende des licences de sa technologie à plusieurs usines, concurrentes entre elles. Son but reste de proposer de la haute technologie et de la démocratiser dans des produits courants », estime Frank Dzubeck, consultant chez Communications Network Architects.