ipopba - stock.adobe.com
Étude : quel est l’avenir de l’IA de confiance dans l’industrie ?
Pour le compte du gouvernement français, EY Parthenon a réalisé une étude pour évaluer l’état des lieux et le potentiel de l’IA de confiance dans l’industrie. Si le rapport tend à conforter l’État dans ses initiatives, il montre aussi que les industriels rencontrent des difficultés à déployer leurs projets de data science.
Le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI), rattaché au cabinet du Premier ministre français, a commandé une étude auprès d’Ernst & Young Parthenon consacrée à l’adoption de l’intelligence artificielle et au concept d’IA de confiance dans l’industrie.
EY Parthenon a concentré sa recherche sur 200 entreprises réparties dans neuf secteurs en Europe, en Amérique du Nord et en Asie Pacifique : l’aéronautique, l’assurance, l’automobile, la banque, l’électricité et les réseaux, le ferroviaire, l’industrie minière, le pétrole et le gaz, ainsi que la pharmaceutique. Les auteurs du document comptent « entre 20 et 25 acteurs internationaux de premier plan » par verticale « industrielle ». Le cabinet a également mené des entretiens avec 55 experts de l’IA.
Résultat, EY estime que les industriels investissent en moyenne « entre 0,4 et 1 % de leur chiffre d’affaires dans des projets impliquant de l’intelligence artificielle ». Cela représenterait un budget total de 80 milliards d’euros en 2020. Or, « seuls 10 à 15 % des entreprises ont réussi à industrialiser des solutions à base d’IA ». Logiquement, 30 à 40 % des acteurs interrogés se limitent à des expérimentations soigneusement encadrées.
Étude EY Parthenon
L’IA dans l’industrie : un passage à l’échelle difficile
L’IA dans les usines serait parfois « peu dotée ». C’est par une comparaison financière qu’EY décèle les disparités entre les secteurs étudiés. Ainsi, les organisations du secteur bancaire investiraient près de 1 % de leur chiffre d’affaires, salaires du personnel inclus, dans les projets d’IA. Les acteurs de l’automobile et de l’industrie pharmaceutique y placeraient entre 0,8 % et 0,9 % de leur CA. Dans l’assurance ou le ferroviaire, ce ratio de dépense représenterait entre 0,5 % et 0,7 % des revenus. Malheureusement, Ernst & Young ne fournit pas cet indicateur pour tous les verticales étudiées.
De la même manière, les cas d’usage seraient limités en nombre. Les trois principaux cas d’usage par industrie « concentreraient entre 40 % et 65 % des investissements ». Par exemple, dans l’aéronautique, les principaux usages du machine learning concerneraient la maintenance prédictive des avions, le contrôle qualité de la production et l’industrie 4.0. Dans l’assurance et le secteur bancaire, la détection de fraude et la cybersécurité sont des besoins communs.
Les analystes d’EY expliquent cette « prudence » par la difficulté à obtenir et préparer des données de qualité, puis à entraîner, inférer et garder en production des algorithmes pouvant être déployés à « l’échelle ». Cette observation semble se vérifier. À titre d’exemple, la Société Générale a organisé une conférence de presse pour effectuer un rapide bilan de ses efforts en matière d’intelligence artificielle. Le groupe a déployé 330 cas d’usage d’IA et d’analytique en production, mais seulement quinze d’entre eux sont étendus à l’échelle du groupe. Aussi, de manière plus globale, les dirigeants auraient du mal à percevoir d’emblée les retours sur investissements des projets d’IA dans l’industrie.
L’IA de confiance, un concept « émergent »
De fait, le cadre juridique ne serait pas adapté ou insuffisant pour déployer avec assurance les projets de machine learning et de deep learning. En Europe, la commission promet d’établir son « RGPD de l’IA », dans le but d’encadrer les « usages critiques » sans freiner l’innovation.
C’est le même constat établi par l’AFNOR après une consultation menée entre juin et octobre 2021, auprès de 261 personnes en provenance de PME et startups, d’acteurs industriels et de grands groupes, d’organismes de recherche et d’acteurs institutionnels français. La majorité des sondés sont favorables à une « normalisation volontaire » de l’IA, passant par la définition et la terminologie de l’IA, la mise en place d’une gouvernance et d’une étude des risques liés à cet ensemble technologique et l’établissement des « caractéristiques de la confiance ».
Malgré l’absence de réglementation, les industriels se tournent vers des projets d’IA de confiance, d’après EY. Il faut toutefois noter une certaine prudence dans les termes choisis par les auteurs de l’étude. Selon le cabinet, 52 milliards des 80 milliards d’euros du budget combiné consacré à l’IA dans l’industrie en 2020 ont servi à financer des « applicatifs d’IA nécessitant de la confiance ». Ici, ce sont les secteurs de l’automobile, l’aéronautique et le ferroviaire qui ont investi davantage, avec une enveloppe totale de 14,1 milliards d’euros. Les secteurs de la banque et du pétrole et du gaz se suivent de près : ils ont respectivement engagé 10,6 milliards et 10,2 milliards d’euros dans des projets nécessitant de l’IA de confiance. L’assurance (6,8 milliards d’euros), la santé (5,2 milliards d’euros), l’énergie et le réseau (3,8 milliards d’euros) et l’industrie minière (1,6 milliard d’euros) y placent moins de ressources.
Dans son rapport, EY identifie donc des cas d’usage où « l’apport de confiance sera le plus nécessaire », à savoir l’industrie 4.0 dans l’industrie automobile et aéronautique, le pilotage et l’optimisation des projets d’extraction des ressources dans les industries minières, pétrolières et gazières, ainsi que la détection de la fraude dans la banque et l’assurance. Ces exemples ne sont pas pris au hasard : de grands groupes français en provenance de ces secteurs rayonnent à l’international.
Cela semble valider les efforts du gouvernement français et des institutions engagés dans l’avènement de l’IA de confiance. « L’IA de confiance est l’un des enjeux clés à la fois de compétitivité économique avec un marché estimé de plus de 50 milliards d’euros, mais aussi de souveraineté et de responsabilité, tant la diffusion de l’IA est rapide dans tous les secteurs industriels. La France dispose d’atouts indéniables pour relever ce défi dans un contexte de future réglementation au niveau européen. », se réjouit Julien Chiaroni, directeur du Grand Défi « sécurisation, fiabilisation et certification des systèmes à base d’IA » au SGPI, dans un communiqué de presse.
Julien ChiaroniDirecteur Grand Défi, SGPI
Or si la notion de confiance est nécessaire dans une majorité des projets d’IA, seulement 0,8 % de ce budget « concernera demain l’achat de solutions (environnements et plateformes de développement intégrant notamment des librairies d’algorithmes), offrant la possibilité de développer l’IA de confiance », écrivent les analystes d’EY. Cela représente un marché potentiel adressable de 420 millions d’euros répartis entre l’Europe (180 millions d’euros, dont 40 millions en France), l’Asie (130 millions) et l’Amérique du Nord (110 millions d’euros). Les premiers secteurs à investir seront – dans l’ordre – l’automobile, l’aéronautique, le ferroviaire, la banque, l’assurance, ainsi que le pétrole et le gaz. La majorité des dépenses apparaissent liées aux frais de personnel, aux services et surtout à l’achat des ressources informatiques pour exécuter les modèles de machine learning en production.
Le coût du stockage et du calcul dans la balance
Ainsi, les dépenses globales dédiées à l’intelligence artificielle auraient atteint 231 milliards d’euros en 2020, selon les estimations d’EY, dont 203 milliards rien que dans l’achat ou la location de ressources de calcul et de stockage. Entre 2020 et 2024, le taux de croissance annuel du marché de l’intelligence artificielle serait de 28 %. En 2024, les investissements pourraient représenter 450 milliards d’euros, dont 398 milliards consacrés aux ressources IT. La même année, les entreprises pourraient débourser 25 milliards d’euros dans les solutions et 31 milliards dans les services. En clair, les grands gagnants présumés de cette course à l’IA, qu’elle soit de confiance ou non, sont les fournisseurs cloud, les équipementiers et les fabricants de semiconducteurs. Aujourd’hui, ceux-là sont majoritairement américains et chinois.
Pour approfondir sur Intelligence Artificielle et Data Science
-
« L’IA reste une très, très grande priorité pour nous » (Clara Chappaz, secrétaire d’État à l’IA)
-
Wolters Kluwer lance une gestion de contrats augmentée par l’IA
-
« L’investissement numérique est à la traîne en Europe » (Forrester)
-
En rachetant Silo AI, AMD poursuit sa course à l’armement face à Nvidia