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Gartner prédit l’avènement de la technologie des graphes

Alors que la taille et la complexité des données s’intensifient, les organisations se tourneront de plus en plus vers la technologie des graphes pour exploiter leurs données afin de favoriser leur prise de décision.

Lors du discours d’ouverture du Graph + AI Summit Fall 2021, une conférence organisée par TigerGraph, étalée du 5 au 18 octobre, Rita Sallam, analyste chez Gartner, a annoncé que le cabinet de recherche et de conseil prévoit que 80 % des innovations en matière de données et d’analytique seraient réalisées à l’aide de la technologie des graphes d’ici 2025.

Actuellement, en 2021, seulement 10 % de ces innovations s’appuient sur des bases de données ou des modèles orientés graphes.

De multiples points de données

Le cœur de cette technologie réside dans les relations entre les points de données.

Les points de données stockés dans des SGBD orienté graphes peuvent se raccorder à plusieurs autres points de données à tout moment, alors que ceux stockés dans des bases de données relationnelles traditionnelles ne peuvent se connecter qu’à un seul autre point de données. Cette capacité à se relier à plusieurs autres points de données permet une exploration plus profonde, plus rapide et plus précise du patrimoine informationnel d’une organisation.

En outre, comme la quantité de données créées et collectées augmente de façon exponentielle, les outils traditionnels sont dépassés et leurs performances ne répondent plus aux attentes de nombreuses entreprises, selon Rita Sallam.

La technologie des graphes est toutefois en mesure de répondre aux demandes croissantes des organisations.

« L’agilité et la résilience sont essentielles, et la complexité repousse les limites des approches actuelles […]. »
Rita SallamAnalyste, Gartner

« Alors que la taille, la complexité et la nature distribuée des données nécessaires pour contextualiser des décisions complexes s’accélèrent, les architectures et les outils rigides s’effondrent », affirme Rita Sallam. « L’agilité et la résilience sont essentielles, et la complexité repousse les limites des approches actuelles, mais [la complexité] conduit également à des cycles sans précédent d’innovation rapide en matière de données et d’analytique. »

Elle ajoute que la façon de répondre à l’effondrement des architectures et des outils rigides est d’adopter la technologie des graphes, et de maximiser son efficacité en la combinant avec l’intelligence augmentée et le cloud.

La technologie des graphes dans le monde réel

Pour illustrer les capacités de la technologie des graphes, l’analyste de Gartner évoque plusieurs exemples concrets d’entreprises les utilisant pour résoudre des problèmes du monde réel sans liens apparents.

Elle revient tout d’abord sur l’importance et l’imprévisibilité de la gestion de la chaîne d’approvisionnement pendant la pandémie de COVID-19. L’équilibre entre l’offre et la demande de certains produits a été en constante évolution au cours des 18 derniers mois, et les fabricants ont dû réagir rapidement afin d’éviter qu’il y ait trop ou trop peu d’un produit donné, dans une région donnée à un moment donné.

Ensuite, Rita Sallam note que les municipalités ont dû livrer de la nourriture aux personnes âgées incapables de quitter leur domicile pendant la pandémie. Les villes ont dû déterminer les meilleurs itinéraires pour optimiser la vitesse de livraison et les ressources de transport.

Enfin, elle mentionne le suivi de l’impact du changement climatique sur les pingouins afin de définir des stratégies d’intervention. Les écologistes doivent connaître les déplacements de chaque manchot, les schémas de migration et d’accouplement, et savoir comment tout cela est lié aux schémas météorologiques et aux changements dans leur écosystème.

« Tous exploitent des combinaisons de données très complexes et variées, notamment des vidéos, du texte, de l’audio et des transactions, ainsi que le microcomportement des employés, des clients et, dans un cas, des manchots », illustre l’analyste. « Tous doivent établir rapidement des connexions à travers ces combinaisons nouvelles et complexes de données pour résoudre un problème urgent. Et tous, en fait, innovent en utilisant la technologie des graphes et l’IA. »

La nécessité d’établir rapidement des connexions entre les points de données et de prendre des décisions fondées sur les données n’a jamais été aussi importante qu’au cours des 18 derniers mois.

La technologie des graphes et la pandémie

« Nous prédisons une adoption rapide. »
Rita SallamAnalyste, Gartner

La pandémie a anéanti le fonctionnement normal des sociétés avant mars 2020. Des institutions de toutes sortes ont dû réagir rapidement.

Les organismes de santé ont dû se préparer et faire face à l’augmentation des infections par le COVID-19. Les gouvernements ont dû prendre des mesures telles que l’émission de décret imposant le confinement, puis gérer la réouverture des économies locales. Quant aux entreprises, elles ont dû trouver des moyens de survivre dans un contexte de chute brutale des revenus.

Alors que seul un petit pourcentage d’organisations utilisait la technologie des graphes au début de la pandémie, et que celles qui l’utilisent aujourd’hui pour éclairer le processus décisionnel restent une petite minorité, la rapidité d’accès aux informations que permet la technologie des graphes entraînera une augmentation significative de son adoption, selon Rita Sallam. « Nous prédisons une adoption rapide », annonce-t-elle, sans broncher.

L’essor de la technologie des graphes pour l’innovation et les décisions

Au-delà de l’augmentation de 70 % des innovations en matière de données et d’analytique alimentées par la technologie des graphes que Gartner prévoit d’ici 2025, Rita Sallam a indiqué que, d’ici 2023, la technologie des graphes jouera un rôle dans le processus décisionnel de 30 % des organisations dans le monde.

« Les données, l’analytique et l’IA n’ont jamais été aussi critiques. »
Rita SallamAnalyste, Gartner

« Les données, l’analytique et l’IA n’ont jamais été aussi critiques », déclare-t-elle. « Tout en prenant en compte toujours plus de facteurs, de parties prenantes et de sources de données, les décisions sont tout simplement plus complexes, et nous devons [en tenir compte] plus rapidement que jamais. Ce qu’il faut pour réussir face à cet ensemble inimaginable de mutations du marché, c’est la capacité à tirer parti d’une vitesse et d’une échelle d’analyse croissantes. »

Selon l’analyste de Gartner, les entreprises utilisent déjà la technologie des graphes de diverses manières.

En plus de favoriser une meilleure compréhension des clients et d’aider à découvrir les fraudes, elle est maintenant utilisée dans des secteurs aussi variés que l’agriculture pour optimiser le rendement des cultures, les forces de l’ordre et le ministère de la Sécurité intérieure pour suivre les suspects, par exemple dans la lutte contre la cybercriminalité, ou encore tracer les cas de COVID-19 et en atténuer les effets. Les enquêtes de l’ICIJ sur les paradis fiscaux (Panama Papers et Pandora Papers) sont en majeure partie motorisées par une base de données orientée graphes, Neo4J, et un outil de visualisation, Linkurious.

En outre, la plupart des outils de supervision modernes s’appuient également sur cette technologie pour matérialiser les relations entre les métriques logs, les traces, voire les synthétiques issus des architectures IT. Les jumeaux numériques, quoique émergents, reposent sur des modèles graphes : Azure Digital Twin et la solution de Cosmo Tech en sont des exemples. D’autres cas d’usage font sens pour les entreprises qui adoptent massivement l’IA, par exemple pour effectuer les tâches d’audit et d’explicabilité des modèles de machine learning et des données d’entraînement. Mais les usages des MDM et des outils de gouvernance de données, propulsés par la technologie des graphes, peuvent rendre intelligibles des processus complexes dans le domaine de la supply chain et de la grande distribution.

« La plupart des questions commerciales que nous nous posons et des décisions que nous devons prendre nécessitent une compréhension des relations entre les objets – personnes, lieux, comportements – et les graphes aident à mettre en évidence ces relations importantes », affirme Rita Sillam.

Certains comme Jaroslav Pokorný, professeur de sciences computationnelle à l’université Charles à Prague, considérait déjà en 2015 que les bases de données orientées graphes devenaient « mainstream ». Pour autant, le chercheur identifiait des limitations, dont la plupart relèvent du passé.

Néanmoins, le manque d’un langage de requêtes standard, les requêtes de plus en plus longues et complexes, la lenteur des injections de données, et l’expertise exigée pour élargir (voire déployer) les instances de grande taille sur site et dans le cloud demeurent des enjeux importants pour les usagers de cette technologie.

Rita Sallam est confiante. « Les graphes, les données, l’analytique et l’IA dans le cloud rendent possibles des cas d’utilisation innovants à l’échelle », conclut-elle.

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